|
|
Ce pendant que la court mes ouvrages lisoit,
Et que la soeur du Roy, l'unique *Marguerite,
Me faisant plus d'honneur que n'estoit mon merite,
De son bel oeil divin mes vers favorisoit,
Une fureur d'esprit au ciel me conduisoit
D'une aile qui la mort & les siecles evite,
Et le docte troppeau qui sur *Parnasse habite,
De son feu plus divin mon ardeur attisoit.
Ores je suis muet, comme on voit la Prophete
Ne sentant plus le Dieu, qui la tenoit sujette,
Perdre soudainement la fureur & la voix.
Et qui ne prend plaisir qu'un Prince luy commande ?
L'honneur nourrit les arts, & la Muse demande
Le theatre du peuple, & la faveur des Roys.
Ne t'esbahis *Ronsard, la moitié de mon ame,
Si de ton *Dubellay *France ne lit plus rien,
Et si aveques l'air du ciel Italien
Il n'a humé l'ardeur qui l'*Italie enflamme.
Le sainct rayon qui part des beaux yeux de ta dame,
Et la saincte faveur de ton Prince & du mien,
Cela (*Ronsard) cela, cela merite bien
De t'echauffer le coeur d'une si vive flamme.
Mais moy, qui suis absent des raiz de mon Soleil,
Comment puis-je sentir echauffement pareil
A celuy qui est pres de sa flamme divine ?
Les costaux soleillez de pampre sont couvers,
Mais des Hyperborez les eternels hyvers
Ne portent que le froid, la neige, & la bruine.