Après des recherches sur la situation de l'être humain dans l'univers, pendant 25 ans, je suis maintenant amenée à assumer pleinement mon identité de femme.
Je suis pourtant née dans un corps masculin. Ceci m'a conduit, progressivement à la transsexualité. Ce parcours est en voie d'achèvement, pour ce qui me concerne.
C'est l'expérience la plus enrichissante que j'ai pu connaître.
Une curiosité fondamentale m'a fait investiguer les raisons d'un tel phénomène.
Bien souvent, j'ai pu avoir des échanges de point de vue avec des personnes concernées.
Mais j'ai principalement constaté qu'il était souvent difficile de dépasser le vécu, et d'essayer de comprendre les principes sous-jacents.
C'est du, je pense, au côté déjà exceptionnel de l'irruption de telles expériences, dans une situation parfois très conventionnellement établie, dans les apparences.
Il faut distinguer ici les aspects psychologiques, qui ont fait l'objet de certaines approches, d'un examen approfondi tentant de mettre en évidence
d'éventuelles raisons ontologiques à la transsexualité.
Il convient également d'écarter, ici, d'éventuelles recherches au sujet des aspects génétiques impliqués, y compris les rapports pouvant exister entre
les déclencheurs hormonaux naturels et le développement biologique et psychologique.
Il ne s'agit pas, non plus d'émettre de nouvelles théories d'ordre psychanalytiques.
Mon propos est l'investigation pure de l'univers et de l'être humain, et leurs rapports.
C'est dans cette perspective que j'aborderai la transsexualité.
L'unité est bipolaire, car s'il est possible de la considérer, elle représente simultanément un objet extérieur et intérieur.
On peut donc la voir comme part intrinsèque de tout, mais aussi comme dépassant, en nature, la diversité.
Elle est à la fois active et passive, plus et moins, féminin et masculin.
Elle est particulièrement bien représentée dans le TAÏ-KI (le TAO du Yinn et Yang unis formant une unité et contenant, en germe, dans chaque polarité, la polarité opposée).
Cet aspect principiel se trouve en chaque être humain, à la fois dans sa réalité
physiologique et psychologique. Une part de lui est masculine et une part féminine,
quel que soit le sexe biologique.
Par suite des conventions générales dans l'organisation conceptuelle de la société,
c'est le sexe biologique qui devient le repère fondamental pour donner une identité
à chacun.
C'est aussitôt négliger la base réelle qui structure l'être humain : sa nature bipolaire
lui restituant son intégrité unitaire.
Il arrive donc obligatoirement, pour certaines personnes, qu'elles soient confrontées à un conflit de genre.
Ce conflit reste généralement peu conscient, voire totalement inconscient, donnant alors souvent lieu à des surcompensations
dans le genre qu'elle s'est vue attribuer et que la personne a adopté pour se définir.
Mais chez d'autres, une minorité, ce conflit arrive à la conscience, parfois dans le jeune âge, mais aussi
dans des âges plus matures. En définitive, c'est toujours une expression de la recherche de son intégralité,
et par là-même de son intégrité, qui se manifeste impérieusement.
Chez certains, l'évocation, plus ou moins réussie du genre opposé, par l'adoption
d'une sélection vestimentaire appropriée, d'un apport cosmétique et d'accessoires divers,
suffit pour rétablir l'équilibre. Cela débouche sur le travestissement.
Dans ce cas, l'identité intérieure de référence restera celle du genre initialement adopté.
Il n'en est pas de même dans le cas de la transsexualité. C'est toujours l'identité de référence
du sujet, par rapport à lui-même et aux autres, qui tente de se manifester.
L'identité profonde n'est donc pas la personnalité de surface. Mais si un antagonisme
se révèle, dans le cadre d'un conflit d'identité de genre, il commande
une transformation adaptative. C'est ainsi que la vie retrouvera
une plénitude qu'elle n'aura pu refléter auparavant.
Il faut remarquer que ce processus viendra ébranler l'architecture interne de l'auto-définition
de genre présente chez tous. Dès lors, la transsexualité semblera toujours, pour des personnes
non-concernées, une manifestation incompréhensible dans sa réalité profonde.
