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La famille Aniotzbehere en Californie

C'est vers la fin du XIX (1868?) que partirent faire fortune aux Amériques trois frères, Jean, dit Juan Gordo (04-08-1842), François dit Francisco (06-12-1843) et Jean, dit Juan Flacco (20-03-1848), trois des treize enfants de Jean et Gracieuse Fagoaga

Puis c'est au tour de Michel (18-03-1851) qui les rejoint certainement après avoir eu écho de leur réussite. Cependant, il ne désire pas s'implanter définitivement en Californie, et il est le seul a revenir en France sur sa terre natale. Michel étant revenu, nous avons quelques
récits de sa vie avec Petra Pedroarena

Juan Gordo

Nous n'avons pas d'information concernant leur voyage vers les Amériques, ni sur leur nouvelle vie en Californie. Le seul texte que nous possédons est une publication dans un journal Basque de Los Angeles datant de 1894. Il s'agit d'un Bertsu écrit par Juan Gordo publié dans le journal "Euskal Herria" de JP Goytino situé à l'époque au 330 New High street à Los Angeles. Voici son texte :

 

MISERE EN CALIFORNIE

1. En l'année mil huit cent quatre vingt quatorze
j'ai eu la charge d'écrire quelques vers.
J'exposerai tout de suite le problème
Car dans cette histoire tout est désolation..

2. J'ai passé les 25 dernières années à vouloir vivre en Californie.
Mais je n'ai jamais vu une année comme celle ci
Bettiri Sants est devenu notre maître et seigneur.
Pour ma part je fais tout mon possible pour le fuir.

3. Au mois de mars je suis parti avec mes brebis,
Car je voyais que les affaires ne marchaient pas.
Cela faisait longtemps que je n'étais pas sorti du ranch
Mais cette année, je fus obligé de le faire.

4. On appelle Ranch Gavilàn l'endroit où mes brebis paissent (Sparrohawk Ranch)
Dans ces collines j'ai eu plus que ma part de travail
Si je veux boire, il y a de l'eau dans tous les ruisseaux
Je ne peux pas dire que j'ai eu soif.

5. Mon frère Juan flaco est parti dans les monts de Santa Cruz
Avec pour but d'utiliser des pâturages par là bas
On lui demandait 1200 pesos pour 700 ares
Et s'il pouvait les payer en or de loi.

6. Il décida alors de partir pour la Sierra Nevada
Il était obligé de faire quelque chose
S'il restait ici, hélas, il était perdu
Il ne regretta pas sa décision.

7. Je vis mon compère Domingo Amestoy à Salinas
Je le trouvais pensif à côté de ses brebis
le commerce allait bien et il était content
Mais ah ! il arriva aussi une année d'incertitude.

8. Il me dit qu'il partait pour Sacramento
Derrière son troupeau , voir ces contrées
Et que si quelqu'un voulait lui acheter les brebis
Il déciderait de les lui vendre à bon prix.

9. La vie du berger est aujourd'hui pitoyable
De nulle part , on arrive à sortir l'argent pour couvrir les frais
Espérons qu'une telle année ne se reproduira plus !
Que dieu notre seigneur ait pitié de nous.

10. Si les paysans avaient de quoi semer
Ils pourraient avoir l'espoir de faire du profit
Beaucoup n'ont ni pâturages, ni semence pour l'année prochaine
Pour pouvoir continuer leur travail.

11. Dans mon ranch, j'avais 1000 ares semés
J'avais fait un bon travail avec mon semoir
Mais le destin fut cruel pour tout le monde
Et nous nous somme tous fait avoir.

12. Doña Hambruna est devenu un ami puissant
Elle montre ainsi que nous lui devons le respect
Mais si quelqu'un la mettait dans un sac
Moi je lui trouverais bien un endroit pour l'abandonner.

13. J'ai composé ces vers sur la misère
Pour faire connaître comment nous crevons dans la région de Monterey
Les gens sont actuellement désespérés
Et je ne sais pas comment cela finira.

14. L'auteur de ces vers est Juan Gordo, natif de Sare
Venu en Californie pour tenter sa chance
Mais s'il n'arrive pas une meilleure année que celle-ci
Tuot restera comme avant.

Juan H. Aniotzbehere
San Lucas (Monterey), 23 Juin 1894

Les vers semblent dédicacés au Bettiri Sants, qui devait être une personification de la famine dans le folklore Basque. La composition du texte est datée du 23 juin, nuit de la saint Jean. Il se peut qu'il y avait des rassemblements de basques autour du feu dans la région de Monterey, où Juan Gordo composa ces vers...


