Une brève histoire de l'Orgue et de son Avenir:


Les origines de l'Orgue remontent a Ctésibios en Egypte aux environs de -1500 avant Jésus-Christ. Depuis sa création, il a sans cesse été l'objet d'inventions nouvelles, et permis une forme d'expression à la créativité humaine au cours de siècles où il constituait avec l'horlogerie le seul objet véritablement complexe encore jamais inventé par l'Homme. Dans un passé récent, des inventions majeures le dotèrent des possibilités nouvelles que nous connaissons actuellement. A l'origine entièrement mécanique, il fut au XIX ème siècle doté de relais pneumatiques, puis électrifié vers le début du siècle.
Ces trois modes de commandes des jeux et des notes font encore aujourd'hui l'objet de discussions techniques et artistiques nombreuses.
Ce texte a pour but de faire un point aussi précis et objectif que possible de ces différents systèmes de commande.


La commande mécanique:

Connue depuis les origines de l'Orgue, elle permet un contrôle direct des soupapes et des jeux de l'instrument. Sa limitation principale vient du fait que la force des doigts de l'organiste a des limites impossibles à dépasser, ce qui contraint le nombre de jeux actionnables par un organiste.
De plus chaque clavier est rigidement associé à un sommier: Si par exemple, il existe une trompette de 8' au grand Orgue, il n'est pas possible de la tirer depuis les autres claviers/pédalier, indépendamment des autres jeux du sommier dont elle fait partie..

La commande pneumatique:

A permis de démultiplier la force humaine des doigts, permettant une multiplication très importante du nombre des jeux. Ce système permet également les dédoublements de jeux, c'est à dire la possibilité de commander un jeu non pas à la hauteur de la note jouée, mais une à plusieurs octaves en dessous ou au dessus.
Sa contrepartie est une perte de lien direct avec les soupapes, une taille de machine et une complexité très importante. On aboutit souvent à un toucher assez flou, comportant un certain retard, ne permettant pas de sentir le décollement de la soupape. Notons également, comme pour le mécanique, l'impossibilité de réaliser en série de tels systèmes.

La commande électrique:

Consista a contrôler les soupapes par des electro-aimants de tirage direct , relayés ou non par des relais pneumatiques. De nombreuses expériences furent faites selon ce principe, avec plus ou moins de bonheur. Les meilleures réalisations furent faites par des électro-aimants à relais pneumatique Dans ce cas, en effet, chaque électro ne tire qu'une soupape par tuyau, et le courant de commande dans le contact de touche est réduit. A l'inverse, le remplacement du tirage mécanique direct par des électro-aimants (tirage mécanique direct) pose un important problème de fiabilité, en raison de l'ampérage important constaté dans les contacts de notes.

La commande électronique:

Introduite beaucoup plus récemment, elle apporte une solution au problème précédent, en apportant un relais électronique solide, quasiment inusable, entre les contacts et les électro-aimants.
Ces derniers ne sont plus dans ce cas traversés que par des courants de quelques millis voir micro-ampères ce qui étend considérablement leur longévité, à la grande différences des contacts utilisés dans les systèmes électro-mécaniques qui sont de l'ordre de plusieurs centaines de milliampères, à l'origine de beaucoup de difficultés et critiques justifiées à l'encontre des Orgues à tirage électro-mécanique.

Bien entendu, le système de commande électronique permet l'ensemble des possibilités de dédoublements et d'accouplements de la traction pneumatique.
Enfin, il assure une indépendance totale entre les jeux et les claviers, ce qui est impossible par les autres procédés: Tout jeu peut être actionné depuis l'un quelconque des claviers/pédalier; De plus, le nombre des claviers/pédalier n'est pas limité.
La transmission est ici instantanée. (à la différence du mécanique ou du pneumatique)
En contrepartie, comme pour le pneumatique ou l'électrique, il n'y a plus de lien mécanique direct entre les doigts de l'Organiste et les soupapes. Toutefois, il est possible de simuler ce toucher grâce à des aimants judicieusement placés sur les claviers.


CARACTERISTIQUES DE CE SYSTEME:

Quelques remarques destinées à clarifier divers propos recueillis au sujet du mode de commande électronique:
- Le son obtenu est toujours celui d'un Orgue à tuyaux, comme dans l'Orgue mécanique, pneumatique ou électrique. Il n'y a aucune production de son autrement que par des tuyaux.
- Il faut dissocier les possibilités de dédoublement de la technique de tirage électronique: Les dédoublements sont bien entendu réalisables de façon bien plus aisée que sur les Orgues mécaniques, pneumatiques ou électronique, (quelques lignes de logiciel suffisent) mais l'Organiste peut très bien ne pas les utiliser, s'il n'apprécie pas leur effet.
De plus, à nombre de jeux égal, l'Orgue à commande électronique est nettement moins onéreux qu'un Orgue à traction classique (mécanique ou pneumatique) puisqu'il supprime toutes les parties mécaniques de transmissions: Abrégés, soufflets,

Disons simplement qu'ils permettent à un petit Orgue d'augmenter sa richesse sonore, sans augmenter le nombre de ses tuyaux. Chaque jeu pouvant être séparément commandé en 16-8-4-2, etc...
Le cout de l'instrument peut alors etre reduit dans un rapport d'au moins 2, a effet sonore quasiment égal.
Rien ne distingue par contre un Orgue classique pneumatique ou mécanique d'un Orgue à commande électronique, à nombre de jeux égal, sur le plan sonore.
- Enfin, si l'on utilise les possibilités de dédoublement de la commande électronique, il faut bien entendu que les différents jeux soient prolongés sur l'aigu, de 12 tuyaux si l'on demande un 4' et de 24 tuyaux si l'on demande un 2', etc...
Mais ces prolongements ne sont pas tous indispensables, la souplesse de la programmation pouvant pallier leur absence. Par exemple, le 4' et 2' d'une trompette de 8 peut fort bien être empruntée aux dessus d'un jeu de fonds L'ordinateur pouvant déceler en permanence le potentiel de tuyaux libre.
Par ailleurs, le goût de l'organiste dans son choix de registration peut également apporter beaucoup dans la qualité d'utilisation de ce système.

