CHAPITRE XI

LE PANORAMA DE L’AVENIR DÉVOILÉ

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1-2 : « 1 Et moi, la première année de Darius, le Mède, j’étais auprès de lui pour l’aider et le soutenir. 2 Maintenant, je vais te faire connaître la vérité. »

Nous entrons maintenant dans une prophétie d’événements futurs qui ne sont pas voilés par des images et des symboles, comme dans les visions de Daniel 2, 7 et 8, mais qui sont donnés en langage clair. Ici, les événements les plus remarquables de l’histoire mondiale, depuis l’époque de Daniel jusqu’à la fin du monde, sont présentés. Cette prophétie, comme dit Thomas Newton, peut être intitulée avec justesse : commentaire et explication de la vision de Daniel 8. Avec cette déclaration, le commentateur cité montre avec quelle clarté il percevait la relation qu’il y avait entre cette vision et le reste du livre de Daniel.

Après avoir expliqué que durant la première année de Darius, il avait été à son côté pour l’encourager et le fortifier, l’ange Gabriel accorde son attention à l’avenir. Darius était mort, et Cyrus régnait. Il y aurait encore trois rois en Perse, sûrement les successeurs immédiats de Cyrus, qui furent : Cambyse, fils de Cyrus ; Esmerdis, un imposteur ; et Darius Hystaspe.

Le quatrième roi après Cyrus fut Xerxès, fils de Darius Hystaspe. Il fut célèbre par ses richesses, comme l’avait annoncé la prophétie : « il amassera plus de richesses que tous les autres ». Il décida de conquérir la Grèce, et il organisa une puissante armée qui, selon Hérodote, comptait 5. 283. 220 hommes.

Xerxès ne se contenta pas seulement de mobiliser l’Orient, mais il obtint aussi l’appui de Carthage, en Occident. Le roi perse eut du succès contre la Grèce dans la fameuse bataille de Thermopyles ; mais la puissante armée ne put envahir le pays que lorsque les trois cents vaillants Parthes qui défendaient le passage furent trahis. Xerxès souffrit finalement une déroute désastreuse à Salamine, en 480 av. J.-C., et l’armée perse retourna dans son pays.

3-4 : « 3 Mais il s’élèvera un vaillant roi, qui dominera avec une grande puissance, et fera ce qu’il voudra. 4 Et lorsqu’il sera élevé, son royaume se brisera et sera divisé vers les quatre vents des cieux ; il n’appartiendra pas à ses descendants, et il ne sera pas aussi puissant qu’il l’était, car il sera déchiré, et il passera à d’autres qu’à eux. »

Xerxès fut le dernier roi de Perse à envahir la Grèce ; la prophétie laisse ainsi de côté neuf princes, de moindre importance, pour introduire le « vaillant roi », Alexandre le Grand.

Après avoir battu l’empire perse, Alexandre « devint le seigneur absolu de cet empire, la plus grande extension qu’aucun roi perse n’ait jamais possédé » Son royaume comprenait « la majeure partie du monde habité alors connu ». Avec quelle exactitude il est décrit comme étant « un vaillant roi, qui dominera avec une grande puissance, et fera ce qu’il voudra » ! Mais il épuisa son énergie par les orgies et les soûleries, et quand il mourut en 323 av. J.-C., ses projets vaniteux et ambitieux furent brutalement interrompus et totalement éclipsés. Les fils d’Alexandre n’héritèrent pas l’empire grec. Quelques années après sa mort, toute sa postérité était tombée victime des jalousies et de l’ambition de ses principaux généraux, qui déchirèrent le royaume en quatre parties. Que le passage, du plus haut sommet de la gloire terrestre aux plus grandes profondeurs de l’oubli et de la mort, est rapide ! Les quatre principaux généraux d’Alexandre : Cassandre, Lysimaque, Séleucos et Ptolémée, s’emparèrent de l’empire.

« Après la mort d’Antigonos [301 av. J.-C.], les quatre princes confédérés se partagèrent ses possessions ; et tout l’empire d’Alexandre fut divisé en quatre royaumes. Ptolémé obtint l’Egypte, la Libye, l’Arabie, Cæ lesyrie, et la Palestine ; Cassandre, la Macédoine et la Grèce ; Lysimaque, la Thrace, la Bithynie et quelques provinces au-delà de l’Hellespont et le Bosphore ; et Séleucos eut le reste. Ils furent les quatre cornes du bouc mentionné dans les prophéties du prophète Daniel, qui s’agrandirent après avoir brisé la première corne. Cette première corne représentait Alexandre, roi de Grèce, qui renversa le royaume des Mèdes et des Perses ; et les quatre cornes furent ces quatre rois, qui surgirent après lui et se partagèrent l’empire. Ils furent aussi les quatre têtes du léopard, desquels il est question dans les mêmes prophéties. Et ces quatre royaumes furent, selon le même prophète, les quatre parties du royaume du « vaillant roi » qui devait être « divisé vers les quatre vents des cieux », par ces quatre rois et pas par ses descendants, car aucun d’eux n’appartenait à sa postérité. Ainsi, avec ce dernier partage de l’empire d’Alexandre, toutes ces prophéties s’accomplirent. »

5 : « Le roi du midi deviendra fort. Mais un de ses chefs sera plus fort que lui, et dominera ; sa domination sera puissante. »

Dans le reste de ce chapitre, il est souvent fait mention du roi du Nord et du roi du midi. Il est donc essentiel d’identifier clairement ces puissances pour comprendre la prophétie. Quand l’empire d’Alexandre fut divisé, ses différentes portions s’étendirent vers les quatre vents du ciel : le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest. Ces divisions étaient surtout perçues quand on les observait depuis la Palestine, partie centrale de l’empire. La division qui se trouvait à l’Ouest de la Palestine constituait le royaume de l’Ouest ; celle qui se situait au Nord, était le royaume du Nord ; celle située à l’Est, le royaume de l’Est ; et celle qui s’étendait au Sud, le royaume du Sud.

Les guerres et les révolutions qui surgirent à travers les siècles, changèrent souvent les limites géographiques, ou bien elles furent effacées et de nouvelles frontières apparurent. Mais, quels que soient les changement effectués, ces premières divisions de l’empire sont celles qui doivent déterminer les noms que depuis lors portèrent ces portions du territoire, ou nous n’aurons aucune base ni aucune norme pour prouver l’application de la prophétie. En d’autres termes, quelle que soit la puissance qui, à un moment déterminé occupe le territoire qui au début constitua le roi du Nord, cette puissance deviendra le roi du Nord tant qu’elle occupera ce territoire. Quelle que soit la puissance qui vient à occuper ce qui au début constituait le royaume du Sud, elle le sera aussi longtemps que durera ce roi. Nous parlons seulement de ces deux, parce que ce sont les deux seuls mentionnés dans la prophétie, et parce qu’en fait, tout l’empire d’Alexandre se résume finalement dans ces deux divisions.

Les successeurs de Cassandre furent très vite vaincus par Lysimaque, et leur royaume, qui comprenait la Grèce et la Macédoine, fut annexé à la Thrace. Lysimaque, à son tour, fut vaincu par Séleucos, et la Macédoine et la Grèce furent incorporées à la Syrie.

Ces faits préparent le terrain à l’interprétation du texte que nous étudions. Le roi du Sud, l’Egypte, devint forte. Ptolémée Sôtêr annexa l’Egypte, Chypre, la Phénicie, la Carie, Cyrène et plusieurs îles et villes. C’est ainsi que son royaume devint fort. Mais l’expression « un de ses chefs sera plus fort que lui » introduit ici un autre prince d’Alexandre. Il doit s’agir de Séleucos Nikatôr qui, comme nous l’avons déjà dit, en annexant la Macédoine et la Thrace à la Syrie, en vint à posséder les trois quarts du domaine d’Alexandre, et fonda un royaume plus puissant que celui de l’Egypte.

6 : « Au bout de quelques années ils concluront un pacte : la fille du roi du Sud épousera le roi du Nord pour rétablir l’entente. Mais elle ne conservera pas son pouvoir. Son mari lui-même ne restera pas en vie, et leur enfant non plus. Elle aussi perdra la vie, en même temps que son entourage, son père et son mari. » [Version en Français courant, 1997].

Il y eut de nombreuses guerres entre les rois d’Egypte et les Syriens ; surtout entre Ptolémée Philadelphe, second roi d’Egypte, et Antiochus Théos, troisième roi de Syrie. Ils finirent par faire la paix, à condition qu’Antiochus répudiât sa première épouse Laodice et ses deux fils, et qu’il se mariât avec Bérénice, fille de Ptolémée Philadelphe. Pour accomplir sa promesse, Ptolémée amena sa fille à Antiochus, et avec elle, il lui remit une immense dot.

« Elle ne conservera pas la force de son bras » ; c’est-à-dire, qu’elle ne pourra pas garder l’intérêt et la puissance d’Antiochus en sa faveur. C’est ce qui arriva ; car peu après, Antiochus fit revenir à la cour sa première épouse, Laodice et ses fils. La prophétie dit ensuite : « Il ne résistera pas [Antiochus], ni lui, ni son bras », c’est-à-dire sa postérité. Laodice, en récupérant la faveur et le pouvoir, craignit que l’inconstance d’Antiochus vint à la faire tomber à nouveau en disgrâce en appelant à nouveau Bérénice. Etant parvenue à la conclusion que seule la mort pouvait la protéger efficacement contre une telle éventualité, elle le fit empoissonner peu de temps après. Les fils qu’il eut de Bérénice ne lui succédèrent pas non plus dans le royaume, car Laodice arrangea les choses de telle façon qu’elle obtint le trône pour son fils aîné Séleucos Kallinikos.

« Elle aussi perdra la vie » [Bérénice]. Laodice ne se contenta pas d’empoisonner son époux Antiochus, mais elle fit tuer Bérénice et son fils encore enfant. «En même temps que son entourage ». Tous ses assistants et les femmes d’Egypte, en tentant de la défendre, furent mis eux aussi à mort. « Leur enfant non plus », mourut sur l’ordre de Laodice. « En même temps que son entourage », se réfère clairement à son époux et à ceux qui la défendirent.

7-9 : « 7 Un rejeton de ses racines s’élèvera à sa place ; il viendra à l’armée, il entrera dans les forteresses du roi du septentrion, il en disposera à son gré, et il se rendra puissant. 8 Il enlèvera même et transportera en Egypte leurs dieux et leurs images de fonte, et leurs objets précieux d’argent et d’or. Puis il restera quelques années éloigné du roi du septentrion. 9 Et celui-ci marchera contre le royaume du roi du midi, et reviendra dans son pays. »

Ce rejeton des mêmes racines de Bérénice, fut sont frère Ptolémée Evergète. Il succéda à son père sur le trône d’Egypte, et il y était à peine installé que, sentant l’ardent désir de venger sa soeur, il rassembla une armée immense et envahit le territoire du roi du nord, Séleucos Kallinicos, qui régnait avec sa mère en Syrie. Il eut l’avantage sur lui, jusqu’au point de conquérir la Syrie, la Cilicie, les régions qui étaient au-delà de la partie supérieure de l’Euphrate et vers l’est jusqu’à Babylone. Mais, à la nouvelle qu’une sédition avait éclatée en Egypte et exigeait son retour là-bas, il mit à sac le royaume de Séleucos en emportant 40 000 talents d’argent et des ustensiles précieux et 2 500 statues de leurs dieux. Parmi elles, il y avait des statues que Cambyse avait autrefois emportées d’Egypte en Perse. Les Egyptiens, complètement adonnés à l’idolâtrie, attribuèrent à Ptolémée le titre Evergète, « le bienfaiteur », en reconnaissance pour leur avoir rendu leurs dieux qui avaient été tant d’années en captivité.

« Il nous reste encore des écrits –dit Thomas Newton, qui confirment plusieurs détails ». Appien nous informe que, Laodice ayant fait tuer Antiochus, et après lui Bérénice et son fils, Ptolémée, fils de Philadelphe, envahit la Syrie pour venger ces homicides, tua Laodice et avança jusqu’à Babylone. De Polybe, nous apprenons que Ptolémée, surnommé Evergète, furieux du traitement cruel que reçut sa soeur, pénétra en Syrie avec une armée, et prit la ville de Séleucie, qui fut par la suite longtemps gardée par des garnisons des rois d’Egypte. Ainsi, il entra dans la forteresse du roi du nord. Poly³ nus affirme que Ptolémée se rendit maître de toute la région qui s’étend depuis le Mont Taurus jusqu’à l’Inde, sans guerre ni bataille mais par erreur on l’attribue au père au lieu du fils. Justin prétend que si Ptolémée n’avait pas été rappelé en Egypte à cause d’une sédition interne, il aurait pu posséder le royaume entier de Séleucos. Ainsi, le roi du sud pénétra dans le royaume du Nord, et ensuite retourna dans son propre pays. Egalement, il « dura plus longtemps que le roi du Nord » car Séleucos Kallinicos mourut en exil, d’une chute de cheval et Ptolémée Evergète lui survécut de quatre ou cinq ans. »

10 : « Ses fils se mettront en campagne et rassembleront une multitude nombreuse de troupes ; l’un d’eux s’avancera, se répandra comme un torrent, débordera, puis reviendra ; et ils pousseront les hostilités jusqu’à la forteresse du roi du midi. »

La première partie de ce verset parle des fils, au pluriel ; la dernière, d’un, au singulier. Les fils de Séleucos Kallinicos furent Séleucos Keraunos et Antiochus Mégas. Tous deux entreprirent avec beaucoup de zèle, la tâche de justifier et venger la cause de leur père et de leur pays. L’aîné de ses fils, Séleucos, fut le premier à accéder au trône. Il rassembla une grande multitude pour reprendre les territoires de son père ; mais il fut empoisonné par ses généraux après un règne court et sans gloire. Son frère Antiochus Mégas, qui était plus capable que lui, fut alors proclamé roi. Il prit en charge l’armée, récupéra la Séleucie et la Syrie, et se rendit maître de plusieurs places par des traités et d’autres par la force des armes. Antiochus fut vainqueur de Nicolas, le général égyptien, et pensait même envahir l’Egypte. Mais il y eut une trêve durant laquelle les deux partis négocièrent la paix, tout en se préparant pour la guerre. C’est certainement celui dont il est dit qu’il « se répandra comme un torrent, débordera, puis reviendra ».

11 : « Le roi du midi s’irritera, il sortira et attaquera le roi du septentrion ; il soulèvera une grande multitude, et les troupes du roi du septentrion seront livrées entre ses mains. »

Ptolémée Philopatôr succéda à son père Evergète sur le trône d’Egypte, et il reçut la couronne peu après qu’Antiochus Mégas succédât à son frère dans le gouvernement de la Syrie. C’était un prince amoureux des commodités et du vice, mais la perspective d’une invasion de l’Egypte par Antiochus le réveilla. Les pertes qu’il avait souffertes et le danger qui le menaçait le rendit furibond. Il réunit une grande armée pour arrêter les progrès du roi de Syrie, mais le roi du Nord souleva lui aussi « une grande multitude ». L’armée d’Antiochus, selon Polybe, atteignit 62 000 fantassins, 6 000 cavaliers et 102 éléphants. Dans ce conflit, la bataille de Raphia, Antiochus fut défait, avec une perte d’environ 14 000 soldats morts et 4 000 prisonniers, et son armée fut remise aux mains du roi du Sud, en accomplissement de la prophétie.

