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O marastre nature ( & marastre es-tu bien,
De ne m'avoir plus sage ou plus heureux fait naistre)
Pourquoy ne m'as tu fait de moymesme le maistre,
Pour suivre ma raison, & vivre du tout mien ?
Je voy les deux chemins, & de mal, & de bien :
Je sçay que la vertu m'appelle à la main
dextre,
Et toutefois il fault que je tourne à senestre,
Pour suivre un traistre espoir, qui m'a fait du tout
sien.
Et quel profit en ay-je ? ô belle recompense !
Je me suis consumé d'une vaine despence,
Et n'ay fait autre acquest que de mal & d'ennuy.
L'estranger recueillist le fruict de mon service,
Je travaille mon corps d'un indigne exercice,
Et porte sur mon front la vergongne d'autruy.
Si par peine, & sueur, & par fidelité,
Par humble servitude, & longue patience,
Employer corps, & biens, esprit, & conscience,
Et du tout mespriser sa propre utilité,
Si pour n'avoir jamais par importunité
Demandé benefice, ou autre recompense,
On se doit enrichir, j'auray (comme je pense)
Quelque bien à la fin, car je l'ay merité.
Mais si par larrecin advancé l'on doit estre,
Par mentir, par flater, par abuser son maistre,
Et pis que tout cela faire encor' bien souvent :
Je cognois que je seme au rivage infertile,
Que je veux cribler l'eau, & que je bas le vent,
Et que je suis (*Vineus) serviteur inutile.