Être parent et homosexuel | ||
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Malgré une acceptation sociale grandissante. Beaucoup d'homosexuels éprouvent de la difficulté à assumer leur différence. Quand le rôle de père ou de mère vient s'ajouter à cela, la situation devient encore plus délicate. "Dernière Heure" a rencontré des parents homosexuels qui ont bien boulu partager leur expérience. Par Jean-Marc Beausoleil | ||
Jacques Beaudet | ||
"J'avais peur de la réaction de mes filles" | ||
Les couples homosexuels s'affichent de plus en plus et sont probablement de plus en plus nombreux. Depuis peu, l'opinion publique, du moins au Québec, semble prête à leur accorder les mêmes droits qu'aux couples mixtes. Le projet de loi 33 vise d'ailleurs à faire reconnaître les couples homosexuels comme conjoints de fait. Dernière Heure a rencontré deux hommes, Jacques Beaudet et Benoît Comtois, qui vivent ensemble depuis 14 ans. Monsieur Beaudet, à quel moment avez-vous décidé d'assumer votre homosexualité? J'avais 28 ans à l'époque--j'en ai aujourd'hui 48. J'étais marié et père de deux enfant. Je me croyais seul au monde et je ressentais énormément de culpabilité. Au début, je voulais "guérir". Je n'arrivais pas à accepter les désirs qui m'habitaient. J'ai consulté un psychologue pendant longtemps. Puis, à l'approche de la trentaine, j'ai décidé que je ne pouvais plus me mentir. J"étais, je suis homosexuel. Et vous, monsieur Comtois? Aujourd'hui, j'ai 33 ans; à l'époque, j'en avais 17. J'ai toujours su que j'étais homosexuel. Même petit, j'aimais mieux que ce soit un oncle qu'une tante qui me serre dans ses bras... J'ai, moi aussi, traversé une période d'hésitation et d'angoisse. Mais je devais m'accepter tel que je suis. Quelle a été la réaction de vos parents, monsieur Beaudet? Je l'ai dabord dit à mon père, qui avait alors 70 ans. Il a compris; ma mère aussi. Ç'a été beaucoup plus difficile pour ma femme. Elle m'a parlé de concurrence injuste. "si seulement c'était une autre femme..." m'a-t-elle dit. Mais elle à réussi à surmonter cette épreuve, surtout gràce à son amour pour nos deux filles. Et vous, monsieur Comtois? Ma mère m'a tout de suite compris. Mon père, lui, a trouvé ça dur: Il a dû fair son deuil du fils idéal qu'il croyait avoir. comment vous êtes-vous rencontrés? Jacques: Dans un bar gai, le California. Chacun de notre côté, on venait de voir le même film au Complexe Desjardins. |
Lequel? Ensemble: Et Dieu créa les hommes (Éclats de rire). Avez-vous eu le coup de foudre? Jacques: On a couché ensemble dès le premier soir. Chez le s gais, le sexe passe souvent avant tout le reste. Mais il faut croire qu'on avait des atomes crochus, parce qu'on a amménag dans le mème appartement quelques mois plus tard. Benoit: Mon père nous a aides à déménager. Et vous vivez en couple depuis, n'est-ce-pas? Jacques: On a eu des périodes, disons libre. C'est ce qu'on appelle la fidélité sans l'exclusivité. Mais cette étape est terminée. Aujourd'hui, on vit l'un pour l'autre et on est très sages. Certains de mes amis me trouvent trop straight à leur goût... N'avier-vous pas peur du sida durant les premiers temps de votre relation? Au début des années 80, on n'avait pas encore enregistré de cas de sida à Montréal. On entendait parfois parler du mystérieux "cancer gais"... Ce n'est que plus tard que quelques-uns de nos amis ont étét contaminés; certains sont morts. Il est certain que ça nous à donné à réfléchir. Quelle est la réaction de vos filles à votre mode de vie, Jacques? L'ainée à 20 ans et la plus jeune, 18. Elles ont toujours su que je vivais avec Benoit. Mais j'ai attendu qu'elles aient environ 13 ou 14 ans pour leur apprendre que leur papa était homosexuel. J'ai toujours eu peur de ce qu'elles avaient peu entendre à l'école. Je me disais:"elles vont penser que leur père est une tapette, un fifi...W La plus vieille m'a présenté son compain, l'autre jour. Nous avons marché ensemble au défilé de la fierté gaie. Même très jeunes, elles se doutaient de quelque chose. Elles avaient hàte que je leur dise la vérité. En surmontant ma peur de les perdre, j'ai créé un lien de confiance très fort. Je considière que j'ai veaucoup de chance: non seulement j'ai une sexualité épanouie, mais je connais aussi le bonheur d'être père. |
Vous considérez-vous comme des militants qui revendiquent les droits des homosexuels? Une chose est certaine, nous ne cherchons pas à provoquer. Je crois que l'homosexualité est tolérée plus qu'elle n'est acceptés. Le jour du défilé, je portais un t-shirt sur lquel était inscrit: "Tu es un père gai? Tu n'es pas seul" Je l'ai porté au centre-ville et partout dans le village. En rentrant à la maison, j'ai dû m'arrêter au dépanneur pour acheter du lait et du café. Comme j'habite la vanlieue, j'ai préféré enfiler un autre chandail. Je ne suis pas timide, mais je crois qu'il est inutile de choquer les gens. Que pense-vous du projet de loi 33, qui accorderait les même droits aux conjoints homosexuels qu'aux conjoints hétérosexuels? Ma compagnie d'assurances nous accorde un rabais de 10% sur les primes parce qu'elle nous considère comme un couple. Malgré cette pratique des compagnies privées, le gourvernement tarde à emboîter le pas. Si l'un de nous deux tombait malade, l'autre pourrait se voir privé de son droit de visite à l'hôpital parce qu'il ne fait pas partie de la "famille immédiate"! Jamais une homme et une femme vivent ensemble depuis aussi longtemps que nous ne subiraient pareil affront. Pourtant, je connais de nombreux couples, homos ou hétéros, qui envient notre stabilité affective. Il serait temps que le gouvernement nous reconnaisse pour ce que nous sommes: de bons citoyens qui ne méritent pas d'être ostracisés. Une dernière question: Pourquoi êtes-vous homosexuels? Parce qu'on n'a pas le choix! On est venus au monde comme ça! Pensez-vous que j'aurais laissé ma femme, que je me serais donné tout ce mal et que j'aurais vécu toutes ces angoisses si j'avais pur faire autrement? |