12 : « Cette multitude sera fière, et le coeur du roi s’enflera ; il fera tomber des milliers, mais il ne triomphera pas. »

Ptolémée ne sut pas profiter de sa victoire. S’il avait profité de ses avantages, il se serait probablement rendu maître de tout le royaume d’Antiochus ; mais après avoir lancé seulement quelques menaces, il fit la paix pour pouvoir s’abandonner à nouveau à la satisfaction ininterrompue et incontrôlée de ses passions brutales. Ayant vaincu ses ennemis, il fut lui-même vaincu pas ses vices, il oublia le grand nom qu’il aurait pu acquérir et il consacra son temps aux banquets et à la sensualité.

Son coeur se grisa de ses succès, mais fut loin d’en être fortifié, car l’usage infâme qu’il fit de ses ressources fit que ses sujets se rebellèrent contre lui. Mais l’exaltation de son coeur se nota surtout dans ses transactions avec les Juifs. En venant à Jérusalem, il offrit des sacrifices et voulut entrer dans le lieu très saint du temple, malgré la loi et la religion des Juifs. Mais il en fut empêché avec de grandes difficultés, et il quitta le lieu explosant de colère contre la nation juive, et il commença immédiatement une persécution implacable contre les Juifs. A Alexandrie, où des Juifs résidaient depuis l’époque d’Alexandre, et jouissaient des mêmes privilèges que les citoyens les plus favorisés, 40 000 furent mis à mort selon Eusèbe, 60 000 selon Jérôme. La rébellion des Egyptiens et la tuerie des Juifs n’eurent certainement pas pour effet de fortifier Ptolémée sur son trône, mais contribuèrent plutôt à sa ruine.

13 : « Car le roi du septentrion reviendra et rassemblera une multitude plus nombreuse que la première ; au bout de quelque temps, de quelques années, il se mettra en marche avec une grande armée et de grandes richesses. »

Les événements prédits dans ce verset devaient arriver « au bout de quelques temps, de quelques années ». La paix conclue entre Ptolémé Philopatôr et Antiochus Mégas dura quatorze ans. Pendant ce temps, Ptolémée mourut de son intempérance et de sa débauche, et son fils Ptolémée Epiphane, qui avait alors cinq ans, lui succéda. Pendant ce temps, Antiochus arrêta la rébellion de son royaume, et se fit obéir des provinces orientales. Il fut ensuite libre pour n’importe quelle aventure quand le jeune Epiphane monta sur le trône d’Egypte. Pensant que cette opportunité était trop bonne pour être méprisée, il rassembla une immense armée, « plus nombreuse que la première », et se mit en marche contre l’Egypte avec l’espoir d’obtenir une victoire facile sur l’enfant roi.

14 : « En ce temps-là, plusieurs s’élèveront contre le roi du midi, et des hommes violents parmi ton peuple se révolteront pour accomplir la vision, et ils succomberont. »

Antiochus Mégas ne fut pas le seul à se lever contre l’enfant Ptolémée. Agathoclès, son premier ministre, qui s’était emparé de la personne du roi et manipulait les affaires du royaume à sa place, était si dissolu et orgueilleux dans l’exercice du pouvoir, que les provinces autrefois assujetties à l’Egypte se rebellèrent. L’Egypte, elle-même, fut perturbée par des séditions, et les Alexandrins se levèrent contre Agathoclès, le firent mettre à mort avec sa soeur, sa mère et ses associés. Au même moment, Philippe de Macédoine s’allia avec Antiochus pour se répartir les possessions de Ptolémée, chacun se proposant de prendre les parties les plus proches et les plus commodes. C’était un soulèvement contre le roi du Sud suffisant pour accomplir la prophétie et qui eut pour résultat, sans le moindre doute, les événements précis que la prophétie annonçait.

Mais un nouveau pouvoir intervient maintenant : « des hommes violents parmi ton peuple » ou littéralement, selon Thomas Newton, « les fils des destructeurs de ton peuple ». Là-bas, sur les rives du Tibre, il y avait un royaume qui nourrissait des projets ambitieux et de sombres desseins. Petit et faible au début, il crût en force et en vigueur avec une rapidité étonnante, et il s’étendit avec prudence ici et là pour essayer son habileté et tester son bras guerrier, jusqu’au moment où il prit conscience de son pouvoir ; alors, il leva la tête avec audace parmi les nations de la terre, et avec une main invincible, il s’empara du timon des affaires mondiales. Depuis lors, le nom de Rome se détache dans les pages de l’histoire, car elle est destinée à dominer le monde durant de longs siècles et à exercer une puissante influence parmi les nations jusqu’à la fin des temps, en accord avec les prophéties.

Rome parla, et la Syrie et la Macédoine ne tardèrent pas à s’apercevoir que leur rêve changeait d’aspect. Les Romains intervinrent en faveur du jeune roi d’Egypte, déterminés à le protéger de la ruine imaginée par Antiochus et Philippe. C’était en l’an 200 av. J.-C., et ce fut une des premières interventions importantes des Romains dans les affaires de la Syrie et de l’Egypte. Rollin nous relate succinctement cet événement de la façon suivante :

« Antiochus, roi de Syrie, et Philippe, roi de Macédoine, sous le règne de Ptolémée Philopatôr, avaient manifesté le zèle le plus énergique pour les intérêts de ce monarque, et ils étaient disposés à l’assister dans toutes les occasions. Mais à peine mort, et laissant derrière lui un enfant qui, d’après les règles de la bonté et de la justice leur enjoignaient de ne pas le molester dans la prise de possession du royaume de son père, ils s’unirent immédiatement par une alliance criminelle, et ils s’incitèrent mutuellement à éliminer l’héritier légitime et à se répartir ses territoires. Philippe devait recevoir la Carie, la Libye, le Cyrénaïque et l’Egypte ; et Antiochus, tout le reste. Ayant ceci en vue, le dernier entra en Cæ lesyrie et en Palestine, et en moins de deux campagnes il réalisa l’entière conquête de ces deux provinces, avec toutes leurs villes et leurs dépendances. Leur culpabilité, dit Polybe, n’aurait pas été si flagrante si, en tant que tyrans, ils s’étaient efforcés de couvrir leurs crimes par une quelconque excuse trompeuse ; mais loin de le faire, leur injustice et leur cruauté furent si éhontées qu’on leur appliquait généralement ce que l’on dit des poissons, à savoir que le grand mange le petit, bien qu’il soit de la même espèce. Quelqu’un se sentirait tenté –continue le même auteur, en voyant les lois de la société violées sans dissimulation, d’accuser ouvertement la Providence d’être indifférente et insensible aux crimes les plus horribles ; mais elle justifia pleinement sa conduite en châtiant les deux rois comme ils le méritaient, et elle fit d’eux un exemple pour en dissuader d’autres de suivre leur conduite à travers tous les siècles. Car, tandis qu’ils méditaient de déposséder un enfant faible et impuissant, en lui enlevant son royaume morceau par morceau, la Providence suscita contre eux les Romains qui bouleversèrent les royaumes de Philippe et d’Antiochus, et ils réduisirent leurs successeurs à presque d’aussi grands désastres que ceux qu’ils tentaient d’employer pour écraser l’enfant roi ».

« Pour accomplir la vision ». Les Romains sont, plus que n’importe quel autre peuple, le thème de la prophétie de Daniel. Leur première intervention dans les affaires de ces royaumes est mentionnée ici comme l’établissement ou la confirmation de la véracité de la vision qui précédait l’apparition d’une telle puissance.

« Ils succomberont ». Certains appliquent cette expression à « plusieurs » mentionné dans la première partie du verset, qui allaient s’allier contre le roi du Sud ; et d’autres, aux « hommes violents » du peuple de Daniel, les Romains. Elles s’appliquent aux deux cas. Si on se réfère à ceux qui s’allièrent contre Ptolémée, tout ce qu’il faut dire, c’est qu’ils chutèrent rapidement. Si on l’applique aux Romains, la prophétie signale simplement le moment de leur chute finale.

15 : « Le roi du septentrion s’avancera, il élèvera des terrasses, et s’emparera des villes fortes. Les troupes du midi et l’élite du roi ne résisteront pas, elles manqueront de force pour résister. »

L’éducation du jeune roi d’Egypte fut confiée, par le Sénat romain, à Marc Emilius Lepidus, qui lui donna pour tuteur Aristomène, ministre âgé et expérimenté de cette cour. Son premier geste fut de prendre des mesures contre les menaces d’invasion des deux rois confédérés, Philippe et Antiochus.

Il envoya donc Scopas, un fameux général d’Etolie qui servait alors les Egyptiens, dans son pays natal pour obtenir des renforts armés. Après avoir équipé une armée, il pénétra en Palestine et en Cæ lesyrie (car Antiochus était alors en train de guerroyer avec Attale en Asie mineure) et il soumit toute la Judée à l’autorité de l’Egypte.

C’est ainsi que les événements se mirent en ordre pour l’accomplissement du verset que nous étudions. Renonçant à sa guerre contre Attale aux ordres des Romains, Antiochus prit rapidement des mesures pour reprendre la Palestine et la Cæ lesyrie des mains des Egyptiens. Scopas fut envoyé pour lui faire face. Près des sources du Jourdain, les deux armées se rencontrèrent. Scopas fut vaincu, poursuivit jusqu’à Sidon, et là étroitement assailli. Trois des généraux les plus compétents d’Egypte, avec leurs meilleures forces, furent envoyés pour lever le siège, mais sans succès. A la fin, Scopas, voyant dans le spectre de la faim un ennemi qu’il ne pouvait pas affronter, se vit obligé de se rendre à la condition déshonorante de sauver seulement sa vie. Il fut autorisé, lui et ses 10. 000 hommes, à partir dépouillé de tout et indigents. C’est ainsi que la prédiction relative au roi du nord s’accomplit : « il s’emparera des villes fortes », car Sidon était, de par sa position et ses défenses, une des villes les plus fortes de cette époque. Les troupes du midi et l’élite du roi ne résistèrent pas ni le peuple choisi par le roi du Sud, c’est-à-dire Scopas et ses forces d’Etolie.

16 : « Celui qui marchera contre lui fera ce qu’il voudra, et personne ne lui résistera ; il s’arrêtera dans le plus beau des pays, exterminant ce qui tombera sous sa main. »

Bien que l’Egypte n’avait pas pu subsister devant Antiochus Mégas, le roi du Nord, Antiochus Asiaticus ne put résister aux Romains qui vinrent contre lui. Aucun royaume ne pût résister à la puissance naissante. La Syrie fut conquise et ajoutée à l’empire romain quand Pompée, en 65 av. J.-C., priva Antiochus Asiaticus de ses possessions et réduisit la Syrie en une province romaine.

La même puissance devait se détacher aussi en Terre Sainte et la « consumer ». Les Romains furent en relation avec le peuple de Dieu, les Juifs, par une alliance en 161 av. J.-C. Depuis lors, Rome occupa une place éminente dans le calendrier prophétique. Mais, cependant, elle n’acquit la juridiction de la Judée par une conquête effective qu’en l’an 63 av. J.-C.

Au retour de l’expédition de Pompée contre Mithridate Eupator roi du Pont, deux concurrents, fils du grand prêtre des Juifs de Palestine, Hyrcan et Aristobule, luttaient pour la couronne de Judée. Leur cause fut présentée à Pompée, qui ne tarda pas à percevoir l’injustice des prétentions d’Aristobule, mais il voulut différer sa décision sur ce sujet à son retour de l’expédition qu’il désirait depuis longtemps conduire à l’intérieur de l’Arabie. Il promit donc de revenir régler leurs problèmes de la façon la plus juste. Aristobule, comprenant les vrais sentiments de Pompée, se dépêcha de revenir en Judée, arma ses sujets et se prépara à se défendre vigoureusement, bien résolu à conserver à tout prix la couronne qui, selon ce qu’il prévoyait, allait être donnée à un autre. Après sa campagne d’Arabie contre le roi Aretas, Pompée fut au courant de ces préparatifs belliqueux et marcha contre la Judée. Quand il fut proche de Jérusalem, Aristobule commença à se repentir de sa conduite ; il sortit à la rencontre de Pompée pour tenter d’arranger les choses en promettant une entière soumission et une grande quantité d’argent. Pompée accepta cette offre et envoya Gabinius avec un détachement de soldats pour recevoir l’argent. Mais quand ce lieutenant arriva à Jérusalem, il trouva les portes fermées, et on lui dit du haut de la muraille que la ville ne ratifiait pas l’accord.

Pompée, qui ne voulait pas être trompé impunément, enchaîna Aristobule et marcha immédiatement contre Jérusalem avec toute son armée. Les partisans d’Aristobule voulaient défendre la ville ; ceux d’Hyrcan préférèrent ouvrir les portes. Comme ces derniers étaient majoritaires, ils prévalurent et on laissa entrer librement Pompée dans la ville, devant lequel, les adeptes d’Aristobule se retirèrent dans la forteresse du temple, tant résolus à défendre la place que Pompée se vit obligé de l’assiéger. Au bout de trois mois, on réussit à pratiquer une brèche suffisamment grande pour donner l’assaut, et le lieu fut pris à la pointe de l’épée. Dans la terrible tuerie qui suivit, 12 000 personnes périrent. C’était un spectacle émouvant –observe l’historien, que de voir les sacrificateurs qui, à cet instant, s’occupaient du service divin, continuer leur travail habituel d’une main calme et poursuivre fermement leur dessein, apparemment inconscients du tumulte sauvage, jusqu’à ce que leur propre sang se mêle à celui des sacrifices qu’ils offraient.

Après avoir achevé la guerre, Pompée fit démolir les murailles de Jérusalem, il transféra de nombreuses villes de la juridiction de Judée à celle de Syrie, et il imposa un tribut aux Juifs. Pour la première fois, Jérusalem fut placée, par suite d’une conquête, entre les mains de Rome, la puissance qui devait retenir le « plus beau des pays » sous sa domination de fer jusqu’à ce qu’il soit complètement « consumé ».

17 : « Et il dirigera sa face pour venir avec les forces de tout son royaume, et des hommes droits avec lui, et il agira ; et il lui donnera la fille des femmes pour la pervertir ; mais elle ne tiendra pas, et elle ne sera pas pour lui. » [Version J. N. Darby, 1970].

Thomas Newton nous donne une autre traduction de ce verset, qui paraît en exprimer le sens plus clairement : « Il s’opposera aussi résolument pour rentrer par la force dans tout le royaume. »

Le verset 16 nous mène jusqu’à la conquête de la Syrie et de la Judée par les Romains. Rome avait antérieurement conquis la Macédoine et la Thrace. L’Egypte était la seule à rester de tout le royaume d’Alexandre qui n’avait pas été assujetti au pouvoir romain. Rome se décida alors à entrer par la force en terre d’Egypte.

Ptolémée Aulète mourut en 51 av. J.-C. Il laissa la couronne et le royaume d’Egypte à l’aînée de ses filles survivantes, Cléopâtre et à son fils aîné, Ptolémée XII, enfant de neuf ou dix ans. Il stipula dans son testament qu’ils devraient se marier et régner ensemble. Comme ils étaient jeunes, ils furent placés sous la tutelle des Romains. Le peuple romain accepta la responsabilité, et désigna Pompée comme gardien des tendres héritiers d’Egypte.

Très tôt, éclata entre Pompée et Jules César une dispute qui atteignit son comble à la bataille de Pharsale. Pompée vaincu, prit la fuite en Egypte. César le suivit immédiatement là-bas ; mais avant d’arriver, Pompée fut vilement assassiné à l’instigation de Ptolémée. César assuma alors la tutelle de Ptolémée et Cléopâtre. Il trouva l’Egypte bouleversée par des troubles internes, car Ptolémée et Cléopâtre étaient devenus hostiles l’un envers l’autre, cette dernière ayant été privée de sa participation au gouvernement.

Comme les difficultés augmentaient quotidiennement, César trouva sa petite troupe insuffisante pour maintenir sa position et ne pouvant pas abandonner l’Egypte parce que le vent du nord prévalait durant cette saison, il commanda à toutes les troupes d’Asie qu’il avait dans cette région, de venir le rejoindre.

