DIMANCHE, 12 JUILLET : La Baie — Baie Éternité
On a fait le trajet à la voile, en louvoyant (vent devant).
C’était une journée avec nuages et soleil. Aujourd’hui la
visibilité était très bonne, on a vu des choses qu’on
n’avait pas vues à l’aller à cause de la pluie et de la brume
: La ‘Niche’, un trou de formation géologique situé dans
le haut d’une falaise et le ‘Tableau’, une grande paroi de granite qui
donne l’impression d’être un tableau noir.
Nous sommes arrivés à Baie Éternité, il y a six autres voiliers au mouillage. On est vraiment bien, c’est un petit coin de paradis. On a veillé dans le cockpit, enveloppés dans un sac de couchage, la température étant fraîche. On a vu un navire marchand passer sur le fjord (le seul qu’on ait vu). Quelle belle fin de journée!
LUNDI, 13 JUILLET : Baie Éternité — Tadoussac
On s’est fait réveillé à 6h50 par le chant
des oiseaux et le soleil. Mario a enfin vu beaucoup d'étoiles
hier soir, car la première fois qu’on est venu ici, il s’attendait
à en voir mais la lune était pleine, c’était
trop clair.
On a soupé à l’hôtel Tadoussac , celui avec le toit
rouge, très chic et le repas était bon. On a ensuite
fait un brin d’épicerie et pris une marche pour brûler quelques
calories!! Selon les gens que nous avons rencontrés, les bateaux
qui navigaient sur le fleuve ont eu de la mauvaise température,
des vagues de 8 - 10 pieds? On ne sait pas si on partira demain,
les prévisions n’étant pas favorables : 60% averse—vent
30 noeuds.
MARDI, 14 JUILLET : Tadoussac — Gros Cacouna — Rivière-du-Loup
Ce matin, on s’est promené à pied sur les rives
du fjord. Le brouillard était très épais.
Une fois le brouillard dissipé, il fait beau et le vent semble raisonnable,
donc nous décidons de partir ce matin. Le préposé
à l’essence m’a dit qu’au large, le vent avait déjà
atteint 25 noeuds, je réduis donc la voilure avant de partir.
Quand on a quitté Tadoussac, le vent devenait de plus en plus fort, probablement plus que 25 noeuds. Près de la toupie, on avait même décidé de revenir. En revenant, on commençait à trouver ça supportable et rapide, nous avons donc continué notre route. On s’est fait payer la traite par le fleuve. Entre l’Île Rouge et Cacouna, certaines vagues devaient avoir près de 8 pieds et assez courtes merçi. Nous nous sommes faits arroser copieusement par les embruns causés par l’étrave qui plonge dans le creux des vagues, et une déferlante en particulier m’a nettoyé l’oreille droite! À Gros-Cacouna, un peu avant Rivière-du-Loup, on a mis l’ancre pour se sécher, ramasser tout ce qui avait tombé par terre, les dégâts d’eau (lavabo) causés par la gîte excessive et faire à souper. Ensuite on est reparti pour Rivière-du-Loup parce qu’il y avait pas mal de bateaux déjà ancrés, ca brassait pas mal au fond du bassin et, avec la marée baissante on se serait probablement retrouvé très près du bord (dû au câblot d’ancre). On était content d’être enfin arrivés. À Rivière-du-Loup, les bateaux échouent sur
le fond de vase à marée basse (la quille y pénètre).
Pendant qu’on y était, ça s’est fait durant la nuit.
C’est devenu tranquille, on entendait le vent souffler, mais ça
ne bougeait plus du tout.
MERCREDI, 15 JUILLET : Rivière-du-Loup — Cap à
l’Aigle
Cet avant-midi, on a lavé linge et bateau, on a aussi
sorti les coussins à l’extérieur pour les faire sécher.
Ils sont humides à cause de la condensation qu’il y a à l’intérieur
de ‘Boomerang’. L’eau du fleuve est froide (10-12o C) et la température
extérieure est chaude et humide, causant une condensation sur la
coque non-isolée. Ce qui fait qu’il y a toujours de l’eau qui s’accumule
dans la cale. La prochaine fois qu’on revient sur le fleuve, on amène
une caisse d’essuie tout. Les cannettes de liqueur, en contact avec la
coque, sont froides même si elles ne sont pas dans la glacière.