Les trois frères se sont installés dans une région proche de San Francisco, au nom évocateur de Paris Valley. Dans le "Monterey County Places Names, geographical dictionnary" de Donald Thomas Clark, on peut lire :

"Paris Valley. Cette vallée est située à 2 miles ouest de San Ardo. Nommée ainsi à cause de la présence fin 1850 de plusieurs familles françaises avec des noms comme Aniotzbehere (Ansberry), Aurignac, Balad, Boneau.... Ou comme un reporter l'a écrit en 1894, "Paris Valley... fut nommée en l'honneur d'une colonie française qui s'installa là il y a une vingtaine d'année sur ce qui était une terre gouvernementale"

La première trace écrite de propriété en Californie remonte en 1890. Voici le listing du registre des propriétés que l'on peut trouver sur Internet

Nom

Date

Parcelle

Localisation

ANIOTZBEHERE, JUAN H

25 Janvier 1890

t:022S r:009E s:10

Californie, Monterey

ANIOTZBEHERE, JUAN H

24 Juillet 1890

t:022S r:009E s:3

Californie, Monterey

BEHERE JUAN ANIOTZ

18 Janvier 1892

t:0120S r:0100E s:021

Californie, Monterey

BEHERE JUAN ANIOTZ

16 Avril 1892

t:0120S r: 0100E s:023

Californie, Monterey

ANIOTZBEHERE, FRANCISCO

13 Novembre 1895

t:022S r:009E s:6

Californie, Monterey

ANIOTZBEHERE, JULIUS H

7 Mars 1923

t:022S r:009E s:8

Californie, Monterey

ANIOTZBEHERE, JULIUS H

7 Mars 1923

t:022S r:009E s:9

Californie, Monterey

ANIOTZBEHERE, JULIUS H

7 Mars 1923

t:022S r:009E s:17

Californie, Monterey

Parcelle : T=Ville, R=Rang ,S=Section

Voici une photo du ranch qui appartint à la famille Aniotzbehere et plus particulièrement à Juan Gordo

Désormais il a été vendu et seul le sous-sol appartient à la famille
 

Le ranch de la famille


En 1927 Gary Cooper tourne dans The Last Outlaw, produit par LLoyd Sheldon. Ce film est tourné dans la propriété familiale et Adrian tourne quelques scènes.
Voici deux photos, une dédicacée par Gary Cooper et Betty Jewel, l'autre où l'on voit à leurs côtés Adrian et Paul Parker, le mari d'Elvira
Jack Luden, Betty Jewel, Gary Cooper, Paul Parker (debout) Adrian, Gary Cooper, ?, Paul Parker, Betty Jewel, Jack Luden, cameraman


Dans les archives de la ville de San Ardo, le recensement de 1896 nous donne l'information suivante
- Aniotzbehere, John H. (fermier), origginaire de France, naturalisé le 21 Décembre 1886 par la cours Suprème du comté de Monterey. Date de l'enregistrement, 4 Mai 1896.
Il semble donc que Juan Gordo, puisqu'il s'agit de lui, ait été naturalisé de nombreuses années après son arrivée sur le sol américain. Son premier enfant, Elvide Marie-Thérèse est née le 15 Octobre 1880 à San Francisco, il est donc bien arrivé avant cette date.

Un article paru dans le San Francisco Chronicle du 2 août 1903 évoque la mort de Juan Gordo :

"Juan H. Aniotzbehere (il s'appelait en fait Jean-Henri) de Paris Valley familièrement connu comme Juan Gorda, un influant rancher et l'un des plus gros éleveur du comté de Monterey [...]."



C'est aux alentours de 1930 que, pour une branche de la famille, le nom Anioztzbehere a été changé en Ansberry. Ce sont en effet les deux fils de Juan Gordo et Marie Uhalde, Adrian et Julius, qui ont "américanisé" leur nom à cause de la difficulté à prononcer l'original, car ils étaient tous deux dans les affaires, Adrian comme directeur de la Bank of America de King City et Julius dans les assurances à Salinas.