La maintenance:
Contrairement aux pannes mécaniques, en fait beaucoup plus fréquentes sur les Orgues mécaniques, les pannes électroniques prennent souvent des allures de psycho-drames, en raison du mystère et de l'ignorance profonde de nos contemporains pour cette nouvelle technique.
L'électronique, et l'informatique, lorsqu'elle est bien conçue, présente en fait beaucoup moins de pannes que le mécanique, l'expérience le démontre chaque jour.
 

Pascal Leray, le 1 Septembre 1996


UN PEU DE FUTUROLOGIE (TRES PREVISIBLE)
SUR L'AVENIR DE LA FACTURE D'ORGUE FRANCAISE:
Au siècle dernier, l'ensemble des besoins en matière d'Orgue liturgique étaient satisfaits par nos Facteurs d'Orgue: Depuis le petit Polyphone, et autre Orgues Positifs, jusqu'aux Grandes Orgues utilisant les divers types de tractions décrits plus haut.

A l'heure actuelle, la Facture et les Organistes Experts se refugient pour la plupart dans le splendide isolement de l'orgue mécanique traditionnel. Entre parenthèse, jamais, avec un tel état d'esprit, n'auraient pu éclore des inventions telles que le relais pneumatiques ou les transmissions électriques.
Certains leaders organistes experts se réjouissent de ce que la plupart des Orgues actuels et des Orgues en construction sont ou seront Mécaniques, "comme au Moyen Age" est-il precisé parfois!
Certains vont même jusqu'à recommander (quelle évolution!) des combinateurs pneumatiques!

Si un telle pensée unique avait dominé en France au XIXème siècle, jamais l'Orgue Symphonique avec Cavaillé-Coll n'aurait pu voir le jour!

De tels comportements archaïques et sectaires seraient plutôt risibles s'ils n'avaient pas pour conséquence, a terme, d'affaiblir  l'ensemble de la Profession des Facteur d'Orgue en France:
Certes, comme pour le dessin animé, ou les automates, certains survivront, mais la plus grande partie de nos Facteurs vont perdre le segment de marché intermédiaire entre l'Orgue électronique (électronium) et les petits Orgues mécaniques de 10 12 jeux, dont le prix pourra difficilement descendre en dessous de
500 000 Frs. J'évalue ce segment à 10000 Orgues environ, rien que pour la France!

Comme ils ont déjà perdu l'énorme marché de l'Orgue électronique d'Eglise, dominé par les Américains et les Japonais, ils perdront demain celui de l'Orgue de 6 à 12 jeux réels de type "Unité", à électro-aimants à tirage direct, dont les prix sont très inférieurs à celui du mécanique.
De plus, l'apport de l'électronique-informatique donne à ces instruments, tel celui de St Gilles, un attrait que n'ont pas les Orgues mécaniques traditionnels tant pour l'interprétation que pour le concert, ou l'enseignement.:
Interfaces MIDI, possibilité d'utilisation de beaucoup plus de tuyaux simultanément, enregistrement-lecture de partitions, combinaisons automatiques, possibilité de touches sensitives expressives, transpositions, etc...

Contrairement à la France, 50% des Orgues de nos voisins étrangers se construisent selon ce principe. Les électro-aimants à tirage direct se construisent par millions, sauf chez nous! Nous avons perdu il y a 20ans en France la dernière fabrique de composants pour Orgue (Jamet), alors que fleurissent les Laukhuff, Kimber-Allen, et autres Petersen à l'étranger où nos chers Facteurs s'approvisonnent dans l'indifférence la plus totale de nos Experts-Organistes et des Pouvoirs Publics.

Ces même Pouvoirs Publics (Affaires Culturelles, pouvoirs généraux ou régionaux guidés par les Organistes-Experts) portent sur le devenir de la Facture Francaise une bien lourde responsabilité!

Souhaitons qu'ils prennent en considération d'autres éléments que le culte intégriste du mécanique mais aussi l'ensemble des facteurs économiques, industriels, culturels et d'enseignement indissociables de l'Orgue à Tuyaux.
(Cher Dom Bédos! qui, lui, s'intéressait en son temps déjà à la "Tonotonie", ou art de coder la musique! serait tout à fait en phase avec l'immense potentialité de l'électronique et de l'informatique actuelles!... et probablement très décrié par nos contemporains!).

Et le plus important de tous: la création musicale du XXIème siècle:
Sans la machine Barker  ni Cavaillé-Coll, Franck, Saint Saens, Widor et bien d'autres, n'auraient pu exprimer leurs musiques!
 

 Pascal Leray, le 10 Avril 1998



 
  1