Jules César décréta que Ptolémée et Cléopâtre devaient licencier leurs armées et comparaître devant lui pour régler leurs différents, et se soumettre à sa décision. Puisque l’Egypte était un royaume indépendant, ce décret fut considéré comme un affront à la dignité royale, et les Egyptiens furieux prirent les armes. César répondit qu’il agissait conformément au testament du père des princes, Ptolémée Aulète, qui avait confié ses enfants à la tutelle du sénat et du peuple de Rome.

Le sujet fut finalement porté devant lui, et des avocats furent nommés pour défendre la cause des parties respectives. Cléopâtre, connaissant la faiblesse du grand général romain, décida de comparaître devant lui en personne. Pour arriver jusqu’à lui sans être vue, elle recourut au stratagème suivant : elle se coucha sur un tapis, et son serviteur Sicilien Apolodore l’enveloppa dedans puis il attacha le fardeau avec une courroie, le mit sur ses épaules herculéennes et se dirigea au domicile de César. En affirmant qu’il apportait un présent pour le général romain, il fut admis en la présence de César et déposa sa charge à ses pieds. Quand César détacha ce paquet animé, la belle Cléopâtre se mit debout devant lui.

F. E. Adcock dit, au sujet de cet incident : « Cléopâtre avait le droit d’être entendue si César devait être le juge, et elle trouva le moyen d’atteindre la ville et avec un loueur de bateaux qui l’amenât à lui. Elle vint, elle vit et elle vainquit. Aux difficultés militaires qu’il y avait pour se retirer devant l’armée égyptienne, s’ajouta le fait que César ne voulait déjà plus partir. Il avait plus de cinquante ans, mais il conservait une virilité impérieuse qui provoquait l’admiration de ses soldats. Cléopâtre avait vingt-deux ans, elle était aussi ambitieuse et forte de caractère que César lui-même, une femme qu’il lui fut aussi facile de comprendre et d’admirer que d’aimer. »

César décréta finalement que le frère et la soeur occuperaient conjointement le trône, en accord avec la volonté de leur père. Pothinus, le premier ministre de l’état, principal instrument de l’expulsion de Cléopâtre, craignit qu’elle fût rétablie sur le trône. Il commença donc à réveiller des jalousies et de l’hostilité contre César, en insinuant parmi la populace qu’il se proposait de donner éventuellement tout le pouvoir à Cléopâtre. Une sédition ne tarda pas à éclater. Les Egyptiens tentèrent de détruire la flotte romaine. César répondit en brûlant la leur. Comme quelques-uns des bateaux incendiés furent poussés contre le quai, plusieurs édifices de la ville prirent feu, et la fameuse bibliothèque d’Alexandrie, qui contenait 400 000 volumes, fut détruite. Trois mille Juifs se joignirent à Antipater l’Iduméen. Les Juifs qui occupaient les passages des frontières avec l’Egypte, laissèrent passer l’armé romaine sans l’intercepter. L’arrivée de cette armée de Juifs sous les ordres d’Antipater, décida du litige.

La bataille décisive entre les flottes d’Egypte et de Rome eut lieu près du Nil, et la victoire de César fut complète. Ptolémée se noya dans le fleuve en tentant de s’échapper. Alexandrie et toute l’Egypte se soumit au vainqueur. Rome était entrée maintenant dans tout le royaume originel d’Alexandre et l’avait absorbé.

Dans le verset, il faut sans doute comprendre, par « hommes droits », les Juifs qui apportèrent leur aide, déjà mentionnée, à Jules César. Sans elle, il aurait échoué ; grâce à elle, il subjugua complètement l’Egypte en l’an 47 av. J.-C.

« La fille des femmes » fut Cléopâtre, qui devint la maîtresse de César et la mère de son fils. Son engouement pour la reine, le fit rester en Egypte plus longtemps que les affaires ne l’exigeaient. Il passait des nuits entières en banquets et en fêtes avec la reine dissolue. « Elle ne tiendra pas, et elle ne sera pas pour lui », avait dit le prophète. Plus tard, Cléopâtre s’unit à Antoine, l’ennemi d’Auguste César, et elle exerça tout son pouvoir contre Rome.

18 : « Il tournera ses vues du côté des îles, et il en prendra plusieurs ; mais un chef mettra fin à l’opprobre qu’il voulait lui attirer, et le fera retomber sur lui. »

La guerre que Jules César eut à soutenir en Syrie et en Asie Mineure contre Pharnace, roi du Bosphore Cimmérien, l’éloigna d’Egypte. « En arrivant là où se trouvaient les ennemis –dit Prideaux, sans leur accorder aucun répit et sans se reposer lui-même, il fondit immédiatement sur eux, et il obtint une victoire absolue, de laquelle il rendit compte à un de ses amis, en lui écrivant ces trois paroles : Veni, vidi, vici ! (Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu) ». La dernière partie du verset se trouve entouré d’une certaine obscurité, et il y a divergence d’opinion au sujet de son application. Certains l’appliquent à une époque antérieure à la vie de César, et croient voir son accomplissement dans sa querelle avec Pompée. Mais d’autres événements antérieurs et ultérieurs de la prophétie nous obligent à chercher l’accomplissement de cette partie de la prédiction entre la victoire de César sur Pharnace et la mort de César à Rome, qui est présentée dans le verset suivant :

19 : « Il se dirigera ensuite vers les forteresses de son pays ; et il chancellera, il tombera, et on ne le trouvera plus. »

Après sa conquête de l’Asie Mineure, César mit en déroute les derniers fragments du parti de Pompée, Caton et Scipion en Afrique, Labienus et Varus en Espagne. De retour à Rome, « les forteresses de son pays », il fut nommé dictateur à vie. D’autres pouvoirs et d’autres honneurs lui furent concédés qui firent de lui le souverain absolu de l’empire. Mais le prophète avait dit qu’il « chancellerait, il tomberait. » Le langage employé implique que sa chute sera subite et inattendue, comme celle d’une personne qui trébuche accidentellement tandis qu’elle marche. Aussi, cet homme, de qui on dit qu’il avait combattu et gagné cinquante batailles, pris mille cités et asservi un million cent quatre-vingt-douze mille hommes, tomba, non pas dans la fureur de la bataille, mais au moment où il pensait que son sentier était plat et loin de tout danger.

« A la veille des Ides, César soupa avec Lépide, et pendant que les invités étaient assis devant leur vin, quelqu’un demanda : « Quelle est la meilleure mort ? » César qui était occupé à signer des lettres dit : « Une mort soudaine ». A midi, le jour suivant, malgré des rêves et des présages, il s’assit sur une chaise du sénat, entouré d’hommes dont il s’était occupé, qu’il avait promus ou sauvés. Là, il fut blessé et il lutta jusqu’à tomber mort au pied de la statue de Pompée. » C’est ainsi, qu’il chancela, il tomba et on ne le trouva plus, en 44 av. J.-C.

20 : « Puis il s’en élèvera un à sa place qui fera passer l’exacteur par la gloire du royaume ; mais en quelques jours il sera brisé, non par colère, ni par guerre. » [Version Darby, 1970]

Octave succéda à son oncle Jules qui l’avait adopté. Il annonça publiquement cette adoption de son oncle, et prit son nom. Il s’unit à Marc Antoine et à Lépide pour venger la mort de Jules César. Les trois organisèrent une forme de gouvernement qu’ils appelèrent Triumvirat. Quand Octave fut fermement établi au gouvernement, le sénat lui conféra le titre de « Auguste », et les autres membres du Triumvirat étant déjà morts, il resta seul souverain suprême.

Il fut vraiment un percepteur. Luc, parlant de ce qui arriva à l’époque où naquit le Christ, dit : « En ce temps-là parut un édit de César Auguste, ordonnant un recensement de toute la terre » (Luc 2 :1) certainement dans le but de percevoir des impôts comme l’indiquent certaines versions. Durant le règne d’Auguste, « de nouvelles contributions furent imposées ; un quart du revenu annuel de tous les citoyens et un prélèvement sur le capital d’un huitième de tout homme libre ».

Il passa « par la gloire du royaume ». Rome atteignit le sommet de sa grandeur et de son pouvoir à l’époque d’Auguste. L’empire ne connut jamais une période plus splendide. La paix régnait, la justice était maintenue, le luxe était réfréné, la discipline était imposée et la connaissance stimulée. Pendant son règne, le temple de Janus fut fermé trois fois, ce qui signifiait que le monde était en paix. Depuis la fondation de l’empire romain, ce temple avait été fermé seulement deux fois. Durant cette période propice, notre Seigneur naquit à Bethléhem, en Judée. Environ dix-huit ans après le recensement mentionné, qui parurent être « quelques jours » aux yeux du prophète, Auguste mourut en l’an 14 de notre ère, à 76 ans. Il n’acheva pas sa vie en proie à la colère ou au cours d’une bataille, mais pacifiquement, dans son lit, à Nola, où il s’était rendu à la recherche du repos et de la santé.

21 : « Un homme méprisé prendra sa place, sans être revêtu de la dignité royale ; il paraîtra au milieu de la paix, et s’emparera du royaume par l’intrigue. »

Tibère César succéda à Auguste sur le trône romain. Il fut nommé au consulat à l’âge de 29 ans. L’histoire nous dit que quand Auguste fut sur le point de désigner son successeur, son épouse Livie le pria de nommer Tibère, son fils qu’elle eut d’un mariage antérieur. Mais l’empereur dit : « Ton fils est trop vil pour porter la pourpre de Rome. » Il préféra Agrippa, citoyen romain vertueux et très respecté. Mais la prophétie avait prévue qu’un « homme méprisé » allait succéder à Auguste. Agrippa mourut, et Auguste se vit à nouveau dans la nécessité d’élire un successeur. Livie intercéda à nouveau en faveur de Tibère, et Auguste, affaibli par l’âge et la maladie, se laissa fléchir et consentit finalement à nommer ce jeune vil comme son collègue et successeur. Mais les citoyens ne lui accordèrent jamais l’amour, le respect et « la gloire du royaume » qui sont dus à un souverain intègre et fidèle.

Comme cette prophétie : que la gloire du royaume ne lui serait jamais concédée, s’est bien accomplie ! Mais il devait arriver pacifiquement, et obtenir le royaume par l’intrigue. Un paragraphe de l’Encyclop³ dia Americana nous montre comment ceci est arrivé :

« Pendant le reste de la vie d’Auguste, Tibère se conduisit avec beaucoup de prudence et d’habileté, et il acheva une guerre contre les Germains de telle façon, qu’il méritât un triomphe. Après la déroute de Varus et ses légions, on l’envoya arrêter le progrès des Germains victorieux et il agit dans cette guerre avec équité et prudence. A la mort d’Auguste, il lui succéda (14 ap. J.-C.) sans opposition à la souveraineté de l’empire, et cependant, avec sa dissimulation caractéristique, il feint de refuser, jusqu’à ce que le sénat servile le sollicitât plusieurs fois. »

La dissimulation d’une part, les intrigues du sénat servile d’autre part, et la prise de possession du royaume sans opposition, furent les circonstances qui accompagnèrent son accession au trône et accomplirent la prophétie.

Le personnage présenté dans le passage est appelé un « homme méprisé ». Etait-ce le caractère que Tibère montra ?Laissez-nous répondre par un autre texte de l’Encyclop³ dia Americana :

« Tacite relata les événements de ce règne, incluant la mort suspecte de Germanicus, la détestable administration de Séjan, l’empoisonnement de Drusus, avec tout l’extraordinaire mélange de tyrannie et occasionnellement de sagesse et de bon sens qui distinguèrent la conduite de Tibère, jusqu’à sa retraite infâme et dissolue (26 ap. J.-C.) sur l’île de Capri, dans la baie de Naples, pour ne jamais retourner à Rome… Le reste du règne de ce tyran n’offre rien d’autre qu’une nauséabonde narration de démonstrations de servilité d’un côté et de despotisme féroce de l’autre. Qu’il eût lui-même à endurer autant de disgrâces qu’il en infligeât aux autres, est évident dans le commencement d’une de ses lettres au sénat : ‘Que vous écrirai-je, pères conscrits, ou que ne vous écrirai-je pas, ou pourquoi devrai-je même vous écrire ? Que les dieux et les déesses me tourmentent plus que, selon moi, ils ne le font chaque jour, si je puis ainsi dire.’ ‘Quelle torture mentale que celle qui put arracher une telle confession !’ –observe Tacite, en se référant à ce passage. »

Si la tyrannie, l’hypocrisie, la débauche et l’ébriété ininterrompue sont des traits et des pratiques qui révèlent la vilenie d’un homme, Tibère a manifesté ce caractère à la perfection.

22 : « Les forces qui débordent seront débordées devant lui et seront brisées, et même le prince de l’alliance. » [Version Darby, 1970]

Thomas Newton présente la traduction suivante de ce passage comme étant plus fidèle que l’original : « Et les bras de celui qui inonde seront débordés devant lui, et ils seront brisés. » Ceci signifie : révolution et violence ; et en accomplissement de ceci, nous devons voir les bras de Tibère –l’inondation qui inonde- être inondés, ou, en d’autres termes, le voir endurer une mort soudaine. Pour montrer comment ceci arriva, nous citons à nouveau l’Encyclop³ dia Americana :

« Agissant comme un hypocrite jusqu’à la fin, il dissimula, autant qu’il le pût, sa faiblesse croissante ; il en arriva à simuler sa participation aux sports et aux exercices des soldats de sa garde. A la fin, il abandonna son île favorite, scène de ses plus répugnantes débauches, il s’arrêta dans une maison de campagne près du promontoire de Misène, où, le 16 Mars 37, il tomba dans un état de léthargie qui lui donnait l’aspect d’un mort. Caligula était en train de se préparer à prendre possession de l’empire avec une nombreuse escorte, quand son réveil soudain laissa tout le monde consterné. A ce moment critique, Macro, le préfet du prétoire, le fit étouffer avec des oreillers. Ainsi expira l’empereur Tibère, universellement exécré, à l’âge de 68 ans, en l’an 23 de son règne. »

Après nous avoir conduit jusqu’à la mort de Tibère, le prophète mentionne un événement qui allait se produire durant son règne et qui fut si important que nous ne pouvons pas passer outre. C’est le retranchement du « Prince-messie », qui devait confirmer l’alliance avec son peuple pendant une semaine (Daniel 9 : 25-27).

Selon l’Ecriture, la mort de Christ eut lieu pendant le règne de Tibère. Luc nous explique qu’en l’an 15 du règne de Tibère César, Jean-Baptiste commença son ministère (Luc 3 :1-3). Selon Prideaux, le Dr. Hales et d’autres, le règne de Tibère doit se compter depuis son ascension au trône pour régner conjointement avec Auguste, son beau-père, en Août de l’an 12 ap. J.-C. Sa quinzième année s’étendait donc du 26 Août au 27 Août. Christ avait six mois de moins que Jean, et on pense qu’il commença son ministère six mois plus tard., puisque les deux, en accord avec la loi du sacerdoce, commencèrent leur mission quand ils avaient trente ans. Si Jean commença son ministère au printemps, pendant la dernière partie de la quinzième année de Tibère, Christ aurait commencé son ministère à l’automne 27. Et c’est précisément le moment où les auteurs les plus autorisés placent le baptême de Christ, le point précis où les 483 ans qui devaient s’étendre de l’an 457 av. J.-C. jusqu’au Prince-messie, se terminent. Christ sortit alors pour proclamer que les temps étaient accomplis. A partir de ce point nous avançons de trois ans et demi pour trouver la date de la crucifixion, puisque Christ assista à quatre Pâques, et qu’il fut crucifié lors de la quatrième. Trois années et demi plus tard, en comptant depuis l’automne 27, nous amènent au printemps 31. La mort de Tibère se produisit six ans plus tard, en 37 ap. J.-C. (Voir les commentaires sur Daniel 9 :25-27).

