La conscience est-elle éternelle ?J'ai lu un recueil d'entretiens avec le Dalai-Lama. Celui- ci dit que la conscience est certes impermanente et en constant changement, mais il dit aussi que la conscience est éternelle, sans début et sans fin. Y aurait-il plusieurs conceptions dans le bouddhisme ?
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Réponse :J'ai déjà dit dans une précédente question relative à une déclaration du Dalaï Lama (Cf. question n°62), combien je trouvai dommage, voire parfois préjudiciable, que cette personnalité éminente soit sollicitée sur tous les sujets et que le contexte des questions qui lui sont posées, de même que des réponses qu'il y apportait, soit rarement reporté. En outre, il apparaît que ses déclarations sont souvent extrêment décevantes ou tellement réductrices. Je souhaiterai qu'au minimum on ne les prenne pas pour argent comptant. Il se trouve, aussi, que pour de nombreuses raisons, je ne suis pas un adepte des bouddhismes tibétains. Je reconnais toutefois la très grande qualité de ses savoirs, mais je ne sais pas dire qui en est le meilleur porte parole aujourd'hui. En l'occurrence, je ne me suis pas procuré le texte original en question et ne puis qu'émettre des réserves sur la façon dont ses paroles nous parviennent aujourd'hui.Texte complet de la questionVous me dite après coup que cette déclaration serait faite dans un ouvrage intitulé " Cinq entretiens avec le Dalai-Lama " aux éditions Marabout. Je n'ai pas lu ce livre et le temps m'a manqué pour me le procurer et lire le passage incriminé. Pouvons-nous imaginer qu'une traduction inappropriée ait pu altérer la réalité d'une réponse faite le Dalai Lama qui généralement s'exprime en tibétain ? Vous me dites que " le Dalai Lama affirme que la conscience est impermanente mais éternelle, sans ajouter d'argument ".
Je prends acte de cette affirmation, et je tenterai de résoudre cette question dans de futures investigations. Quoi qu'il en soit, je souhaitais simplement souligner que le bouddhisme n'est pas tenté par les entités éternelles, le bouddhisme n'est pas construit sur ce type de philosophie. Bien sur, je puis dire que je suis surpris car, la notion d'impermanence qui marque la conscience devrait aller de pair avec la notion de limitée, de finie de cette conscience qui est par nature même, un élément conditionné par ce à quoi elle s'applique.
Je dirai encore que le fait que la conscience soit éternelle, au delà du fait que je ne vois pas tellement ce que ça veut dire, je ne vois pas non plus à quoi cela peut bien servir, notamment dans la visée bouddhiste qui consiste à se libérer du cycle incessant des renaissances.
Avons-nous une difficulté pour comprendre cette notion éternelle qui est introduite ici ? Pour ma part je veux bien le reconnaître. Il n'y a pas par exemple de conscience de rien et pour rien. Dans cette notion éternelle veut-on dire qu'en tant que phénomène, la conscience à une capacité d'advenir d'une manière naturelle et spontanée ce qui lui procure ce caractère "absolu" ?. Peut-être, mais on ne connaît pas de conscience en dehors du sujet qui la perçoit et la conscience à priori ne se perçoit pas elle-même toute seule en dehors de toute stimulation, donc tout cela rentre dans une chaîne de conditions.
Un seul facteur de duré est introduit par le bouddhisme, qui considère que sous l'effet de la dynamique égocentrique, la force de la volonté d'exister, la récurrence de l'envie et des désirs divers, permettent à des composés psychiques de passer d'une vie pour continuer à s'exercer dans une autre vie.
En aucun cas, aucune chose ne va réintégrer aucun "tout" d'aucune sorte. Ce sont les Hindous qui pensent cela, par exemple avec la notion d'atman. Ou bien ce sont les taosites chinois qui voient la résorbtion de toute identité, de toute individualité dans un tout global. Les bouddhistes postulent l'anatman (anatta en pâli) qui est le contraire, à savoir l'absence d'entité supérieure et totalisatrice, quel que soit le nom qu'on lui donne.
A ce titre, les bouddhistes ne croient pas plus à la théorie éternaliste, qui verrai dans les phénomènes l'expression qu'une entité éternelle, infinie, immortelle, qu'à l'expression inverse qu'est le nihilisme.
