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question 27




Les interdits dans le bouddhisme.

Depuis mon enfance on m'a toujours enseigné un certain nombre d'interdits du bouddhisme. A savoir :

1 - Ne pas tuer,
2 - Ne pas mentir,
3 - Ne pas voler,
4 - Ne pas être esclave du sexe,
5 - Ne pas être esclave des boissons alcoolisées et de la drogue.

Quelles sont les origines de ces interdits ?

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Réponse :

Vous soulevez une question sur laquelle je ne m'étais pas encore exprimé tant il paraît que ces valeurs sont aujourd'hui communes à toutes les cultures. Pour autant vous avez raison de mettre l'accent sur ces "interdits" et de rappeler qu'ils font partie intégrante du bouddhisme.

Pour ma part, je ne qualifierai pas ces recommandations seulement d'interdits. Mais on voit bien que la forme qu'elles prennent dans l'expression doit passer par ce type de formulation (l'interdit), tant la nécessité absolue du respect de ces règles doit être affirmée avec force. J'appellerai plutôt ces instructions des valeurs fondatrices.

Je pense qu'il y a plusieurs manières de comprendre ces questions.

Tout d'abord, si l'on regarde l'ensemble des cultures, qu'elles soient indiennes, asiatiques, nord américaines, africaines, européennes, on observe que ces préceptes apparaissent dans la plupart des sociétés organisées. Ces préceptes fondateurs appartiennent à un corpus commun de règles de comportement, de préceptes éthiques qui visent à assurer la pérennité, le développement et le fonctionnement de sociétés qui s'établissent et s'organisent dans le temps et dans l'espace. De nombreux ethnologues ont pu observer ces règles dans des groupes organisés dits "primitifs " dans toutes les régions du monde. Je pense que ces valeurs éthiques sont celles qui en définitive revêtent le moins un caractère philosophique ou religieux mais sont le propre de la notion même de civilisation. C'est pourquoi, je pense que ces interdits, ne sont pas des interdits spécifiquement du bouddhisme mais de toute civilisation et de toute société (ces valeurs sont d'ailleurs ce qui fonde le droit dans les sociétés). Naturellement, le bouddhisme va leur donner une résonance et une cohérence très particulière car elles ont une pertinence en relation avec les concepts fondamentaux du bouddhisme (la notion de karma par exemple).

En effet, cet énoncé que vous rappelez est en fait le condensé du fameux Veludvareyya Sutta, tiré du Samyutta Nikaya (troisième section du Sutta Pitaka) dans lequel le bouddha historique explique que ce que l'on ressent pour soi-même comme un dommage ou une violation ne doit pas être fait à autrui. L'explication part toujours du sujet lui-même et est ensuite transposée (généralisée) comme une règle (au sens mathématique du terme). On est loin de l'interdit au sens strict, on est dans une règle qui s'applique d'une façon presque logique. Le Kimattha Sutta, dans lequel Ananda l'interroge sur l'utilité de l'éthique, donne une bonne extension à cet exposé.

Vous avez aussi raison de souligner cette contradiction avec mes affirmations répétées comme quoi il n'y a pas d'interdits dans le bouddhisme. Bien sûr, je ne pensais pas du tout à ces données de base qui me paraissent, bien évidemment, complètement sous-entendues et acceptées par tout le monde. Je réintroduirai votre remarque à la suite de mes commentaires sur cette question pour bien dire que s'il n'y a pas d'interdits sur les conduites intimes et individuelles, tout n'est évidemment pas permis et que le bouddhisme inscrit sa démarche dans un mouvement humaniste plus large de civilisation intégrant les règles éthiques les plus élémentaires comme celles que vous avez rappelées.

Je suis en outre certain que ces valeurs se trouvaient également largement partagées par les sociétés du sud-est asiatique avant l'arrivée de l'hindouisme et du bouddhisme.


Mon affirmation sur l'absence d'interdits dans le bouddhisme concerne surtout des questions relatives à des comportements personnels. Je faisais notamment référence à un petit tableau dans un ouvrage récent où les auteurs listaient différentes questions de société dont la question de l'homosexualité et indiquaient "interdit " dans la colonne bouddhisme (Cf. Note de lecture n° 12). A moins que j'ai mal compris, il ne m'a pas semblé que sur ces questions intimes et personnelles, le bouddhisme énonçait des interdits stricts et officiels. Au contraire, j'ai pu constater qu'il y avait une approche beaucoup plus souple où une question subtile de cet ordre n'était pas tranchée abruptement et autoritairement par un "interdit " estampillé, comme on le voit dans d'autres religions par exemple. C'est par rapport à cette absence d'autorité arbitrale censée avoir un avis autorisé sur toutes les questions d'une société que j'ai dit que ces "interdits" n'existaient pas dans le bouddhisme.

Il me semble que cette notion même d'interdit n'a évidemment pas le même sens en Europe et en Asie et que le bouddhisme y est pour beaucoup dans cette approche différente.

Toutefois, vous voudrez bien me dire si j'ai bien perçu cette réalité dans les sociétés qui partagent le bouddhisme ou si je ne l'ai pas bien perçu.

Si je n'ai pas évoqué ces points, c'est aussi parce que je distingue le discours philosophique proprement bouddhique tendant à la compréhension du sujet par lui-même de ses propres attitudes, réactions, aspirations et tendances …(et qui est l'objet premier de ce site) et le discours "social " que tiennent les bonzes bouddhiques à l'intérieur des sociétés traditionnelles dans lesquelles ils s'expriment. Ces discours ont une autre dimension, plus pédagogiques, plus sociale, plus morale pourrait-on dire aussi. En outre, ces discours prennent également place dans un contexte historique et politique qui peut expliquer l'importance et l'insistance de certaines valeurs.