23 : « Après qu’on se sera joint à lui, il usera de tromperie ; il se mettra en marche, et il aura le dessus avec peu de monde. »

Le pronom « lui » se référant à la personne avec laquelle l’union est faite, doit être le même pouvoir qui a été le thème de la prophétie depuis le verset 14, à savoir, l’empire romain. Cette vérité a été démontrée par l’accomplissement de la prophétie, à travers trois personnages: Jules César, Auguste et Tibère, qui gouvernèrent successivement l’empire.

Maintenant que le prophète nous a guidés à travers les événements de l’histoire séculaire de l’empire romain jusqu’à la fin des soixante-dix semaines de Daniel 9 : 24, il nous fait reculer jusqu’au moment où les Romains furent en relation directe avec le peuple de Dieu par la Ligue Juive, en 161 av. J.-C. A partir de ce point, on nous fait parcourir une série d’événements successifs jusqu’au triomphe final de l’Eglise et l’établissement du royaume éternel de Dieu. Etant gravement opprimés par les rois syriens, les Juifs envoyèrent une ambassade à Rome pour solliciter l’aide des Romains et s’unir avec eux en une « ligue d’amitié et une confédération avec eux ». Les Romains écoutèrent la pétition des Juifs, et ils leur accordèrent un décret rédigé en ces termes :

«  ‘Décret du sénat concernant une ligue d’assistance et d’amitié avec la nation juive. Il ne sera pas légal, pour qui que ce soit, assujetti aux romains, de faire la guerre à la nation juive ni d’assister ceux qui la lui font, que ce soit en leur envoyant du blé, des bateaux ou de l’argent ; et si une attaque était dirigée contre les Juifs, les Romains les aideraient autant qu’ils le peuvent ; et, si les Romains sont attaqués, les Juifs les aideraient. Et si les Juifs se proposent d’ajouter ou d’ôter quelque chose à ce pacte d’assistance, ceci se fera avec le consentement commun des Romains. N’importe quel rajout fait de cette façon, aura de la valeur.’ Ce décret fut rédigé par Eupolemus, le fils de Jean, et par Jason, fils d’Eléazar, quand Judas était souverain sacrificateur de la nation, et Simon son frère, général de l’armée. Ce fut la première ligue que les Romains firent avec les Juifs, et elle fut administrée de cette façon. »

A cette époque, les Romains étaient un petit peuple, mais ils commençaient à agir avec duplicité, ou avec astuce, comme l’indique la parole. Et depuis cette époque, ils ne cessèrent de s’élever rapidement jusqu’à atteindre l’apogée du pouvoir.

24 : « Il entrera, au sein de la paix, dans les lieux les plus fertiles de la province ; il fera ce que n’avaient pas fait ses pères, ni les pères de ses pères ; il distribuera le butin, les dépouilles et les richesses ; il formera des projets contre les forteresses, et cela pendant un certain temps. »

Avant Rome, les nations entraient dans les provinces et les territoires riches, avec des intentions de guerre et de conquête. Rome allait maintenant faire ce que ses pères et les pères de ses pères n’avaient jamais fait, c’est-à-dire, faire des acquisitions par des moyens pacifiques. C’est alors que la coutume de léguer ses royaumes aux Romains commença. Rome entra ainsi en possession de grandes provinces.

Ceux qui devenaient ainsi dépendants de Rome n’obtenaient pas que peu d’avantages. Ils étaient traités avec bonté et indulgence. C’était comme si la proie et le butin étaient distribués parmi eux. Ils étaient protégés de leurs ennemis, et reposaient en paix et en sécurité sous l’égide du pouvoir romain.

La dernière partie de ce verset est traduite par Thomas Newton par  ‘il formera des desseins depuis les forteresses’ au lieu de contre elles. C’est ce que firent les Romains depuis la puissante forteresse de leur ville assise sur sept collines. « Et cela pendant un certain temps » se réfère sans doute à un temps prophétique de 360 ans. A partir de quel moment ces années doivent-elles démarrer ? Probablement à partir de l’événement présenté dans le verset suivant.

25 : « A la tête d’une grande armée il emploiera sa force et son ardeur contre le roi du midi. Et le roi du midi s’engagera dans la guerre avec une armée nombreuse et très puissante ; mais il ne résistera pas, car on méditera contre lui de mauvais desseins. »

Les versets 23 et 24 nous conduisent de la ligue faite entre les Juifs et les Romains en 161 av. J.-C. jusqu’au moment où Rome eut la suprématie universelle. Le verset que nous considérons maintenant nous présente une vigoureuse campagne contre le roi du Sud, l’Egypte, et une grande bataille entre de puissantes armées. De tels événements ont-ils eu lieu dans l’histoire de Rome plus ou moins à cette époque ? Bien sûr que oui. Il y eut une guerre entre l’Egypte et Rome, et la bataille fut celle d’Actium. Considérons brièvement les circonstances qui conduisirent à ce conflit.

Marc Antoine, Auguste César et Lépide constituèrent un triumvirat qui jura de venger la mort de Jules César. Antoine devint le beau-frère d’Auguste en se mariant avec sa soeur Octavie. Il fut envoyé en Egypte pour traiter des affaires du gouvernement, mais il tomba, victime des charmes de Cléopâtre, la reine dépravée. La passion qu’il avait pour elle était si forte, qu’il épousa finalement tous les intérêts égyptiens, il répudia son épouse Octavie pour faire plaisir à Cléopâtre et il lui concéda province après province. Il célébra ses triomphes à Alexandrie au lieu de le faire à Rome, et il commit tant d’autres affronts contre le peuple romain qu’Auguste n’eut aucune difficulté à pousser le peuple à entreprendre une guerre vigoureuse contre l’Egypte. Cette guerre était dirigée ostensiblement contre l’Egypte et contre Cléopâtre, mais en réalité, elle allait contre Antoine qui était maintenant à la tête des affaires égyptiennes. La vraie cause de leur controverse, dit Prideaux, était qu’aucun des deux ne pouvait accepter d’avoir une seule moitié de l’empire romain. Lépide avait été démis du Triumvirat, et les deux se répartissaient le gouvernement de l’empire. Comme chacun était résolu à tout posséder, ils jetèrent les dés de la guerre pour sa possession.

Antoine rassembla sa flotte à Samos. Cinq cents bateaux de taille et de structure extraordinaires, qui avaient plusieurs ponts l’un sur l’autre, avec des tours à la proue et à la poupe, offraient un déploiement imposant et formidable. Ces bateaux portaient 125 000 soldats. Les rois de Libye, de Cilicie, de Cappadoce, de Paphlagonie, de Comagène et de Thrace, se trouvaient là, en personne, et ceux du Pont, de Judée, de Lycaonie, de Galatie et de Médie avaient envoyé leurs troupes. Le monde a rarement vu un spectacle militaire aussi splendide que cette flotte de bateaux de guerre quant elle déploya ses voiles et prit la mer. La galère de Cléopâtre leur était supérieure ; elle flottait comme un palais d’or sous une nuée de voiles pourpres. Ses pavillons et ses banderoles ondoyaient au vent et les trompettes et les autres instruments de musique de guerre faisaient résonner les cieux de notes joyeuses et triomphales. Antoine la suivait de près dans une galère d’une magnificence presque égale.

Auguste, de son côté, montra moins de pompe mais plus d’utilité. Le nombre de ses bateaux était à peine la moitié de celui d’Antoine et il avait seulement 80 000 fantassins. Mais ils étaient tous des hommes choisis, et à bord de sa flotte il n’y avait que des marins expérimentés ; tandis qu’Antoine n’ayant pas trouvé suffisamment de marins, se vit obligé de former les équipages avec des artisans de toutes catégories, des hommes sans expérience et plus capables d’occasionner des ennuis que de rendre un vrai service pendant la bataille. Comme une grande partie de la saison avait été occupée aux préparatifs, Auguste ordonna à ses bateaux de se réunir à Brindisi, et Antoine réunit les siens à Corcyre jusqu’à l’année suivante.

Au printemps, les deux armées se mirent en mouvement, sur terre et sur mer. Les flottes entrèrent enfin dans le golfe d’Ambracie dans l’Epire, et les forces terrestres se déployèrent sur chaque rive, bien en vue l’une de l’autre. Les généraux les plus expérimentés d’Antoine lui conseillèrent de ne pas risquer une bataille navale avec ses marins sans expérience, mais qu’il renvoie Cléopâtre en Egypte et qu’il se presse de pénétrer en Thrace et en Macédoine pour confier tout de suite le résultat [de la bataille] à ses forces terrestres qui étaient de vieilles troupes. Mais, comme si c’était une illustration du vieil adage : Quem Deus perdere vult, prius demenat (Celui que Dieu veut détruire, il le rend d’abord fou), entiché de Cléopâtre, il voulait seulement lui plaire quand, se confiant aux apparences, il crut sa flotte invincible et il donna l’ordre de se mette immédiatement en action.

La bataille éclata le 2 Septembre 31, à l’embouchure du Golfe d’Ambracie, près de la ville d’Actium. Ce qui était en jeu, entre ces deux rudes guerriers, Antoine et Auguste, c’était la domination du monde. Le combat, qui se maintint incertain pendant un long moment, fut finalement déterminé par la conduite de Cléopâtre. Effrayée par le vacarme de la bataille, elle prit la fuite alors qu’il n’y avait aucun danger, et elle entraîna à sa suite toute l’escadre égyptienne qui comptait soixante bateaux. Antoine, voyant ce mouvement et oubliant tout sauf sa passion aveugle pour elle, la suivit précipitamment, et offrit à Auguste une victoire qu’il aurait pu remporter lui-même si ses forces égyptiennes lui étaient restées fidèles, ou s’il avait été loyal à sa propre virilité.

Cette bataille marque sans doute le commencement du « temps » mentionné au verset 24. Comme durant ce « temps » des desseins allaient être imaginés depuis la forteresse, ou Rome, nous devons conclure qu’à la fin de cette période la suprématie occidentale allait cesser, ou qu’il se produirait un tel changement dans l’empire que cette ville ne serait plus considérée comme le siège du gouvernement. Depuis l’an 31 av. J.-C., un « temps » prophétique, ou 360 ans, devrait nous amener à l’année 330 de notre ère. Il faut remarquer ici que le siège de l’empire fut transféré de Rome à Constantinople par Constantin le Grand justement cette année là.

26 : « Ceux qui mangeront des mets de sa table causeront sa perte ; ses troupes se répandront comme un torrent, et les morts tomberont en grand nombre. »

Antoine fut abandonné par ses alliés et ses amis, ceux qui mangeaient son pain. Cléopâtre, comme nous l’avons déjà expliqué, se retira subitement de la bataille, emmenant avec elle soixante bateaux. L’armée terrestre, dégoûtée par l’engouement d’Antoine pour Cléopâtre, passa à Auguste, qui reçut les soldats à bras ouverts. Quand Antoine arriva en Libye, il vit que les troupes qu’il avait laissées à Scarpus pour garder la frontière, s’étaient déclaré en faveur d’Auguste, et en Egypte ses forces se rendirent. Furieux et désespéré, Antoine se donna la mort.

27 : « Les deux rois chercheront en leur coeur à faire le mal, et à la même table ils parleront avec fausseté. Mais cela ne réussira pas, car la fin n’arrivera qu’au temps marqué. »

Antoine et Auguste étaient autrefois des alliés. Cependant, sous le déguisement de l’amitié, tous deux aspiraient à la domination universelle et ils recouraient à l’intrigue pour arriver à leur fin. Leurs démonstrations d’amitié mutuelle n’étaient que des déclarations hypocrites. Ils se mentaient à la même table. Octavie, l’épouse d’Antoine et soeur d’Auguste, déclara au peuple de Rome, quand Antoine la répudia, qu’elle avait consenti à se marier avec lui uniquement dans l’espoir qu’il garantirait l’union entre Antoine et Auguste. Mais ce recours ne réussit pas. La rupture vint, et dans le conflit qui suivit, Auguste triompha d’une façon absolue.

28 : « Il retournera dans son pays avec de grandes richesses ; il sera dans son coeur hostile à l’alliance sainte, il agira contre elle, puis retournera dans son pays. »

On nous présente ici deux retours de campagnes de conquête. Le premier se produisit après les événements racontés dans les versets 26, 27, et le second, après que cette puissance se soit indignée contre la sainte alliance et qu’elle ait réalisé des exploits. Le premier eut lieu quand Auguste revint de son expédition d’Egypte contre Antoine. Il arriva à Rome avec d’abondants honneurs et richesses, parce qu’à « cette occasion on ramena d’Egypte une telle quantité de richesses à Rome quand le pays fut vaincu et qu’Octavien [Auguste] revint de là-bas avec son armée, que la valeur de l’argent baissa de moitié, et le prix des provisions et de toutes les marchandises vendables doublèrent. »

Auguste célébra ses victoires par un triomphe de trois jour –triomphe qui aurait été honoré par Cléopâtre elle-même parmi les captifs royaux si elle ne s’était pas fait piquer ingénieusement et fatalement par un aspic.

La grande entreprise suivante des Romains, après la conquête de l’Egypte, fut l’expédition contre la Judée, la prise et la destruction de Jérusalem. La sainte alliance est réellement le pacte que Dieu a maintenu avec son peuple, sous différentes formes, à travers les différentes ères du monde. Les Juifs rejetèrent Christ, et en accord avec la prophétie, qui disait que tous ceux qui ne voudraient pas entendre la Prophétie seraient retranchés de leur propre pays, ils furent dispersés parmi les nations de la terre. Bien que Juifs et Chrétiens souffrirent de la même façon sous la main oppressive des Romains, ce fut sans aucun doute lors de la conquête de la Judée surtout, que les exploits mentionnés dans le texte sacré furent flagrants.

Sous Vespasien, les Romains envahirent la Judée et prirent les villes de Galilée : Chorazin, Bethsaïda et Capernaüm, où Christ avait été rejeté. Ils détruisirent les habitants et ne laissèrent que ruines et désolation. Titus assiégea Jérusalem, et ouvrit une tranchée tout autour, selon ce qu’avait prédit notre Sauveur. Une terrible famine se produisit. Moïse avait prédit que des calamités terribles s’abattraient sur les Juifs s’ils s’écartaient de Dieu. Il avait été prophétisé que même les femmes délicates et tendres mangeraient leurs enfants en raison de la dureté du siège (Deutéronome 28 : 52-55). Pendant le siège de Jérusalem par Titus, cette prédiction se réalisa littéralement. En entendant les informations de ces actes inhumains, mais oubliant qu’il était celui-là même qui réduisait la population à de tels extrêmes, Titus jura qu’il détruirait pour toujours la ville maudite et son peuple.

Jérusalem tomba en l’an 70 de notre ère. Il était honorable que le commandant romain ait été déterminé à sauver le temple, mais le Seigneur avait dit : « Il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit renversée » (Matthieu 24 : 2). Un soldat romain, prit une torche enflammée et grimpant sur les épaules de ses camarades, la jeta par une fenêtre à l’intérieur de la belle structure. Elle ne tarda pas à brûler, et les frénétiques efforts des Juifs pour éteindre les flammes, malgré l’aide de Titus lui-même, furent tous vains. Voyant que le temple allait être détruit, Titus se précipita à l’intérieur, et en sortit le chandelier, la table des pains et le rouleau de la loi, qui était enveloppé d’un tissus d’or. Le chandelier fut déposé plus tard dans le temple de la paix, de Vespasien, et il fut reproduit sur l’arc de triomphe de Titus, où on peut encore voir son image mutilée.