Il ne sera pas possible, en général, pour autrui, de conceptualiser un tel décalage entre
le sexe apparent et le sexe réel. Cela conduit souvent à l'exclusion, l'éloignement
du milieu initial, pour reconstruire, progressivement un nouveau tissus relationnel,
affectif et social, fondé sur la véritable identité de genre.
Car chacun néglige, en général d'intégrer dans son existence la polarité complémentaire
à la sienne. C'est aussi la raison pour laquelle il paraît parfois difficile de comprendre
les comportements et les motivations de l'autre sexe : il n'existe pas une place suffisante pour celui-ci
au sein-même de la construction identitaire que l'on aura adopté.
C'est lorsque l'individu est en rupture avec lui-même, ayant déjà vécu une partie de son existence
dans un rôle de genre inapproprié, qu'il convient de donner un caractère prioritaire à l'émergence
de sa nature véritable. C'est pourquoi un mouvement d'envergure restreinte ne permettra jamais de retrouver
une vie harmonieuse. Il convient vraiment de favoriser au plus haut point l'éclosion de cette identité
recelée au sein de l'individu transsexuel. Ce basculement est nécessaire pour compenser l'ensemble
énorme des données connexes à l'identité de genre premièrement attribuée.
C'est, par là-même donner automatiquement, pour l'entourage, l'occasion de resituer ses préjugés,
d'évaluer ses opinions et sa latitude d'assimilation des données issues de l'autre genre, pour autant qu'il existe,
dans cet entourage, un minimum d'ouverture d'esprit et de capacité de remise en question.
Etonnamment, dans le cas où une personne transsexuelle s'engage définitivement
dans cette démarche, elle représente métaphysiquement l'illustration parfaite
de l'équilibre unitaire, contrairement à la vision sommaire des percevants non-concernés.
C'est-à-dire qu'elle devient principiellement l'expression d'une force et d'une détermination
que son caractère initial n'aura pas forcément révélé.
Il s'agit de la vibration propre à l'unité. Celle qui anime les phénomènes et leurs mutations.
On a toujours vu l'action de cette nouvelle force intérieure dans le cas d'une transsexualité
véritable, c'est-à-dire fondée sur l'identité profonde de l'autre genre.
C'est pourquoi il est inutile d'essayer de s'opposer à cette démarche : tôt ou tard le sujet saura trouver
une issue à sa situation, ou s'il ne le peut vraiment, il ne supportera pas longtemps ces conditions d'existence.
C'est alors l'issue fatale, préférable au mensonge, et au rôle imposé.
Or la vibration unitaire fait s'éclore une nouvelle vie. Elle est fondamentalement constructrice,
donnant même l'intuition et l'inspiration à la personne transsexuelle pour lui
permettre d'aboutir dans sa démarche. Elle fait apparaître une nouvelle situation,
en développement et en perfectionnement constants, suscitant des trésors
d'inventivité et de créativité, pour ajuster les comportements, les attitudes, le langage,
la mentalité-même et, en définitive, toute l'expression personnelle.
Ce phénomène est peu fréquent dans les conditions de vie ordinaire. On retrouve pareil
engouement dans les domaines artistiques, ou la créativité s'applique à la concrétisation d'une oeuvre.
Dans le cas qui nous occupe, la personne est à la fois le sujet et l'objet de cette créativité
artistique. Il s'agit de faire apparaître ce qui n'était encore qu'intérieur, au départ.
C'est l'optique même de l'artiste, qui offre au monde l'expression d'une perception
intérieure inspirée.
Ainsi la personne transsexuelle sera toujours concernée par l'esthétisme. Elle recherchera
parfois des expressions outrancières, voires excessive. Ce sera un apprentissage
meilleur de sa nature identitaire réelle et de son expression qui viendra créer le terrain
d'un nouvel échange et d'un partage avec autrui. Des adaptations seront toujours nécessaires.
Mais c'est dans l'essort d'une nouvelle vie et l'enthousiasme qu'elle peut amener,
que l'expression de soi prendra place : l'unité, rendue fonctionnellement présente, fera se révéler une toujours meilleure
intégration de soi, de son image, de son rôle nouveau et de son expression, pourvu que l'on
y inscrive sa confiance la plus totale.