Première vraie sortie


J'ai déjà, de nombreuses fois, osé m'aventurer dans la rue en jupe ou en pantalons amples et souliers à talons, maquillée et parée, mais il s'agissait toujours de marches solitaires, tard la nuit. Je me donne souvent dans ces occasions des «défis», comme d'aller porter du courrier à la boîte aux lettres ou d'aller au guichet bancaire, une aventure plus risquée parce que c'est plus loin, plus éclairé, et qu'une fois à l'intérieur du cubicule, on ne peut guère s'échapper si quelqu'un d'autre surgit... Il faut finir ses transactions et partir en douce, l'air de rien, sans pouvoir esquiver les regards. Je n'ai pas eu de mauvaises expériences. J'ai croisé des gens, à quelques reprises, sans qu'ils ne semblent me remarquer. Une seule fois, quelqu'un m'a suivi et adressé la parole. Je n'ai pas répondu et il n'a pas insisté. J'en fus quitte pour ma peur!

Plus souvent, je me suis rendue de chez moi jusqu'à mon auto et ai fait de courtes randonnées dans la ville, en femme. Sans grand mérite, du reste, parce qu'assise dans son auto, même une femme à deux têtes ne se ferait guère remarquer.

Puis il y a eu les soirées d'Halloween. Une fois, nous nous sommes promenées, ma copine et moi, deux femmes libres dans le village gai. Mais j'étais masquée d'un loup. L'autre fois, je suis allée seule danser à l'Entre-Peau, en femme à barbe ce soir-là (mon alter ego portait la barbe, à l'époque). J'avais eu beaucoup de plaisir à danser avec des gens que je ne connais pas, sans que cela ne les choque. Merveilleux Halloween!

Mais hier, je me suis décidée à sortir, sans autre prétexte que d'aller dans un bar (le Café Cléopatra, quand même... j'aurais pas osé le Ritz, pour la première sortie!) Je ne donnerai pas tous les détails, mais vous imaginez la tension qui se crée quand, pour la première fois, j'ai dû remonter quelques centaines de mètres de la rue St-Laurent, plutôt peuplée à cette heure (un peu avant 23 heures). Moi qui pensais que ça serait moins achalandé le lundi!

À l'intérieur du bar, par contre, c'était plutôt tranquille. J'ai pris la première demi-heure pour relaxer, puis je suis allée danser avec Daniella, une (fort belle) habituée de la place qui m'a invitée à me joindre à elle. Elle m'a présentée ensuite à une de ses amies avec qui j'ai parlé jusqu'au début du spectacle. Rien de transcendant comme première vraie sortie, comme vous pouvez le constater. Mais c'est quand même émouvant de savoir qu'on peut le faire. Juste de briser une barrière. Je ne suis pas restée très tard : je travaillais le lendemain. Mais à la sortie, vers minuit quarante-cinq, j'ai pris tout mon temps pour retourner à l'auto.

De retour dans le quartier où j'habite, je n'ai trouvé de stationnement qu'à une rue de chez moi. Au lieu de passer par la ruelle sombre, j'ai choisi de franchir les 500 mètres qui me séparaient de ma porte en marchant sur l'avenue Mont-Royal, en pleine lumière et en passant devant deux bars encore animés. Je savais qu'à défaut d'être crédible, vue de près, je pouvais tout de même passer inaperçue, à condition de demeurer furtive! En tournant le coin, à 30 mètres de chez moi, un automobiliste s'est arrêté et m'a demandé, en anglais, si je voulais lui tenir compagnie. J'ai fait la sourde. Avait-il «lu» mon identité. Il n'a rien laissé voir, en tout cas, en insistant avec son «Why don't you want to talk with me?» Puis il est parti.

Pour cette sortie, j'avais emprunté la perruque (cheap) d'une consoeur. Assez efficace pour ne pas qu'on me reconnaisse, mais définitivement pas très naturelle. Alors c'est décidé : demain, je m'achète une perruque mieux adaptée à ma tête, plus «bon chic bon genre».


Pour le récit de ma seconde sortie

© 1997 Priscilla@caress.com


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