Le siège de Jérusalem dura cinq mois. 1.100.000 de Juifs périrent et 97.000 furent faits prisonniers. La ville était si étonnamment fortifiée que quand Titus examina ses ruines il s’exclama : « Nous nous sommes battus avec l’aide de Dieu ». Elle fut complètement rasée, et les fondements même du temple furent défoncés par Tarentius Rufus. La guerre dura au total, six ans, et on dit que presque un million et demi de personnes tombèrent victimes de ses horreurs épouvantables.

C’est ainsi que cette grande puissance accomplit de grands exploits, et elle retourna dans son pays.

29 : « A une époque fixée, il marchera de nouveau contre le midi ; mais cette dernière fois les choses ne se passeront pas comme précédemment. »

L’époque fixée est probablement le temps prophétique du verset 24, qui a déjà été mentionné. Il prit fin, comme nous l’avons démontré, en l’an 330, date où la puissance en question allait à nouveau se diriger vers le sud, mais pas de la même manière que la fois précédente, lorsqu’elle alla en Egypte, ni comme après, quand elle se rendit en Judée. Celles-ci furent des expéditions qui lui apportèrent des conquêtes et la gloire. Celle-là conduisirent à la démoralisation et à la ruine. Le transfert du siège de l’empire à Constantinople fut le commencement de la chute de l’empire. Rome perdit alors son prestige. La partie occidentale resta exposée aux incursions des ennemis étrangers. A la mort de Constantin, l’empire romain fut divisé entre ses trois fils : Constance, Constantin II et Constant. Constantin II et Constant se battirent, et Constant, victorieux, obtint la suprématie de tout l’occident. Les barbares du nord firent de bonne heure des incursions et étendirent leurs conquêtes jusqu’à ce que la puissance impériale de l’occident disparut en 476.

30 : « Des navires de Kittim s’avanceront contre lui ; découragé, il rebroussera. Puis furieux contre l’alliance sainte, il ne restera pas inactif ; à son retour, il portera ses regards sur ceux qui auront abandonné l’alliance sainte. »

Le récit prophétique continue en se référant à la puissance qui est son thème depuis le verset 16, c’est-à-dire Rome. Quels furent les navires de Kittim qui vinrent contre cette puissance, et quand eut lieu ce mouvement ? Quel  pays ou puissance représente Kittim ? « C’est du pays de Kittim que la nouvelle leur est venue ». Adam Clarke a écrit cette note à ce sujet : « On dit ici que les nouvelles de la destruction de Tyr par Nébucadnetsar leur fut communiquées par Kittim, les îles et les côtes de la Méditerranée ; ‘parce que quand les Tyriens –dit Jérôme au sujet du verset 6, virent qu’ils n’avaient aucun moyen d’échapper, ils prirent la fuite en bateaux, et cherchèrent un refuge à Carthage et dans les îles des mers Ionienne et Egée.’ … Comme aussi Jarchi dans le même lieu. » Kitto attribue la même région à Kittim, à savoir, la côte et les îles de la Méditerranée ; et le témoignage de Jérôme nous amène à une ville définie et célèbre de cette région, c’est-à-dire, Carthage.

L’empire romain eut-il à supporter une guerre navale qui aurait eu Carthage comme base des opérations ? Souvenons-nous des terribles attaques des Vandales contre Rome, sous le féroce Genséric, et nous répondrons par l’affirmative. A chaque printemps, il sortait du port de Carthage à la tête de ses forces navales bien disciplinées et en très grand nombre, pour semer la consternation dans toutes les provinces maritimes de l’empire. Telles sont les actions qui nous sont présentées dans le verset que nous étudions ; et c’est encore plus vrai quand nous considérons que la prophétie nous a conduits avec précision jusqu’à cette époque. Dans le verset 29, nous comprenons qu’il est fait mention du transfert du siège de l’empire à Constantinople. La révolution suivante qui se produisit au fil du temps, est celle que les irruptions des barbares du nord occasionnèrent, parmi lesquelles se détachèrent les Vandales et la guerre qu’ils firent, comme nous l’avons déjà mentionné. La carrière de Genséric se développa durant les années 428 à 477. 

« Découragé, il rebroussera », peut se référer aux efforts désespérés tentés pour déposséder Genséric du territoire des mers ; le premier par Majorien, et ensuite par le pape Léon I, mais dans les deux cas, ce fut un échec total. Rome se vit obligée de se soumettre à l’humiliation de voir ses provinces dépouillées, et sa « ville éternelle » pillée par l’ennemi (Voir le commentaire sur l’Apocalypse 8 :8).

« Furieux contre l’alliance sainte ». Ceci se réfère sans aucun doute aux tentatives pour détruire l’alliance de Dieu par les attaques dirigées contre les Saintes Ecritures, le livre du pacte. Une révolution de cette nature eut lieu à Rome. Le Hérules, les Goths et les Vandales, qui conquirent Rome, embrassèrent la foi arienne et ils devinrent des ennemis de l’église catholique. Ce fut surtout dans le but de détruire cette hérésie, que Justinien décréta que le pape serait la tête de l’église et le correcteur des hérésies. Très vite, la Bible fut considérée comme un livre dangereux qui ne devait pas être lu par le commun peuple, mais tous les thèmes en contestation devaient être soumis au pape. La Parole de Dieu fut donc méprisée.

Un historien dit en commentant l’attitude de l’église catholique envers les Ecritures :

« Quelqu’un pourrait penser que l’église de Rome avait écarté ses fidèles à une distance respectueuse des Ecritures. Elle avait placé l’abîme de la tradition entre eux et la Parole de Dieu. Elle les éloigna davantage de la sphère du « danger » en pourvoyant un interprète infaillible dont le devoir consistait à veiller à ce que la Bible n’exprime pas un sentiment hostile envers Rome. Mais, comme si cela ne suffisait pas, elle a travaillé par tous les moyens à sa portée, à empêcher que les Ecritures arrivent d’une façon où d’une autre aux mains de son peuple. Avant la Réforme, elle maintint la Bible « enfermée » dans une langue morte, et des lois sévères contre sa lecture furent promulguées. La Réforme libéra le précieux volume. Tyndale et Luther, le premier depuis sa retraite de Vildorfe aux Pays-Bas, et l’autre depuis le coeur des ombres épaisses de la forêt de Thuringe, envoyèrent la Bible aux pays dans les langues vernaculaires d’Angleterre et d’Allemagne. C’est ainsi qu’une soif des Ecritures se réveilla, et l’église de Rome jugea imprudent de s’y opposer ouvertement. Le Concile de Trente promulgua, au sujet des livres interdits, dix règles qui, bien qu’elles paraissaient satisfaire le désir croisant de lire la Parole de Dieu, étaient insidieusement rédigées pour la freiner. Dans la quatrième règle, le concile interdit à quiconque de lire la Bible sans licence de son évêque ou inquisiteur ; licence qui doit être basée sur un certificat de son confesseur qu’il n’est pas en danger de recevoir aucun dommage en la lisant. Le concile ajouta ces phrases catégoriques : ‘Si quelqu’un ose lire ou avoir en possession ce livre, sans cette licence, il ne recevra pas l’absolution jusqu’à ce qu’il l’ait remise à son ordinaire. » Ces règles sont suivies de la bulle de Pie IV, dans laquelle il déclare que ceux qui les violent seront considérés coupables de péché mortel. Ainsi, l’église de Rome tenta de réguler ce qu’elle ne pouvait pas empêcher totalement. Le fait qu’aucun disciple du pape ne soit autorisé à lire la Bible sans licence n’apparaît pas dans les catéchismes et les autres livres d’un commun usage parmi les catholiques romains de ce pays ; mais il est incontestable qu’il fait partie de la loi de cette église. Et en accord avec elle, nous trouvons que la pratique uniforme des prêtres de Rome, depuis les papes jusque vers le bas [de la hiérarchie], est d’empêcher la circulation de la Bible ; de l’empêcher totalement dans les pays où, comme en Italie et en Espagne, elle exerce tout le pouvoir, et dans d’autres pays, comme le nôtre, autant que son pouvoir le permet. Son système uniforme est de décourager la lecture des Ecritures de toutes les façons possibles ; et quand elle ne s’enhardit pas à employer la force pour arriver à ses fins, elle n’a pas de scrupules à utiliser le pouvoir spirituel de l’église et à déclarer que ceux qui contrarient la volonté de Rome sur ce sujet, sont coupables de péché mortel. »

Les empereurs de Rome s’entendirent ou furent de connivence avec l’église de Rome –qui avait abandonné l’alliance qui constituait la grande apostasie- pour collaborer avec elle dans sa tentative de supprimer l’hérésie. L’homme de péché fut élevé sur son trône présomptueux par la déroute (en 538) des Goths ariens, qui possédaient alors Rome.

31 : « Des troupes se présenteront sur son ordre ; elles profaneront le sanctuaire, la forteresse, elles feront cesser le sacrifice perpétuel, et dresseront l’abomination du dévastateur. »

« Elles profaneront le sanctuaire, la forteresse », ou Rome. Si ceci s’applique aux barbares, tout s’est accompli littéralement ; parce que Rome fut mise à sac par les Goths et les Vandales, et le pouvoir impérial de l’occident cessa avec la conquête de Rome par Odoacre. Ou, s’il s’agit des gouverneurs de l’empire qui agissaient en faveur du pape contre le paganisme ou n’importe quelle religion qui se serait opposée au pape, il pourrait être question du transfert du siège de l’empire, de Rome à Constantinople, ce qui contribua dans une grande mesure à la décadence de Rome. Le passage serait alors parallèle à ceux de Daniel 8 : 11 et d’Apocalypse 13 : 2.

Dans les commentaires sur Daniel 8 : 13, on a démontré que la parole « sacrifice » avait été rajoutée par erreur. Il faut lire « dévastation ». L’expression indique une puissance dévastatrice, de laquelle « l’abomination du dévastateur » n’est que la contrepartie, et au fil du temps, elle lui succède. Aussi, il semble clair que la désolation perpétuelle était le paganisme, et « l’abomination du dévastateur », la papauté. Mais quelqu’un peut se demander : Comment peut-il s’agir de la papauté puisque Christ parla d’elle en relation avec la destruction de Jérusalem ? La réponse est que Christ se référait évidemment à Daniel 9, qui prédit la destruction de Jérusalem, et pas au verset de Daniel 11, qui ne fait pas référence à l’événement cité. Au chapitre 9, Daniel parle de dévastations et d’abominations au pluriel. Plus d’une abomination, donc, piétine l’église ; c’est-à-dire que, pour autant que l’église est concernée, le paganisme et la papauté sont des abominations. Mais comme une distinction est faite entre l’une et l’autre, le langage doit être spécifique. L’une d’elles est la dévastation « perpétuelle », l’autre est essentiellement la transgression ou « abomination du dévastateur ».

Comment le « perpétuel » ou le paganisme fut-il délaissé ? Comme nous en parlons en relation avec l’établissement de l’abomination du dévastateur, ou papauté, il faut noter, non seulement le changement nominal de religion de l’empire –du paganisme au christianisme, comme la soi-disant conversion de Constantin- mais une éradication telle du paganisme de tous les éléments de l’empire que le chemin soit complètement ouvert pour que l’abomination papale se lève et impose ses exigences arrogantes. Un tel bouleversement se produisit, mais pas avant que se soient écoulés deux cents ans après la mort de Constantin.

Aux environs de l’an 508, nous voyons mûrir une crise importante entre le catholicisme et les influences païennes qui existaient encore dans l’empire. Jusqu’à la conversion de Clovis, roi des Francs, en 496, ceux-ci, comme d’autres nations de la Rome occidentale, étaient païens ; mais après cet événement, les efforts faits pour convertir les idolâtres au Catholicisme furent couronnés de succès. On dit que la conversion de Clovis fut l’occasion d’accorder au monarque Franc les titres de « Majesté très Chrétienne » et « fils aîné de l’église ». Entre cette époque et 508, grâce à des alliances, des capitulations et des conquêtes, les garnisons romaines de l’Ouest, l’Armorique, et aussi les Burgondes, et les Wisigoths furent soumis.

Depuis que ces succès furent complètement remportés, en 508 av. J.-C, la papauté triompha du paganisme, parce que, bien que ce dernier retardât sans aucun doute le progrès de la foi catholique, il n’avait déjà plus de pouvoir pour supprimer la foi des pontifes romains ni perturber leurs usurpations. Quand les puissances éminentes d’Europe renoncèrent à leur attachement au paganisme ce fut seulement pour perpétuer leurs abominations sous une autre forme ; car le christianisme manifesté dans l’église catholique n’était qu’un paganisme baptisé.

Le statut du siège de Rome était aussi original à cette époque. En 498, Symmaque accéda au trône pontifical alors qu’il n’était que récemment converti. Il parvint au siège pontifical après une lutte qu’il maintint avec son concurrent jusque dans le sang. Il reçut l’adulation comme successeur de Pierre, et il donna le ton de son entrée en fonction en prétendant excommunier l’empereur Anastase. Les plus serviles des flatteurs du pape commencèrent alors à soutenir qu’il avait été constitué juge à la place de Dieu, et qu’il était vice-régent du Très-Haut.

Telle était la tendance des événements à l’ouest. A la même époque, quelle était la situation à l’est ? Un fort parti papal existait maintenant dans toutes les régions de l’empire. Les adhérents à sa cause, à Constantinople, encouragés par les succès de leurs frères de l’ouest, considérèrent que le moment était arrivé d’ouvrir les hostilités en faveur de leur maître de Rome.

Remarquez, que peu après 508, le paganisme avait chuté de telle manière et le Catholicisme avait acquis une telle force, que pour la première fois l’église catholique put soutenir avec succès une guerre aussi bien contre les autorités civiles de l’empire que contre l’église d’orient qui avait embrassé, dans sa majorité, la doctrine monophysite, que Rome considérait comme une hérésie. Le zèle des partisans culmina dans un tourbillon de fanatisme et de guerre civile, qui balaya Constantinople, dans le feu et le sang. Le résultat fut l’extermination de 65 000 hérétiques. Une citation de Gibbon, extraite de son récit des événements survenus entre 508 et 518, démontrera l’intensité de cette guerre :

« Les statues de l’empereur furent brisées, et celui-ci dut se cacher dans une banlieue jusqu’à ce qu’au bout de trois jours, il osât implorer la miséricorde de ses sujets. Sans son diadème, et dans l’attitude d’un suppliant, Anastase se présenta sur le trône du cirque. Les catholiques, face à lui, lui répétèrent ce qu’était pour eux le « véritable Trisagion » ; ils exultèrent à son offre –qu’il fit proclamer par la voix d’un héraut, de renoncer à la pourpre ; ils écoutèrent l’avertissement qu’ils devaient d’abord se mettre d’accord sur le choix d’un souverain, puisque tous ne pouvaient régner ; et ils acceptèrent le sang de deux ministres impopulaires, que leur maître, sans vaciller, condamna aux lions. Ces séditions furieuses mais passagères étaient encouragées par le succès de Vitalien, qui, avec une armée de Huns et de Bulgares, idolâtres dans leur majorité, se déclara champion de la foi catholique. Par cette pieuse rébellion, il dépeupla la Thrace, assiégea Constantinople, extermina 65 000 chrétiens, jusqu’à ce qu’il obtienne le rappel des évêques, la satisfaction du pape, et l’établissement du concile de Chalcédoine, un traité orthodoxe, signé de mauvaise grâce par le moribond Anastase et exécuté plus fidèlement par l’oncle de Justinien. Tel fut le déroulement de la première des guerres religieuses qui ait été livrée au nom et par les disciples du Dieu de paix. »

Nous croyons avoir démontré clairement que le « continu » a été quitté vers 508. Ceci, arriva en vue de l’établissement de la papauté, qui fut un événement séparé et ultérieur, duquel le récit prophétique nous amène maintenant à parler.