Adrian, Julius et un ami de la famille, en partant de la droite



Suite à un article de journal publié par Marlene dans son livre et racontant la vie du défunt William Joseph Ramoni ou "Bill" et dans lequel il est question de son épouse Virginia et de leur vie, j'ai envoyé un courrier dans une ferme citée dans l'article où ils ont travaillé, en demandant quelques renseignements. La petite fille de l'employeur de Bill et Virginia, Charlotte O'Bannon demeurant à Hollister, Californie m'a alors répondu. Voici quelques extraits de ses lettres.

"[...] Mon Grand-père, le Docteur O'Bannon, possédait une laiterie au coin de McCloskey et Fair View Road. Puisqu'il était médecin la laiterie était plus un hobby ou un investissement. Il aura voulu embauché quelqu'un pour gérer la laiterie pour lui, donc je pense que votre famille, William Ramoni et Virginia (Aniotzbehere(22-04-1884), elle était la fille de Juan Flacco), ont dû occuper cette place. [...]"

Et voici un autre extrait de sa seconde lettre dans laquelle elle nous parle de la vie à Hollister, petite bourgade de Californie.

"Nous avons beaucoup de Basques. Je n'aurais jamais pensé qu'ils étaient "français" car nous disons toujours Basque. Bien sûr beaucoup d'entre eux vinrent en Californie comme bergers, et quelques uns devinrent propiétaires terriens. Une famille à Hollister, les Etcheverry, fut assez riche et importante propriétaire du début du siècle.

Hollister se consacrait principalement aux troupeaux, aux laiteries et au foin. la "Lathrop Warehouse" (l'entrepot Lathrop) était un énorme batiment près de la voie ferrée qui servait au commerce du foin. Le foin était envoyé dans l'est. Il était de très bonne qualité et servait de nourriture aux chevaux de course du Kentucky.

Hollister était une petite commune dans les années 1940, la population était seulement de 3.000 habitants dans la ville et peut être 10.000 dans le comté tout entier. Presque tout le monde travaillait dans les fermes ou l'élevage. Nous n'avons jamais élevé de moutons dans le comté de San Benito. Les Basques travaillaient dans les laiteries ou dans les ranches.

Cependant, Los Banos, qui est à peu près à 80 km à l'est de Hollister était le pays du mouton. Il y a toujours un restaurant Basque là-bas qui servait les bergers basques. C'est maintenant surtout une attraction touristique.

Hollister est une région extrêment fertile aussi les champs à foin furent progressivement remplacés par des vergers d'abricotiers. Ca a été une culture profitable pendant de nombreuses années et maintenant les abricotiers sont remplacés progressivement par des tomates et autres "cultures en rangées"

[...] Les premiers habitants furent mexicains, basques, portugais (des Açores), italiens et les Indiens natifs. Beaucoup de Basques en californie vivent dans la vallée de San Joaquin. C'était un pays d'élevage au début du siècleLa vallée est très large, depuis Sacramento jusqu'à Bakersfield, à environ 500 km. Los Banos est dans le comté de San Joaquin, Hollister est plus près de la côte. Bakersfiel et Los Banos ont toutes deux des communautés basques. Hollister est à environ 80 km de la côte. Mes grand-parents avaient l'habitude de louer une maison à Capitola (une petite ville côtière dans la baie de Monterey) durant l'été. A cette époque personne ne serait allé plus loin que cela pour les vacances [...]"


Le 29 août 1989 a été inauguré le Monument des Bergers Basques à Reno. Il s'élève dans un site tout à fait comparable à ce qu'ont connus quantité de bergers : des lieux quasi désertiques, des sierras pelées et hostiles faites de soleil brûlant, de blizzard et de neige

A côté du monument se trouve tout un mur sur lequel ont été gravés de nombreux noms de ces Basque émigrants, dont celui de Francisco Aniotzbehere

Chaque famille Basque Américaine n'est seulement qu'à une ou deux générations du patriarche qui traversa l'Amérique en train avec seulement quelques pièces de monnaie dans sa poche et un signe autour du cou désignant sa destination en Anglais afin que le conducteur puisse lui dire où s'arrêter. Les frères on suivi les frères, les cousins entraînés par les cousins vers les vastes prairies du Grand Bassin où les Basques avaient crée leurs propres troupeaux, animal après animal.

Avec ces troupeaux, ils acquirent de grands ranchs et, dans certains cas, s'enrichirent en menant une vie économe. Beaucoup de femme Basques vinrent aussi en Amérique pour travailler dans les fermes et les restaurants et se marièrent aux bergers.

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