Malheureusement, la psychanalyse dont il est question ici se transforme en un exposé sur la spiritualité européenne et une mise en opposition avec le type de discours du zen. Plus on avance dans l'ouvrage, plus ce travail se transforme en un exposé comparatif entre les concepts du zen et le christianisme et sa composante catholique.

Que le christianisme et le catholicisme aient marqué durablement l'inconscient des européens est une réalité. Que les psychanalystes ont du affronter au cours de leurs séances avec leurs patients, qui à un titre ou à un autre n'ont pas pu ou n'ont pas su établir une rupture nette et franche d'avec des influences qui ont engendré des problèmes plus ou moins pathologiques est une autre réalité. Cela doit-il être le sujet d'un ouvrage qui porte ce titre ?

Il faut souligner ici avec force que cette ascendance du christianisme tend à décliner et s'affaiblir, puisque ce contenu idéologique rencontre de moins en moins d'adeptes, sans compter tous ceux qui échappent à un endoctrinement obligatoire par la pression familiale et la culpabilisation des parents.

Je suis choqué que si le fait d'introduire au bouddhisme Zen conduit à extirper les affirmations du christianisme et de les exposer sous cette seule perpective conduit à une quasi-étude comparative, les auteurs n'aient pas l'honnêteté de présenter cet ouvrage comme " étude comparée du spirituel et de la psychanalyse en orient et en occident ", ou de préciser d'avantage le sujet réel de leur ouvrage.

Bien sûr, il s'agit des actes d'un colloque et les colloques orientent parfois d'une manière inattendue les discussions, mais il me semble curieux de ne pas exposer le contenu d'un ouvrage quand son titre est aussi éloigné du sujet traité.

J'ai toujours constaté que le bouddhisme zen, ou plutôt les textes traduits qui servent d'illustration à ces ouvrages avaient toujours permis ce type de comparaison. Même les ouvrages de Suzuki, censés être des références sur le bouddhisme zen contiennent ces pistes. Les bouddhistes zen (et en particulier en occident) aiment à se définir comme, à la limite, " non bouddhistes ", et prétendent se placer dans l'essence du spirituel. C'est sans doute aussi la raison pour laquelle beaucoup de non bouddhistes investissent cette forme de bouddhisme, évidemment avec une visée fondamentalement différente de celle du bouddhisme et fondamentalement non bouddhistes, avant de retourner à ce qu'ils pensent être leur véritables aspirations … ceux là sont-ils alors fondés à écrire sur le bouddhisme, franchement je ne le pense pas.

Le contenu Zen est si réduit qu'il permet à n'importe quelle religion de réinvestir son contenu. Cette déviance me choque. Il n'est pas vrai de dire que le bouddhisme Zen pourrait ne pas être bouddhiste. L'apparition de Zen a bien pour origine le bouddhisme et en particulier le bouddhisme mahâyâna qui s'est développé au nord de l'Inde à partir de théorie spéculative et universaliste (c'est d'ailleurs leur point de rupture avec le theravâda). Cette forme de bouddhisme s'est ensuite surtout développée en Chine et s'est inspirée du Taoïsme . C'est cette rencontre avec le taoïsme chinois qui donna progressivement naissance au bouddhisme zen. Ensuite cette forme a été développée aussi en Chine, qu'en Corée ou au Japon.

A mon avis, la connaissance du bouddhisme zen est encombrée par ces comparaisons qui ont une raison d'être dans cette étude qui ne porte pas le bon titre. Pour connaître le bouddhisme zen cet ouvrage n'est donc pas le meilleur. Le bouddhisme zen est régulièrement détourné par des auteurs qui poursuivent leur propres historie au travers de leurs écrits, mais qui me semble-t-il ne rendent pas bien compte de ce qu'est le bouddhisme zen.