« Elles feront dresser l’abomination du dévastateur ». Ayant démontré clairement ce que nous considérions comme étant la suppression du perpétuel ou paganisme, informons-nous maintenant du moment où l’abomination du dévastateur, ou papauté se leva. La petite corne qui avait des yeux comme ceux d’un homme ne tarda pas à s’apercevoir que le chemin pour son élévation et son progrès était préparé. Depuis l’an 508, son progrès vers la suprématie universelle se réalisa d’une façon sans pareille.

Quand Justinien était sur le point de commencer la guerre contre les Vandales en 533, une entreprise qui n’était pas de peu d’envergure et de difficultés, il voulut s’assurer l’influence de l’évêque de Rome qui avait atteint une position qui, à son avis, était de poids dans une grande partie de la chrétienté. Justinien se chargea donc de trancher la controverse qui existait depuis assez longtemps, entre les sièges de Rome et de Constantinople, au sujet de celui qui devrait avoir la préséance. Il donna la préférence à Rome dans une lettre adressée officiellement au pape, dans laquelle il déclarait, dans des termes sans équivoque, que l’évêque de cette ville devait être la tête de tout le corps ecclésiastique de l’empire.

La lettre de Justinien dit : «  Justinien, vainqueur, pieux, chanceux, fameux, triomphateur, toujours Auguste, à Jean, le très saint archevêque et patriarche de la noble ville de Rome. Rendant honneur au siège apostolique et à Votre Sainteté, comme ce fut toujours notre désir, et honorant votre béatitude comme un père, nous nous hâtons de porter à la connaissance de Votre Sainteté tout ce qui appartient à la condition des églises, vu que ce fut toujours notre grand objet de sauvegarder l’unité de votre Siège Apostolique et la position des saintes églises, qui maintenant prévaut et demeure en sécurité et sans aucune perturbation inquiétante. Aussi, nous avons été scrupuleux pour assujettir et unir tous les prêtres d’orient dans toute leur extension au siège de Votre Sainteté. Quelles que soient les questions qui sont actuellement en litige, nous avons cru nécessaire de les porter à la connaissance de Votre Sainteté, si claires et indubitables qu’elles puissent être, quand bien même elles seraient fermement soutenues et enseignées par tout le clergé en accord avec la doctrine de Votre Siège Apostolique ; parce que nous ne permettons pas que rien de ce qui est en litige, aussi clair et indubitable qu’il soit, appartenant à l’état des églises, manque d’être porté à la connaissance de Votre Sainteté, en tant que tête de toutes les églises. Parce que comme nous l’avons dit antérieurement, nous avons du zèle pour augmenter l’honneur et l’autorité de votre siège à tous égards. »

« La lettre de l’empereur doit avoir été envoyée avant le 25 Mars 533. Parce que dans sa lettre portant la même date, dirigée à Epiphane, il parle d’elle comme l’ayant déjà envoyée, et il répète sa décision de soumettre au pape, ‘tête de tous les évêques, véritable et efficace correcteur des hérésies’, toutes les affaires touchant l’église  »

« Au cours du même mois de l’année suivante, en 534, le pape répondit en reprenant le langage de l’empereur, en applaudissant ses hommages au Siège, et en adoptant les titres du mandat impérial. Il observe, parmi les vertus de Justinien, ‘une qui brille comme une étoile : sa vénération pour le siège apostolique, auquel il a assujetti et uni toutes les églises, étant vraiment la Tête de toutes ; comme l’attestaient les règles des Pères, les lois des Princes et les déclarations de la piété de l’Empereur.’

« L’authenticité du titre reçoit une preuve incontestable des édits trouvés dans les ‘ Novell³ ’ du code de Justinien. Le préambule de la 9e déclare que ‘comme la Rome la plus antique était fondatrice des lois, on ne doit pas mettre en doute que la suprématie du pontificat se trouve en elle.’ La 131ª, sur les titres et les privilèges ecclésiastiques, chapitre II, déclare : ‘Nous décrétons donc, que le très saint Pape de la Rome la plus antique est le premier de tous les sacerdoces, et que le très béat archevêque de Constantinople, la seconde Rome, occupera le second poste après le saint siège apostolique de la Rome la plus antique.’ »

Jusqu’à la fin du VIe siècle, Jean de Constantinople nia la suprématie romaine, et il assuma le titre d’évêque universel ; sur quoi, Grégoire le Grand, indigné par cette usurpation, dénonça Jean et déclara, sans comprendre la vérité contenue dans sa déclaration, que celui qui assumait le titre d’évêque universel était l’antéchrist. En 606, Phocas supprima la prétention de l’évêque de Constantinople, et justifia celle de l’évêque de Rome. Mais Phocas ne fut pas le fondateur de la suprématie papale. « Il n’y a pas de doute que Phocas réprima la prétention de l’évêque de Constantinople. Mais les plus hautes autorités parmi les civiles et les analystes de Rome refusent l’idée que Phocas fût le fondateur de la suprématie de Rome ; ils remontent jusqu’à Justinien comme seul source légitime, et datent correctement le titre de l’année mémorable 533. »

George Croly ajoute : « En référence à Baronius, autorité établie parmi les analystes romains, je trouve que la concession de suprématie que Justinien fit au pape se situait formellement à cette période… Toute la transaction fut des plus authentiques et régulières, et concorde avec l’importance du transfert. »

Telles furent les circonstances qui accompagnèrent le décret de Justinien. Mais les dispositions de ce décret ne pouvaient pas être mises en pratique tout de suite ; parce que Rome et l’Italie étaient au pouvoir des Ostrogoths, qui étaient de foi arienne et qui s’opposaient énergiquement à la religion de Justinien et du pape. Il était donc évident que les Ostrogoths devaient être extirpés de Rome avant que le pape puisse exercer le pouvoir dont il avait été investi. Pour atteindre cet objectif, la guerre italienne débuta en 534. La direction de la campagne fut confiée à Bélisaire. Quand il s’approcha de Rome, de nombreuses villes abandonnèrent Vitigès, leur souverain Goth et hérétique, et s’unirent aux armées de l’empereur catholique. Les Goths, décidant de retarder les opérations offensives jusqu’au printemps, laissèrent Bélisaire entrer dans Rome sans opposition. Les députés du pape et le clergé, du sénat et du peuple, invitèrent le lieutenant de Justinien à accepter leur allégeance volontaire.

Bélisaire entra à Rome le 10 Décembre 536. Mais ce ne fut pas la fin de la lutte, parce que les Goths réunirent leurs forces et résolurent de contester la possession de la ville par un siège régulier, qu’ils commencèrent en Mars 537. Bélisaire craignit le désespoir et la trahison de la part du peuple. Plusieurs sénateurs et le pape Sylvestre, dont la trahison fut prouvée ou soupçonnée, furent exilés. L’empereur ordonna au clergé d’élire un nouvel archevêque. Après avoir invoqué solennellement le Saint-Esprit, ils élurent le diacre Vigile qui avait acheté la distinction honorifique par un pot-de-vin de deux cents livres d’or.

Toute la nation des Ostrogoths s’était réunie pour le siège de Rome, mais le succès n’accompagna pas leurs efforts. Leurs armées furent dévastées par des combats sanglants et fréquents sous les murailles de la ville, et par un siège d’un an et neuf jours ils assistèrent à la destruction presque complète de la nation. En Mars 538, comme de nouveaux dangers commençaient à les menacer, ils levèrent le siège, brûlèrent leurs tentes, et se retirèrent dans le tumulte et la confusion, en nombre à peine suffisant pour conserver leur existence comme nation ou leur identité comme peuple.

C’est ainsi que la corne ostrogothe, la dernière des trois, fut arrachée devant la petite corne de Daniel 7. Désormais, plus rien n’empêchait le pape d’exercer le pouvoir que Justinien lui avait conféré cinq ans auparavant. Les saints, les temps et les lois étaient entre ses mains, pas seulement en intention mais en fait. Et 538 doit donc être considéré comme l’année où « l’abomination de la désolation » prit place ou s’éleva, et le point de départ de la période prophétique des 1260 ans de la suprématie papale.

32 :  « Mais ceux du peuple qui connaîtront leur Dieu agiront avec fermeté, et les plus sages parmi eux donneront instruction à la multitude. »

Ceux qui abandonnent le livre de l’alliance, les saintes Ecritures, qui estiment plus les décrets des papes et les décisions des conciles que la Parole de Dieu, ceux-là, le pape les corrompra par ses mensonges. C’est-à-dire que leur zèle de partisans du pape sera encouragé par les gratifications de richesses, de positions et d’honneurs.

En même temps, il y aura un peuple qui connaîtra son Dieu, et qui sera ferme et accomplira des prouesses . Ce sont les chrétiens qui conservèrent la religion pure et vive sur la terre pendant les âges obscurs de la tyrannie papale et qui accomplirent des actes d’abnégation admirables avec un héroïsme religieux en faveur de leur foi. Les Vaudois, les Albigeois et les Huguenots occupent une place privilégiée parmi eux.

33 : «  Il en est qui succomberont pour un temps à l’épée et à la flamme, à la captivité et au pillage. »

On nous présente ici la longue période de persécution papale contre ceux qui luttèrent pour soutenir la vérité et instruire leurs semblables dans les chemins de la justice. Le nombre des jours durant lesquels ils allaient tomber de cette façon, nous est donné dans Daniel 7 : 25 ; 12 : 7 ; Apocalypse 12 : 6, 14, ; 13 : 5 : La période est appelée « un temps, des temps, et la moitié d’un temps », « mille deux cent soixante jours » et « quarante-deux mois ». Toutes ces expressions sont les différentes façons de désigner les mêmes mille deux cent soixante ans de la suprématie papale.

34 : « Dans le temps où ils succomberont, ils seront un peu secourus, et plusieurs se joindront à eux par hypocrisie. »

Dans Apocalypse 12, où l’on parle de cette même persécution papale, nous lisons que la terre aida la femme en ouvrant sa bouche et en engloutissant le fleuve que le dragon avait lancé derrière elle. La Réforme protestante dirigée par Martin Luther et ses collaborateurs procura l’aide prédite ici. Les états allemands épousèrent la cause protestante, protégèrent les Réformateurs et réfrénèrent les persécutions que l’église papale accomplissait. Mais quand les Protestants reçurent cette aide et que leur cause devint populaire, beaucoup se joignirent à eux par hypocrisie, c’est-à-dire qu’ils embrassèrent leur foi pour des motifs indignes.

35 : « Quelques-uns des hommes sages succomberont, afin qu’ils soient épurés, purifiés et blanchis, jusqu’au temps de la fin, car elle n’arrivera qu’au temps marqué. »

Bien que freiné, l’esprit persécuteur ne fut pas détruit. Il surgissait à chaque opportunité. Ceci arriva surtout en Angleterre. La condition religieuse de ce royaume fluctuait ; parfois les Protestants dominaient, et parfois le pays tombait sous la juridiction papale, en accord avec la religion du monarque régnant. La « sanglante reine Marie »fut l’ennemi mortelle de la cause protestante, et des multitudes tombèrent victimes de ses persécutions implacables. Cette situation devait durer plus ou moins jusqu’au «temps marqué », ou jusqu’à « la fin », selon d’autres traductions. La conclusion naturelle que l’on peut en tirer est que quand le temps de la fin arrivera, ce pouvoir que l’Eglise de Rome posséda pour châtier les hérétiques, et qui a occasionné tant de persécutions, et qui a été freinée pendant un temps, lui sera complètement retiré. Il semblerait aussi évident que cette suppression de la suprématie papale signalerait le commencement de la période appelée ici « temps de la fin ». Si cette application est correcte, le temps de la fin commença en 1798 ; parce qu’alors, comme on l’a déjà noté, le pape fut renversé par les Français, et depuis lors, il n’a pas pu exercer tout le pouvoir qu’il avait auparavant. Il est évident qu’il est fait ici allusion à l’oppression de l’Eglise par le pape, parce que c’est l’unique passage, exception faite peut-être d’Apocalypse 2 :10, en relation avec un « temps déterminé », ou période prophétique.

36 : « Le roi fera ce qu’il voudra ; il s’élèvera, il se glorifiera au-dessus de tous les dieux, et il dira des choses incroyables contre le Dieu des dieux ; il prospérera jusqu’à ce que la colère soit consommée, car ce qui est arrêté s’accomplira. »

Le roi dont il est question ici ne peut pas représenter la même puissance que nous avons étudiée, à savoir, la papale ; parce que les caractéristiques ne correspondent ni ne s’appliquent à cette puissance.

Nous avons, par exemple, la déclaration du verset suivant : « il n’aura égard à aucun dieu ». Ceci n’a jamais été attribué à la papauté. Ce système religieux n’a jamais laissé de côté ou rejeté Dieu ou Christ, bien qu’elle en donnât souvent une fausse image.

Trois caractéristiques doivent être remarquées dans la puissance qui accomplit cette prophétie : elle doit assumer le caractère décrit ici, au commencement du temps de la fin, lequel nous amène au verset précédent. Ce doit être une puissance obstinée et athée. Peut-être devrions-nous unir ces deux dernières caractéristiques en disant qu’elle sera obstinée dans l’athéisme.

Une révolution qui répond exactement à cette description se produisit en France au temps indiqué par la prophétie. Les athées jetèrent les semences qui donnèrent leurs fruits logiques et néfastes. Voltaire avait dit, dans sa pompeuse bien qu’impuissante propre suffisance : « Je suis fatigué d’entendre répéter que douze hommes fondèrent la religion chrétienne. Je démontrerai qu’un seul homme suffit à la détruire. »En s’associant à des hommes comme Rousseau, d’Alembert, Diderot et d’autres, il entreprit la réalisation de sa menace. Ils semèrent du vent, et récoltèrent la tempête. De plus, l’Eglise catholique romaine était notoirement corrompue à cette époque, et le peuple souhaitait rompre le joug de l’oppression ecclésiastique. Leurs efforts culminèrent sous le « règne de la terreur » en 1793, pendant lequel la France méprisa la Bible et nia l’existence de Dieu.

Un historien moderne décrit ainsi ce grand changement religieux :

« Certains membres de la Convention avaient été les premiers à tenter de remplacer, dans les provinces, le culte chrétien par une cérémonie civique, à l’automne 1793. A Abbeville, Dumont, ayant déclaré à la populace que les prêtres étaient des ‘Arlequins et des clowns en habit noir, qui montraient des marionnettes,’ il établit le culte de la Raison et, avec un manque de cohérence hors du commun, il organisa un ‘spectacle de marionnettes’ selon sa propre description, avec des danses dans la cathédrale à chaque décade, et des fêtes civiques sur l’observance de laquelle il insistait beaucoup. Fouché fut le second fonctionnaire à abolir le culte chrétien. En parlant depuis le pupitre de la cathédrale de Nevers, il effaça officiellement tout ce qui est spirituel du programme républicain, promulgua le fameux ordre qui déclarait ‘la mort, sommeil éternel’, et il « ferma » ainsi le ciel et l’enfer…Dans son discours de félicitations à l’ex-évêque, le président déclara que comme l’Etre Suprême ne désirait pas d’autre culte que celui de la Raison, celui-ci constituerait dans le futur la religion nationale.’ »

Mais il y a d’autres caractéristiques encore plus surprenantes qui furent accomplies par la France.

