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Que feray-je, *Morel ? Dy moy, si tu l'entends,
Feray-je encor icy plus longue demeurance,
Ou si j'iray reveoir les campaignes de *France,
Quand les neiges fondront au soleil du printemps ?
Si je demeure icy, helas je perds mon temps
A me repaistre en vain d'une longue esperance,
Et si je veulx ailleurs fonder mon asseurance,
Je fraude mon labeur du loyer que j'attens.
Mais fault-il vivre ainsi d'une esperance vaine ?
Mais fault-il perdre ainsi bien trois ans de ma peine
?
Je ne bougeray donc. Non, non, je m'en iray.
Je demourray pourtant, si tu le me conseilles.
Helas (mon cher *Morel) dy moy que je feray,
Car je tiens, comme on dit, le loup par les oreilles.
Regarde sur le port sans plus craindre la rage
Des vagues ny des vents, les ondes escumer :
Et quelqu'autre bien loing au danger d'abysmer
En vain tendre les mains vers le front du rivage :
Ainsi (mon cher *Morel) sur le port arresté
Tu regardes la mer, & vois en seureté
De mille tourbillons son onde renversee :
Tu la vois jusqu'au ciel s'eslever bien souvent,
Et vois ton *Dubellay à la mercy du vent
Assis au gouvemail dans une nef persee.