Pour le bouddhisme toute chose est anicca, dukkha et anatta, c'est-à-dire impermanent (éphémère, précaire, fragile, limité ...), conditionné (imparfait, inachevé, insatisfaisant, frustrant, douloureux, manquant, carrant, vacant, absent, ....) et sans soi propre.
De quoi est-il question au delà de la problématique de la conscience ? Ce qui est en question, à mon avis, c'est, une fois de plus, la mise en avant d'un concept supérieur, en contrepoint avec le courant même de la doctrine bouddhique et qui paraît justement devoir échapper à tout contrôle, puisque la conscience serait alors, dit-on, " illimitée ".
Que propose donc fondamentalement le bouddhisme ? C'est justement de lutter contre ce mouvement infini, impossible à stopper, impossible à contenir, cette roue du samsara, cet " éternel retour du même ", cette incessante répétition des mêmes effets derrière les mêmes causes.
Le bouddhisme propose justement de sortir de cette dynamique et d'en stopper totalement et complètement le mécanisme. La flamme étant éteinte, il n'y a donc plus rien à consumer.
Certains, estiment donc qui si la conscience était sans limite, la conscience du bouddha historique serait quelque part. Or jamais dans le bouddhisme, vous ne trouverez aucun texte ou aucune affirmation de ce type. L'extinction étant totale et complète, il n'y a pas, nulle part, la conscience du bouddha historique.
Cette notion de conscience est, me semble-t-il, l'un des points de la doctrine qui fait l'objet du plus d'interprétations diverses au cours de l'histoire et au cours de la période présente. Je suis personnellement assez surpris du poids considérable que semble vouloir donner le bouddhisme zen à la conscience. Mais, mes connaissances dans cette forme de bouddhisme ne me permettent pas de dire si cette importance est une des étapes de la méthode zen et si elle s'atténue par la suite de l'enseignement.
Pour moi la conscience est limitée même si, selon la littérature bouddhiste, elle n'est pas limitée à une seule vie. Si elle n'était pas limitée comment serait il possible d'atteindre le nirvana, l'extinction complète ?
Tout être vivant, pour le bouddhisme, est une composition en permanent changement des cinq agrégats. Après l'agrégat de la matière, l'agrégat des sensations, l'agrégat des perceptions, l'agrégat des formations mentales, il y a l'agrégat de la conscience. Comme je l'ai déjà évoqué, il n'y a pas de conscience pour la conscience, ou de conscience pour rien, il y a la conscience de quelque chose, parce que la conscience, " c'est la conscience de l'il, la conscience de l'oreille, la conscience du nez, la conscience de la langue, la conscience du contact kinesthésique et la conscience de l'organe mental ".
Pour le bouddhisme, d'une manière générale la question de la conscience s'arrête là. Que certains courants ressentent la nécessité de développer la notion de conscience et lui découvrir des attributs de nature spéculative, semble renvoyer aux spécificités de chaque courant.
Vous pouvez également consulter une réponse assez complète faite au sujet de la nature de la conscience et des six sortes de conscience (Cf. question n°42).
J'espère avoir répondu à votre question.
J'ai lu votre présentation sur les cinq agrégats. Vous dites que la conscience est impermanente et a une fin. J'ai lu un recueil d'entretiens avec le Dalai-Lama. Celui- ci dit que la conscience est certes impermanente et en constant changement, mais il dit aussi que la conscience est éternelle, sans début et sans fin. Y aurait-il plusieurs conceptions dans le bouddhisme ? Que dit le Bouddha historique ? Un argument irait dans votre sens. Les découvertes scientifiques semblent montrer que la vie est née de la matière inerte, au cours d'un processus de plusieurs milliards d'années. Donc la conscience aurait également son origine dans la matière. Si ce processus était totalement expliqué, alors la mort physique est aussi la fin de la conscience et de l'esprit : après la mort, c'est le néant... Que répond la philosophie bouddhiste ?
En fait, j'ai lu cela dans un livre " Cinq entretiens avec le Dalai-Lama " aux éditions Marabout. Il affirme que la conscience est impermanente mais éternelle, sans ajouter d'argument. Peut-être il a vu ses vies antérieures, peut-être c'est juste une croyance, comme il y en a qui croient en Dieu ou à d'autres choses.
Quant à l'expression "extinction totale", cela me fait penser au néant et non à un état d'éveil et de béatitude. Peut-être la philosophie bouddhiste comprend cette expression comme "réintégration/assimilation totale dans le Tout"..
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