37 : « Il n’aura égard ni aux dieux de ses pères, ni à la divinité qui fait les délices des femmes ; il n’aura égard à aucun dieu, car il se glorifiera au-dessus de tous. »

La parole hébraïque traduite par femme est aussi rendue par épouse ; et Thomas Newton observe que ce passage serait mieux interprété si on disait « le désir des épouses ». Ceci paraîtrait indiquer que ce gouvernement, en même temps, tout en déclarant l’inexistence de Dieu, piétinerait la loi que Dieu donna pour régir l’institution matrimoniale. Et nous découvrons que l’historien, peut-être inconsciemment, et ceci est d’autant plus significatif, associa l’athéisme et l’esprit licencieux de ce gouvernement dans le même ordre qu’il se présente dans la prophétie. Il dit :

« La famille avait été détruite. Sous l’ancien régime, elle avait été le fondement même de la société… Le décret du 20 septembre 1792, qui établissait le divorce et qui fut mené plus loin par la Convention en 1794, donna avant quatre ans des fruits que la Législation même n’avait pas rêvé : un divorce pouvait être prononcé immédiatement pour la raison d’incompatibilité de caractère, de façon qu’il entrerait en vigueur au plus tard dans un an, si un des conjoints refusait de se séparer de l’autre avant la fin de cette période.

« Il y a eut une avalanche de divorces : fin 1793, soit quinze mois après la promulgation du décret, on avait accordé 5 994 divorces à Paris… Sous le Directoire, nous voyons les femmes passer de mains en mains par un processus légal. Quel était le sort des enfants qui naissaient de telles unions successives ? Quelques parents s’en débarrassaient : le nombre des enfants trouvés dans Paris durant l’an V s’éleva à 4 000, et à 44 000 dans les autres départements. Quand les parents gardaient leurs enfants, le résultat était une confusion tragi-comique. Un homme se maria avec plusieurs soeurs, l’une après l’autre ; un citoyen demanda aux Cinq Cents un permis pour se marier avec la mère des deux épouses qu’il avait déjà eues… La famille se dissolvait. » 

« Il n’aura égard à aucun dieu ». En plus du témoignage déjà présenté pour démontrer combien l’athéisme qui régnait alors était total, lisez ce qui suit :

« L’évêque constitutionnel de Paris fut poussé à interpréter le rôle principal de la farce la plus impudente et scandaleuse qui n’ait jamais été jouée devant une représentation nationale.… Il fut amené, en pleine procession, à déclarer à la Convention que la religion que lui-même avait enseignée pendant tant d’années, était un sacerdoce qui n’avait aucun fondement dans l’histoire ni aucune vérité historique. Il nia, en termes solennels et explicites l’existence de la Divinité au culte de laquelle il avait été consacré, et il se compromit à l’avenir à rendre hommage à la liberté, à l’égalité, à la vertu et à la moralité. Ensuite il déposa sur la table ses ornements épiscopaux, et il reçut le baiser fraternel du président de la Convention. Plusieurs prêtres apostats suivirent l’exemple de ce prélat. »

« Hébert, Chaumette et leurs associés se présentèrent à la tribune, et déclarèrent que ‘Dieu n’existe pas’.

On dit que la crainte de Dieu était si loin d’être le principe de la sagesse qu’elle était une folie. Tout culte fut interdit sauf celui de la liberté et de la patrie. L’or et l’argent qu’il y avait dans les églises furent confisqués et profanés. Les églises furent fermées. Les cloches furent brisées et fondues pour en faire des canons. On brûla publiquement la Bible. Les vases sacrés furent promenés par les rues sur un âne, en signe de mépris. Un cycle de dix jours fut établi à la place de la semaine, et on inscrivit en lettres détachées sur les sépultures que la mort était un sommeil éternel. Mais le blasphème le plus grand, si ces orgies infernales admettent une classification, allait être la représentation du comique Monvel, qui, en tant que prêtre de l’Illuminisme, dit : « Dieu ! Si tu existes, … venge ton nom injurié. Je te défie. Tais-toi ; n’essaie pas de lancer ta foudre ; qui, après ça, croira à ton existence ? »

Tel est l’homme quand il est abandonné à lui-même, et telle est l’incrédulité quand elle se libère des restrictions de la loi, et exerce le pouvoir. Peut-on douter que ces scènes soient celles qui furent ce que l’Omniscient a prévues et inscrites dans la page sacrée quand Il indiqua qu’un royaume se glorifierait au-dessus de tous les dieux et les mépriserait ?

38 : « Toutefois il honorera le dieu des forteresses sur son piédestal ; à ce dieu, que ne connaissaient pas ses pères, il rendra des hommages avec de l’or et de l’argent, avec des pierres précieuses et des objets de prix. »

Nous trouvons une contradiction apparente dans ce verset. Comment une nation peut-elle mépriser tous les dieux, et cependant, honorer le « dieu des forteresses » ? Elle ne peut pas assumer les deux attitudes à la fois ; mais elle pourrait pendant un certain temps mépriser tous les dieux, et ensuite introduire un autre culte et adorer le dieu de la force. Y eut-il un tel changement en France, à cette époque ? Bien sûr. La tentative de faire de la France une nation sans dieu produisit une telle anarchie que les gouverneurs craignirent que le pouvoir leur échappât complètement, et ils sentirent qu’il était politiquement nécessaire d’introduire un culte. Mais ils ne voulurent pas commencer un mouvement qui augmentât la dévotion, ni développât un caractère vraiment spirituel parmi le peuple, mais seulement trouver un moyen qui pourrait les aider à se maintenir au pouvoir et qui leur donnerait le contrôle des forces de la nation. Quelques extraits de l’histoire le démontreront. La liberté et la patrie furent au début offertes comme objets d’adorations. La « liberté, égalité, vertu et moralité », précisément l’opposé de ce qu’ils possédaient en réalité ou manifestaient dans la pratique, furent les mots qu’ils employèrent ensuite pour décrire la divinité de la nation. En 1793 on introduisit le culte de la déesse Raison, et l’historien écrit :

« Une des cérémonies de cette époque insensée se détache sans égale par l’absurdité combinée à l’impiété. Les portes de la Convention s’ouvrirent devant un groupe de musiciens, derrière lequel le Corps Municipal entra en procession solennelle, en chantant un hymne de louange à la liberté et escortant, comme objet de leur culte futur, une femme voilée, qu’il appelaient la déesse de la Raison. Une fois introduite sur l’estrade, on lui ôta le voile en grande pompe, et on la plaça à la droite du président ; on vit alors qu’il s’agissait d’une danseuse de l’Opéra, dont les charmes étaient connus de la majorité des personnes présentes pour ses rôles sur la scène…. La Convention Nationale lui rendit un hommage public, en tant que représentante la plus conforme de cette Raison qu’elle adorait. Cette farce impie et ridicule eut un certain succès ; et l’installation de la déesse de la Raison se renouvela et fut imitée partout dans la nation où les habitants désiraient se montrer à la hauteur de la révolution. »

L’historien français moderne, Louis Madelin, écrit :

L’Assemblée, s’étant excusée de ne pas pouvoir rester, à cause de tout le travail qu’elle avait, une procession (de gens de toutes sortes) accompagna la déesse aux Tuileries, et obligea les députés à décréter en sa présence la transformation de Notre-Dame en Temple de la Raison. Et comme si cela ne suffisait pas, une autre déesse de la Raison, l’épouse de Momoro, membre de la Convention, fut installée à Saint-Sulpice la décade suivante. En peu de temps, ces Libertés et ces Raisons pullulèrent dans toute la France. Très souvent, elles étaient des femmes licencieuses, avec ici et là une déesse de bonne famille et de conduite décente. S’il est vrai que le front de quelques-unes de ces Libertés se ceignirent d’un ruban qui portait cette inscription : ‘Ne me convertissez pas en Licence’, nous pouvons dire que cette inscription était difficilement superflue dans n’importe quelle partie de la France, parce que généralement, les saturnales les plus répugnantes y régnaient. On dit qu’à Lyon, on donna à boire à un âne dans un calice… Payan pleura sur ‘ces déesses, plus dégradées que celles de la fable ».

Tandis que le culte grotesque de la Raison paraissait rendre la nation folle, les dirigeants de la révolution passèrent à l’histoire comme « athées ». Mais on ne tarda pas à s’apercevoir que pour freiner le peuple on avait besoin d’une religion, avec des sanctions plus puissantes, que l’actuelle alors à la mode. Aussi, une forme de culte apparut, dans lequel « l’Etre Suprême » était objet d’adoration ; culte également inutile quant à apporter une réforme de la vie et une piété vitale, mais il s’appuyait sur le surnaturel. Et bien que la déesse de la Raison fut en vérité un « dieu étranger », la déclaration relative au « dieu des forteresses » peut se référer cette fois plus adéquatement à cette dernière phrase :

39 :  « et il agira dans les lieux forts des forteresses, avec un dieu étranger : à qui le reconnaîtra il multipliera la gloire ; il les fera dominer sur la multitude et [leur] partagera le pays en récompense. » [Version Darby, 1970].

Le système du paganisme qui avait été introduit en France, illustré par l’adoration de la déesse de la Raison et régi par un rituel athée décrété par l’Assemblée Nationale à l’usage du peuple français, fut en vigueur jusqu’à la nomination de Napoléon par le Consulat de France en 1799. Les adhérents à cette religion étrange occupaient les lieux fortifiés, les bastions de la nation, comme l’exprime ce verset.

Mais ce qui permet d’identifier l’application de cette prophétie à la France, encore plus que n’importe quel détail, c’est la déclaration faite dans la dernière partie du verset, à savoir que par intérêt, il « partagera le pays ». Avant la révolution, les terres de France appartenaient à l’église catholique et à quelques seigneurs de la noblesse. C’étaient de grandes propriétés qui selon la loi ne pouvaient pas être morcelées ni par les héritiers ni par les créanciers. Mais les révolutions ne connaissent pas la loi, et durant l’anarchie qui régna, comme on le verra dans Apocalypse 11, les titres de noblesse furent abolis et les terres furent vendues en petites parcelles au bénéfice du Trésor Public. Le gouvernement avait besoin de fonds, et ces grandes propriétés furent confisquées et vendues aux enchères, en parcelles divisées aux convenances des acheteurs. L’historien décrit comme suit cette transaction unique :

« La confiscation des deux tiers des terres du royaume, ordonnée par les décrets de la Convention contre les émigrants, le clergé et les personnes déclarées coupables par les tribunaux révolutionnaires… mit à la disposition du gouvernement des fonds supérieurs à 700 000 000 de livres sterling. »

Quand, et dans quel pays se produisit un tel événement en accord avec la prophétie ?

Quand la nation commença à revenir à elle, on exigea une religion plus rationnelle, et on abolit le rituel païen. L’historien décrit cet événement de la façon suivante :

« Une troisième mesure, plus audacieuse, fut l’abandon du rituel païen et la réouverture des églises pour le culte chrétien. Ceci fut totalement dû à Napoléon, qui dut s’opposer aux préjugés philosophiques de presque tous ses collègues. Dans ses conversations avec eux, il ne tenta pas de se présenter comme un croyant du christianisme, mais il se basa uniquement sur le fait qu’il était nécessaire de donner au peuple des moyens réguliers de culte partout où l’on voulait un état de tranquillité. Les prêtres qui acceptèrent de prêter serment de fidélité au gouvernement furent réadmis dans leurs fonctions ; et cette mesure sage fut suivie par l’adhésion, pour le moins, de 20 000 de ces ministres de la religion qui jusqu’alors languissaient dans les prisons de France. »

Ainsi s’acheva le règne de la terreur et la Révolution française. De ses ruines surgit Bonaparte, pour guider le tumulte vers sa propre élévation, pour se placer à la tête du gouvernement de la France et remplir de terreur le coeur des nations.

40 : « Au temps de la fin, le roi du midi se heurtera contre lui. Et le roi du septentrion fondra sur lui comme une tempête, avec des chars et des cavaliers, et avec de nombreux navires ; il s’avancera dans les terres, se répandra comme un torrent et débordera. »

Après un long intervalle, le roi du Sud et le roi du Nord réapparaissent. Jusqu’ici nous n’avons rien trouvé qui nous indique que nous devons chercher d’autres territoires pour ces deux puissances qui ne soient pas ceux qui peu avant la mort d’Alexandre constituèrent respectivement les divisions méridionale et septentrionale de son empire. Le roi du Sud était toujours l’Egypte, et le roi du Nord était la Syrie, mais il incluait aussi la Thrace et l’Asie mineure. L’Egypte continua à régir le territoire désigné comme appartenant au roi du Sud, et la Turquie pendant plus de quatre cents ans gouverna le territoire constitué, au début, par le domaine du roi du Nord.

Cette application de la prophétie évoque un conflit entre l’Egypte et la France, et entre la Turquie et la France, en 1798, soit l’année qui signale, comme nous l’avons déjà vu, le commencement du temps de la fin. Si l’histoire atteste qu’une guerre triangulaire de ce caractère éclata, la justesse de l’application sera prouvée de façon concluante.

Demandons-nous donc : Est-il vrai que dans le temps de la fin, l’Egypte « se heurta » avec la France et lui opposa une résistance comparativement faible, tandis que la Turquie « fondit sur lui comme une tempête », c’est-à-dire contre l’envoyé de France ? Nous avons déjà présenté certaines preuves que le temps de la fin commença en 1798 ; et aucun lecteur de l’histoire n’a besoin d’être informé qu’un état d’hostilité ouverte entre la France et l’Egypte se développa cette année-là.

L’historien formera son opinion sur la part que jouèrent dans l’origine du conflit les rêves de gloire qu’hébergeait le cerveau délirant et ambitieux de Napoléon Bonaparte ; mais les Français, ou du moins Napoléon, conçurent de faire que l’Egypte fût l’agresseur. «  Dans une proclamation habilement rédigée, il [Napoléon] assura aux peuples d’Egypte qu’il était venu seulement pour châtier la caste gouvernante des Mamelouks, pour les dépravations qu’ils avaient fait souffrir à certains négociants français ; et loin de vouloir détruire la religion musulmane, il avait plus de respect pour Dieu, Mahomet et le Coran que les Mamelouks ; que les Français avaient détruit le pape et les Chevaliers de Malte qui faisaient la guerre aux musulmans ; donc, celui qui se placerait du côté des Français serait béni trois fois, et même ceux qui resteraient neutres seraient bénis, et ceux qui se battraient contre eux seraient trois fois malheureux. »

Le commencement de l’année 1798 trouva les Français élaborant de grands projets contre les Anglais. Le Directoire désirait que Bonaparte entreprenne de suite la traversée du canal et attaque l’Angleterre ; mais il voyait qu’aucune opération directe de cette classe ne pourrait pas être entreprise judicieusement avant l’automne, et il n’était pas disposé à risquer sa réputation naissante en passant l’été dans l’oisiveté. « Mais –dit l’historien, il voyait une terre lointaine, où il pourrait acquérir une gloire qui lui donnerait un nouvel attrait aux yeux de ses compatriotes par l’air romantique et mystérieux qui enveloppait le décor. L’Egypte, terre des Pharaons et des Ptolémées, serait un noble champ pour obtenir de nouveaux triomphes. »

Tandis que Napoléon contemplait des horizons encore plus vastes que les pays historiques de l’Orient, qui n’englobent pas seulement l’Egypte, mais aussi la Syrie, la Perse, l’Hindoustan et même jusqu’au Ganges, il n’eut pas de difficultés à convaincre le Directoire que l’Egypte était le point vulnérable où il pouvait blesser l’Angleterre, en interceptant son commerce oriental. En conséquence, sous le prétexte mentionné plus haut, la campagne d’Egypte fut entreprise.

