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N'estant de mes ennuis la fortune assouvie,
Afin que je devinsse à moymesme odieux,
M'osta de mes amis celuy que j'aymois mieux,
Et sans qui je n'avois de vivre nulle envie.
Donc l'eternelle nuict a ta clarté ravie,
Et je ne t'ay suivy parmy ces obscurs lieux ?
Toy qui m'as plus aymé que ta vie & tes yeux,
Toy, que j'ay plus aymé que mes yeux & ma
vie.
Helas, cher compaignon, que ne puis-je estre encor
Le frere de *Pollux, toy celuy de *Castor,
Puis que nostre amitié fut plus que fraternelle
?
Reçoy donques ces pleurs pour gage de ma foy,
Et ces vers qui rendront, si je ne me deçoy,
De si rare amitié la memoire eternelle.
C'est ores, mon *Vineus, mon cher *Vineus, c'est ore
Que de tous les chetifs le plus chetif je suis,
Et que ce que j'estois plus estre je ne puis,
Aiant perdu mon temps, & ma jeunesse encore.
La pauvreté me suit, le souci me devore,
Tristes me sont les jours, & plus tristes les nuicts,
O que je suis comblé de regrets, & d'ennuis
!
Pleust à *Dieu que je fusse un *Pasquin ou *Marphore,
Je n'aurois sentiment du malheur qui me poingt,
Ma plume seroit libre, & si ne craindrois point
Qu'un plus grand contre moy peust exercer son ire.
Asseure toy *Vineus que celuy seul est Roy,
A qui mesmes les Roys ne peuvent donner loy,
Et qui peult d'un chacun à son plaisir escrire.