|
|
Doulce mere d'amour, gaillarde Cyprienne,
Qui fais sous ton pouvoir tout pouvoir se ranger,
Et qui des bordz de *Xanthe, à ce bord estranger
Guidas avec ton filz ta gent Dardanienne,
Si je retoume en *France, ô mere Idalienne !
Comme je vins icy, sans tomber au danger
De voir ma vieille peau en autre peau changer,
Et ma barbe Françoise en barbe Italienne,
Des icy je fais veu d'appendre à ton autel
Non le liz, ou la fleur d'Amarante immortel,
Non ceste fleur encor' de ton sang coloree :
Mais bien de mon menton la plus blonde toison,
Me vantant d'avoir fait plus que ne feit *Jason
Emportant le butin de la toison doree.
Heureux celuy qui peult long temps suivre la guerre
Sans mort, ou sans blesseure, ou sans longue prison !
Heureux qui longuement vit hors de sa maison
Sans despendre son bien, ou sans vendre sa terre !
Heureux qui peult en court quelque faveur acquerre
Sans crainte de l'envie, ou de quelque traison !
Heureux qui peult long temps sans danger de poison
Jouir d'un chapeau rouge, ou des clefz de sainct *Pierre
!
Heureux qui sans peril peult la mer frequenter !
Heureux qui sans procez le palais peult hanter !
Heureux qui peult sans mal vivre l'aage d'un homme !
Heureux qui sans soucy peult garder son tresor !
Sa femme sans souspçon, & plus heureux encor'
Qui a peu sans peler vivre trois ans à *Rome !