La chute de la papauté, qui signalait la fin des 1260 ans et marquait, selon le verset 35, le commencement du temps de la fin, arriva en février 1798, quand Rome tomba aux mains du général Berthier. Le 5 Mars suivant, Bonaparte recevait le décret du Directoire relatif à l’expédition contre l’Egypte. Il sortit de Paris le 3 Mai, et il prit la mer à Toulon le 19, avec quatorze frégates (quelques-unes non armées), un grand nombre de bateaux de guerre plus petits, et environ 300 transporteurs. A bord, il y avait plus de 35 000 soldats, avec 1230 chevaux. Si nous incluons l’équipage, la commission de savants envoyés pour explorer les merveilles d’Egypte et les assistants, le total des personnes étaient de 50 000 ; et on l’a même fait monter jusqu’à 54 000. »

Le 2 Juillet il prit Alexandrie et la fortifia immédiatement. Le 21, la bataille décisive des Pyramides eut lieu, et les Mamelouks défendirent le terrain avec courage et désespoir, mais ils ne purent pas être à la hauteur des légions disciplinées des Français. Murad Bey perdit tous ses canons, 400 chameaux et 3000 hommes. Les pertes des Français furent comparativement peu nombreuses. Le 25, Bonaparte entra au Caire, capital de l’Egypte, et il attendit seulement la baisse des inondations du Nil pour poursuivre Murad Bey jusqu’en Haute Egypte où il s’était retiré avec sa cavalerie dispersée ; et il conquit ainsi tout le pays. En fait, le roi du Sud ne put offrir qu’une faible résistance.

Mais la situation de Napoléon commença à devenir précaire. La flotte française, qui était son unique moyen de communication avec la France, fut détruite par les Anglais commandés par Nelson, à Aboukir. Le 11 Septembre 1798, le sultan de Turquie, animé par une jalousie contre la France ingénieusement encouragée par les ambassadeurs anglais à Constantinople et exaspérée parce que l’Egypte, qui avait été pendant longtemps semi-dépendante de l’empire ottoman, se transformait en une province française, déclara la guerre à la France. Ainsi, le roi du Nord (la Turquie) « fondit sur lui » (la France) dans la même année que le roi du Sud (l’Egypte) « se heurta contre lui », « au temps de la fin ». C’est une autre preuve concluante que l’an 1798 est le début de cette période, et tout démontre que l’application donnée ici à la prophétie est correcte. Il semble impossible que tant d’événements, ayant les caractéristiques de la prophétie au même moment, et avec tant de précision, ne constituent pas l’accomplissement de la prophétie.

L’arrivée du roi du Nord, ou de la Turquie, fut « comme une tempête » en comparaison avec la manière dont se défendit l’Egypte. Napoléon avait écrasé les armées égyptiennes, et il se proposait de faire la même chose avec celles du sultan qui menaçaient de l’attaquer depuis l’Asie. Il commença sa marche du Caire vers la Syrie le 27 février 1799, avec 18 000 hommes. Il prit d’abord le fort El-Arish dans le désert, ensuite Jaffa (la Joppé de la Bible), il vainquit les habitants de Naplouse à Zeta, et fut à nouveau victorieux à Jafet. Pendant ce temps, un corps de l’armée turque s’était retranché à Saint-Jean-d’Acre, tandis que des nuées de musulmans se réunissaient dans les montagnes de Samarie, prêts à tomber sur les Français quand ils assiégeraient Saint-Jean-d’Acre. Au même moment, Sir Sidney Smith apparut devant Saint-Jean-d’Acre avec deux bateaux anglais, il renforça la garnison turque et captura le dispositif de siège que Napoléon avait envoyé par mer depuis Alexandrie. Très vite, apparut à l’horizon, une flotte turque qui, avec les bateaux anglais et russes qui coopéraient avec elle, constitua les «nombreux navires » du roi du Nord.

Le siège commença le 18 Mars. Napoléon fut appelé deux fois à l’abandonner pour sauver quelques divisions françaises qui étaient sur le point de tomber entre les mains des hordes musulmanes qui inondaient le pays. Deux fois, on fit une brèche dans la muraille de la ville, mais les assaillants furent reçus avec une telle fureur par la garnison, qu’ils se virent obligés de renoncer à la lutte malgré tous leurs efforts. Après avoir tenu pendant soixante-dix jours, Napoléon leva le siège, fit sonner la retraite pour la première fois de sa carrière, et le 21 Mai 1799 commença à rebrousser chemin vers l’Egypte.

Il « se répandra comme un torrent et débordera ». Nous avons trouvé des événements qui accomplissent de façon surprenante la prédiction concernant le roi du Sud, et concernant aussi l’attaque foudroyante du roi du Nord contre la France. Jusqu’ici l’histoire concorde de façon générale avec la prophétie. Mais nous arrivons à un point où les opinions des commentateurs commencent à diverger. A qui s’applique l’expression : « se répandra comme un torrent et débordera » ? A la France ou au roi du Nord ? L’application du reste du chapitre dépend de la réponse que nous donnons à cette question. A partir d’ici, il y a deux interprétations. Quelques-uns appliquent cette expression à la France, et ils tentent de trouver son accomplissement dans la carrière de Napoléon. D’autres l’appliquent au roi du Nord, et voient son accomplissement dans les événements de l’histoire de la Turquie. Nous parlons seulement de ces deux positions, nous ne parlons pas de celle qui parle de la papauté car elle est hors de considération. Si aucune des deux interprétations n’est libre de difficultés, comme il est inévitable de l’admettre, l’unique chose à faire est de choisir celle qui a les plus grandes évidences en sa faveur. Et il nous semble qu’il y a en faveur de l’une d’elles des évidences si prépondérantes qu’elles excluent l’autre et ne laisse aucune place au plus petit doute.

Quant à l’application de cette portion de la prophétie à Napoléon, ou à la France sous sa direction, nous ne trouvons pas d’événements dont nous pouvons recommander avec le plus petit degré d’assurance l’accomplissement de la partie restante de ce chapitre. En conséquence, nous ne voyons pas comment on pourrait lui donner une telle application. Elle doit donc être accomplie par la Turquie, à moins que l’on puisse démontrer que l’expression « roi du Nord » ne s’applique pas à la Turquie, ou qu’il y ait, en plus de la France ou du roi du Nord, une autre puissance qui exécute cette partie de la prédiction. Mais si la Turquie, occupant actuel du territoire qui constituait la partie septentrionale de l’empire d’Alexandre, n’est pas le roi du Nord de cette prophétie, alors nous nous trouvons sans point de départ pour nous guider dans l’interprétation. Nous présumons que tous reconnaissent qu’il n’y a pas lieu d’introduire un autre pouvoir ici. La France et le roi du Nord sont les seuls auxquels la prédiction peut s’appliquer. L’accomplissement doit se trouver dans l’histoire de l’une ou l’autre de ces puissances.

Quelques remarques faciliteront certainement l’idée que la dernière partie du verset 40, l’objet principal de la prophétie, passe de la puissance française au roi du Nord. Ce dernier vient d’être introduit comme arrivant comme une tempête avec des chars, des chevaux et beaucoup de navires. Nous avons déjà pris note du choc qui se produisit entre cette puissance et la France. Avec l’aide de ses alliés, le roi du Nord gagna la bataille ; et les Français, échouèrent dans leurs efforts, et retournèrent en Egypte. Le plus naturel est d’appliquer l’expression il « se répandra comme un torrent et débordera » à la puissance qui sortit vainqueur de cette lutte, c’est-à-dire la Turquie.

41 : « Il entrera dans le plus beau des pays, et plusieurs succomberont ; mais Edom, Moab, et les principaux des enfants d’Ammon seront délivrés de sa main. »

Abandonnant une campagne dans laquelle un tiers de leur armée avait été victime de la guerre et de la peste, les Français se retirèrent de Saint-Jean-d’Acre, et après une marche pénible de vingt-six jours ils entrèrent à nouveau au Caire, en Egypte. Ils abandonnèrent ainsi toutes les conquêtes qu’ils avaient faites en Judée ; et « le plus beau des pays », c’est-à-dire la Palestine, avec toutes ses provinces, retombèrent sous le gouvernement oppressif des turcs. Edom, Moab et Ammon, qui étaient hors des limites de la Palestine, au Sud et à l’orient de la Mer Morte et du Jourdain, restèrent hors de la ligne de passage des Turcs de Syrie en Egypte, et ils échappèrent ainsi aux ravages de cette campagne. Au sujet de ce passage, Adam Clarke note : « Ceux-ci et d’autres arabes, n’ont jamais pu [les Turcs] les subjuguer. Ils occupaient toujours les déserts, et ils recevaient une pension annuelle de quarante mille couronnes d’or des empereurs ottomans pour qu’ils laissent passer librement les caravanes de pèlerins qui se dirigeaient à la Mecque. »

42 : « Il étendra sa main sur divers pays, et le pays d’Egypte n’échappera point. »

Quand les Français se retirèrent en Egypte, une flotte turque débarqua 10 000 hommes à Aboukir. Napoléon attaqua immédiatement le site, vainquit complètement les Turcs et rétablit son autorité sur l’Egypte. Mais à ce moment de sévères problèmes dans les armées françaises en Europe, firent revenir Napoléon pour s’occuper des intérêts de son pays. Il laissa le commandement des troupes qui restaient en Egypte au général Kléber. Après une période d’activité infatigable en faveur de son armée, ce général fut assassiné au Caire par un Turc, et Abdallah Menou assuma le commandement ; mais toute perte était très grave pour une armée qui ne pouvait pas recevoir de renforts.

Pendant ce temps, le gouvernement Anglais, en tant qu’allié des Turcs, avait décidé d’enlever l’Egypte aux Français. Le 13 Mars 1801, une flotte anglaise débarqua des troupes à Aboukir. Les Français livrèrent la bataille le jour suivant, mais ils se virent obligés de se retirer. Le 18, Aboukir se rendit. Le 28, des renforts amenés par une flotte turque arrivèrent et le grand vizir s’approcha depuis la Syrie avec une grande armée. Le 19, Rosette se rendit aux forces combinées des Anglais et des Turcs. A Ramanieh, un corps de 4 000 Français fut mis en déroute par 8 000 Anglais et 6 000 Turcs. A Elmenayer, 5 000 Français se virent obligés de se retirer, le 16 Mai, parce que le vizir approchait du Caire avec 20 000 hommes. Toute l’armée française fut alors enfermée au Caire et à Alexandrie. Le Caire capitula le 27 Juin, et Alexandrie le 2 Septembre. Quatre semaines plus tard, le 1er Octobre, les préliminaires de la paix furent signés, à Londres.

« Le pays d’Egypte n’échappera point », disait la prophétie. Ce langage paraissait impliquer que l’Egypte allait rester soumise à une puissance de la domination de laquelle elle désirerait être libérée. La préférence des Egyptiens allait-elle aux Français ou aux Turcs ? Dans l’ouvrage de R. R. Madden sur les voyages en Turquie, en Egypte, en Nubie et en Palestine, il est dit que les Egyptiens considéraient les Français comme leurs bienfaiteurs ; que durant la courte période qu’ils passèrent en Egypte, ils laissèrent des traces d’amélioration ; et que, s’ils avaient pu établir leur domination, l’Egypte serait aujourd’hui un pays relativement civilisé. Etant donné ce témoignage, il est clair que le langage des Ecritures ne s’applique pas à la France, car les Egyptiens ne désiraient pas échapper de leurs mains ; bien qu’ils désiraient fuir des mains des Turcs, ils ne le purent pas.

43 : « Il se rendra maître des trésors d’or et d’argent, et de toutes les choses précieuses de l’Egypte ; les Libyens et les Ethiopiens seront à sa suite. »

Comme illustration de ce verset, citons une déclaration de l’historien au sujet de Méhémet Alí, le gouverneur turc d’Egypte qui assuma le pouvoir après la défaite des Français :

« Le nouveau Pacha se consacra à fortifier sa position afin de s’assurer définitivement le gouvernement d’Egypte pour lui et sa famille. D’abord, il vit qu’il devait exiger un large revenu de ses sujets, afin d’envoyer de telles quantités de contributions à Constantinople qu’elles apaiseraient le sultan et le convaincraient qu’il était dans son intérêt de soutenir le pouvoir du gouverneur d’Egypte. Agissant en accord avec ces principes, il employa de nombreuses méthodes injustes pour entrer en possession de grandes propriétés ; il nia la légitimité de beaucoup de successions ; il brûla des titres de propriété et confisqua des fonds ; enfin, il défia les droits universellement reconnus des propriétaires. A la suite de quoi, de nombreuses émeutes éclatèrent, mais Méhémet Ali y était préparé, et par sa terrible fermeté il créa l’apparence que la seule présentation des droits était une agression de la part des Cheikhs. Il augmenta constamment les impôts, et il donna la charge de les collecter aux militaires ; par ces méthodes il appauvrit les paysans à l’extrême. »

44 : « Des nouvelles de l’orient et du septentrion viendront l’effrayer, et il partira avec une grande fureur pour détruire et exterminer des multitudes. »

Au sujet de ce verset, Adam Clarke a écrit une note qui mérite d’être citée : « On reconnaît en général que cette partie de la prophétie ne s’est toujours pas accomplie ». Cette note fut imprimée en 1825. Dans une autre partie de son commentaire il dit : Si on doit comprendre que, comme dans les versets antérieurs, il s’agit de la Turquie, cela peut vouloir dire que les Perses à l’est, et les Russes au Nord, mettront à ce moment-là le gouvernement ottoman dans une situation très embarrassante. »

Entre cette conjecture d’Adam Clarke, écrite en 1825, et la guerre de Crimée entre 1853 et 1856, il y a une coïncidence surprenante, dans la mesure où les puissances qu’il mentionne, les Perses à l’Est et les Russes au Nord, furent à l’origine du conflit. Les nouvelles qui arrivèrent de ces puissances perturbèrent la Turquie. Leur attitude et leurs mouvements incitèrent le sultan à la colère et à la vengeance. La Russie fut l’objet de l’attaque, étant la puissance la plus agressive. La Turquie déclara la guerre à son puissant voisin en 1853. Le monde vit avec étonnement comment un gouvernement se jetait précipitamment dans le conflit, gouvernement qui s’appelait depuis longtemps « le malade de l’Orient », et dont les armées étaient démoralisées, dont la trésorerie était vide, les dirigeants étaient vils et imbéciles, et dont les sujets étaient rebelles et menaçaient de se séparer. La prophétie disait qu’il sortirait « avec une grande fureur pour détruire et exterminer des multitudes ». Quand les Turcs entrèrent en guerre, un certain écrivain américain écrivit dans un langage profane en disant qu’ils « se battaient comme des démons ». Il est certain que la France et l’Angleterre accoururent pour aider la Turquie ; mais celle-ci entra dans la guerre de la manière décrite et obtint une victoire importante avant de recevoir l’aide des deux puissances nommées.

45 : « Il dressera les tentes de son palais entre les mers, vers la glorieuse et sainte montagne. Puis il arrivera à la fin, sans que personne lui soit en aide. »

Nous avons suivit la prophétie de Daniel 11 pas à pas jusqu’à son dernier verset. A voir comment les prophéties divines trouvèrent leur accomplissement dans l’histoire, notre foi est fortifiée par la réalisation finale de la parole prophétique de Dieu.

La prophétie du verset 45 se réfère à la puissance appelée roi du Nord. C’est la puissance qui domine le territoire possédé à l’origine par le roi du Nord. (Voir les pages 99 et 100).

Il est prédit que le roi du Nord « arrivera à la fin, sans que personne ne lui soit en aide ». Exactement comment, quand et où arrivera sa fin, c’est quelque chose que nous pouvons observer avec un solennel intérêt, sachant que la main de la Providence dirige le destin des nations.

Très vite, le temps résoudra ce problème. Quand cet événement se produira, quelle sera la suite ? Des événements d’un intérêt des plus importants pour tous les habitants du monde, comme le démontre immédiatement le chapitre suivant

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