On s’est rendu tôt au quai de service pour attendre le bon moment de partir, car être resté à notre quai, on aurait été dans la vase. On a fait la conversation avec l’équipage de deux voiliers : "Cassiopée" un Chatham de 33 pieds en acier et "Rêve d’été II" un Tanzer, eux aussi en attente pour la traversée. On a même eu l’invitation de monter à bord de "Cassiopée" pour une visite, nous l’avons trouvé très spacieux. Ce voilier a un pont pleine largeur ce qui fait une différence substantielle sur l’espace disponible à l’intérieur et, une surface de travail pour les manoeuvres très sécuritaire. Construit à partir des plans (francais, si je me souviens bien), chaque voilier a une finition intérieure particulière (selon les goûts du propriétaire).
On est parti à marée montante (15h) vers Cap à
l’Aigle, sur la rive nord. Ce fut une belle journée pour traverser,
pas trop agité et du vent pour le voyage. On a vu des bélougas
à trois reprises des groupes de 2 et 4 qui nous suivaient par moment.
JEUDI, 16 JUILLET : Cap à l’Aigle — Île
aux Coudres
Ce matin, nous avons déjeûné au restaurant de la marina. C’est notre anniversaire de mariage (21 ans) et nous prévoyons fêter ce soir. On est parti avec ce qui restait de courant montant. On a été obligé de mettre l’ancre dans une petite anse près du Cap à l’Oie (Petite Malbaie) pour attendre la prochaine marée, le contre-courant étant devenu un peu trop fort. C’est une des fois où j’ai (Line) trouvé très frustrant de devoir naviguer en tenant compte des marée et courant, on était seulement qu’à 6.7 m/n de l’Île aux Coudres, on la voyait, et on a dû attendre six heures avant de pouvoir continuer notre route. Dans l’après-midi, on a eu droit à un orage avec des vents violents. J’ai (Mario) passé le gros de mon temps à regarder si l’ancre gardait sa prise tellement le vent et les vagues étaient menaçants. L’orage passé et le courant maintenant raisonnable, c’était l’heure pour nous de faire les derniers miles restant pour se rendre à l’Île aux Coudres, sous la pluie et sans pépins. En arrivant, on a vu Cassiopée qui était ancré près de la marina. Encore une fois, on s’est rendu compte de la gentillesse
des gens . On avait besoin de glace et de provisions. Un homme
qui était au casse-croûte nous a offert de nous
amenés à l’épicerie et nous a ramenés
à la marina. On n’a pas pu fêter notre anniversaire comme
on le prévoyait, on est à pied et il pleut très fort.
Nous avions planifié de prendre le traversier de l’Île-aux-Coudres
à St-Joseph-de-la-Rive, pour visiter et souper. On s’est contenté
d’une frite achetée au casse-croûte de la marina. Quel met
gastronomique pour l’occasion!
VENDREDI, 17 JUILLET : Île aux Coudres — Québec
On s’est levé à 5 h, grosse journée en vue.
On était dans la vase et on ne le savait pas. Il y avait à
peu près 8 pouces d’eau à coté du quai. En partant
de la Marina, on a vu un phoque sur toute sa longueur et de très
près, on en avait vu souvent mais on leur voyait seulement la tête.
Toute la journée, on a avancé au moteur. Au début
parce que le vent n’y était pas, par la suite il y était
mais droit devant, donc pas utile pour faire une si grande distance à
la voile. En remontant le fleuve avec la marée montante, ça
donne plus de temps à naviguer avec le courant portant. On
a parcouru 52m/n, le plus long trajet qu’on ait fait dans une journée
et dans un temps raisonnable.
Joanne et Rodrigue de "Cassiopée" ont pris une photo de nous
en route et vont nous la poster. On prend une photo d’eux aussi,
la brume sur le fleuve et le fait que c’est nuageux donne l’illusion qu’il
n’y as pas d’horizon devant eux.
SAMEDI, 18 JUILLET : Québec — Portneuf
Le vent s’est calmé deux heures avant qu’on arrive à Portneuf, ça fait vraiment du bien d’être plus confortable à bord. C’est la première fois qu’on se faisait brasser autant et aussi longtemps. On a fait le reste au moteur à contre-courant et on a eu droit à un peu de pluie juste avant d’arriver. Lorsqu’on est arrivé au quai de Portneuf,
il y avait un navire qui se faisait décharger (pierres), la nouvelle
marina se trouve du coté Nord-Est de celui-çi. La fille
qui nous a accueilli nous dit alors que deux à trois fois par année,
un bateau venait au quai fédéral. Elle nous dit aussi
que le bateau devrait être déchargé avant la nuit.
DIMANCHE, 19 JUILLET : Portneuf — Deschaillons
Nous nous sommes réveillés plusieurs fois à cause
du bruit des camions qui passaient. Entre 4h et 4h35 du matin, 6 camions
ont passé, et depuis ça n’a pas cessé, on entend
les klaxons des camions (signal qu’ils font lorsqu’ils reculent).