La tenue de ce second type de discours requiert aussi une compétence, un statu et une autorité qui ne sont pas les miens.


Ensuite, vous avez raison d'évoquer l'histoire et le parallélisme entre bouddhisme et hindouisme. Il faut se rappeler que l'hindouisme dans ses formes les plus anciennes a souvent perpétué différents types de rites et notamment ceux impliquant un sacrifice animal. Le bouddhisme se distingue particulièrement de l'hindouisme ancien par le fait qu'il rejette tous les rites et en particulier ceux impliquant des sacrifices d'animaux. Cette vision indienne que le vivant se manifeste avec la même valeur, sans hiérarchie, sans discrimination et avec les mêmes potentialités aussi bien dans le domaine humain qu'animal, voire végétal, a été complètement intégrée et développée dans le bouddhisme mais aussi dans les formes ultérieures de l'hindouisme.

Il serait évidemment intéressant de voir quelle est la lecture bouddhique de ces préceptes et de la manière dont ils sont évoqués.

Ce qui me paraît particulièrement bouddhiste dans cette répétition indéfinie de ces préceptes que vous avez entendue tout au long de votre enfance, c'est la démarche de vérité qui ne doit pas être comprise seulement pour sa dimension morale mais comme condition nécessaire à la voie bouddhique. C'est l'idée d'agir immédiatement, "dans cette vie même " comme le disent les tantristes, précisément, justement (au sens de samma).

Il me semble et cela apparaît bien dans l'énoncé des deux derniers interdits "ne pas être l'esclave de …" que c'est toujours par rapport au sujet que ces préceptes sont énoncés. Il ne s'agit pas seulement d'interdits et d'instructions au sens social, mais il s'agit également de remettre le sujet sur lui-même.

Pour résumer mon propos, ce qui a trouvé une formulation un peu rigide par la force des répétitions, par les nécessités pédagogiques, et par une certaine usure face à une approche peut être un peu complexe sous la forme de l'interdit, est formulé avec beaucoup de clarté et d'évidence dans l'introduction à la méditation Samma-Samâdhi sous l'énoncé suivant :

" Quand le disciple voit une forme avec l'œil ; entend un son avec l'oreille ; sent une odeur avec le nez ; goûte une saveur avec la langue ; éprouve un contact avec le corps ; conçoit une idée avec l'intellect ; il ne s'abandonne pas à cela, qui, en ces sensations, pourrait éveiller le désir ou le mécontentement. Ainsi, veillant sur les sens, il progresse dans la maîtrise qu'il prend sur eux. "


Enfin, si l'on souhaite revenir aux textes pali, ces recommandations s'énnoncent de la manière suivante :

1 - Pânâtipâtâ veramanî sikkhâpadam samâdiyâmi

2 - Adinnâdânâ veramanî sikkhâpadam samâdiyâmi

3 - Kâmesu micchâcârâ veramanî sikkhâpadam samâdiyâmi

4 - Musâvâdâ veramanî sikkhâpadam samâdiyâmi

5 - Surâmerayamajjapamâdatthânâ veramanî sikkhâpadam samâdiyâmi

La traduction couramment acceptée pour ces formes est "1 - je m'abstiens de ..." . Cette abstention, montre d'emblée qu'il ne s'agit plutôt d'une règle de conduite que d'un interdit. Des règles où les préceptes énoncés doivent être, avant tout, intégrés. Ces formules sont d'ailleurs évidentes dans des pays où l'on observe que les gens dans leur vie quotidienne évitent, par exemple, d'écraser les fourmis ou les petits insectes ...


Au sujet de ce premier interdit, je pense aussi que votre interprétation est juste.

Je pense également que le Veludvareyya Sutta répond parfaitement à votre question.

J'espère avoir répondu à votre question.





Texte complet de la question


Les interdits dans le bouddhisme .

Je n'ai pas pu m'empêcher de réagir sur les réponses que vous avez faites suite aux questions des E-mail. Dans vos réponses vous insistez beaucoup sur l'absence des interdits dans le langage bouddhique. Je suis d'accord si nous nous référons aux enseignements de bases (surtout du Theravâda). Toutefois, depuis mon enfance (et actuellement en vigueur) on m'a toujours enseigné un certain nombre d'interdits du bouddhisme. A savoir :

1 - Ne pas tuer,
2 - Ne pas mentir,
3 - Ne pas voler,
4 - Ne pas être esclave du sexe,
5 - Ne pas être esclave des boissons alcoolisées et de la drogue.

Est-ce que les interdits que j'ai cités sont d'origine Brahmanique, Hindouisme, Annamitique ? Si je vous pose cette question c'est que mes connaissances s'arrêtent à ce qu'on m'a enseigné. En tout cas, je peux vous dire que dans toutes cérémonies bouddhiques du petit véhicule, nos maîtres n'ont pas manqué à chaque fois de nous faire répéter ces interdits.

Encore un raisonnement que je voudrais vous proposer concernant le premier interdit : ne pas tuer. Il me semble que c'est bouddhique puisque la philosophie de base insiste que nous sommes potentiellement et individuellement capable d'atteindre l'état d'éveil de Bouddha. Ne pas tuer invite donc au respect le plus total de chaque être pour lui donner également une chance de cheminer.

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Pour être complet sur cette question il convient de voir la question n°21, Quels sont les interdits dans le bouddhisme ?










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