Une fois à l’extérieur de la cabine, on a remarqué
que le navire de la veille n’y étais plus mais que maintenant c’était
une barge qu’on s’affairait à charger. Nous n’y reviendrons plus,
à moins de ne pas avoir le choix. Quelle nuit d’enfer!!
On ne peut pas partir avant 14h30 à cause
du fort courant dans les rapides du haut-fond Richelieu. On a fait
tout le trajet à moteur, ce qui semble très long en
naviguant à contre-courant. Il y a très peu de courant montant
à Portneuf, et de plus, il ne dure pas très longtemps. On
a fait un bout de route avec "Le Snob", tout en discutant la veille
il nous a appris que son père était un des fondateurs du
CNDM et qu’il avait appris la voile sur les dériveurs du club alors
qu’il avait 12 ans. Il nous a offert ses services quand on serait
à Trois-Rivières.
LUNDI, 20 JUILLET : Deschaillons — Trois-Rivières
Il fait beau au départ, pas de vent. Le "Snob est parti peu après nous. Le moteur fait des caprices. Il a des ratés et ce n’est pas rassurant, au lieu de faire quatre noeuds, il en fait trois. On ramasse des tonnes d’algues, longues tiges gazonneuses qui s’accrochent autour de l’hélice, du pied du moteur et du safran. Ce qui réduit la vitesse à deux noeuds. Pendant un bon bout de temps, on croyait que le moteur avait un problème parce qu’on avait perdu de la puissance (vitesse). C’était causé par un grand nombre d’algues qui restaient accrochées devant la quille et le safran, nous ralentissant. Vers 15h30, à un demi-mille de la marina, un orage s’est pointé à l’horizon. Comme les autres fois, j’ai enfilé mon imperméable et Line est entrée à l’intérieur. Pendant la première ligne de pluie, j’ai gardé mon cap au compas parce qu’on n’y voyait rien. Pendant la brève acalmie, j’ai localisé une bouée et je me suis raproché . Mon idée était de demeurer près d’elle, à l’extérieur du chenal, pendant que la visibilité était nulle car nous n’étions pas seuls sur le fleuve à ce moment là. À peine en place, des grêlons ont commencé à tomber, suivi de vents violents toujours avec une pluie abondante. La bouée s’est soudainement rapprochée. Je n’ai eu que le temps de pousser les gaz et la barre pour l’éviter de justesse. L’embouchure de la rivière Saint-Maurice, juste de l’autre coté du fleuve, avait commencé à avoir un débit pas mal supérieur à la normale nous précipitant sur la bouée rapidement. Tout de suite après nous avoir remis en position, les vents ont grimpé de façon substantielle et ‘Boomerang’ ne répondait plus, ni au moteur ni à la barre. Le vent nous couchait jusqu’aux chandeliers (sans voiles!) quand je présentais l’étrave pour remonter au vent essayant de garder mon cap. Impossible d’y voir quelque chose. Tout était blanc à cause des embruns, la pluie et les vents violents. J’ai eu un peu peur de ce qui s’était passé, surtout une fois le calme revenu et complètement à l’extérieur du chenal. Toute une expérience sur le fleuve !!! Les gens de la marina n’avaient jamais vu ça. La garde côtière est allé secourir un bateau qui avait chaviré et quelques personnes brièvement portées disparues avec de petites embarcations (tous sains et saufs). Même eux ne sont pas sortis au pire du mauvais temps. Selon leur rapport météo, le vent a soufflé à plus de 90km à cet endroit, ce qui équivaut à 50 noeuds (force 10, tempête), avec grêle, pluie et éclairs... Les vents à Québec, ce n’était rien à comparer avec ce qu’on a eu aujourd’hui. Arrivés à la marina, il faisait beau et chaud. Je crois que la tempête a duré 20 - 30 minutes, on n’a pas eu réellement le temps de regarder l’heure, mais d’autres personnes (2 voiliers qui étaient devant nous et qui ont vécu la même expérience) pensent eux aussi que ça a duré une vingtaine de minutes. Il y a un couple parmi eux qui venaient d’acheter un voilier à Québec et le ramenait à Montréal, je suis sûr que ce sera un premier voyage mémorable pour eux. À la marina, pendant l’orage, un voilier a été foudroyé, lui causant beaucoup de dommages électriques. Même que son feu de position, situé sur le haut de l’étrave, a volé en éclats. Nous n'oublierons jamais cette journée. |