Chapitre 2 - Conduire une vie équilibrée
L'objectif central de la pensée bouddhique, c'est d'apporter les moyens à chacun de conduire une vie équilibrée sans faire supporter aux autres ses propres problèmes ou difficultés. Le développement mental doit permettre des relations sans rivalité, sans agressivité et doit encourager à la tolérance et la solidarité.
Là encore il paraît plus simple d'observer certaines sociétés du sud-est asiatique plutôt que de décrire longuement ce profil social. Cette conduite est appelée Bramacariya.
Lorsque le bouddha prononça son premier sermon au parc des gazelles à Isipatana, il dit :
Desetha bhikkhave dhammam âdikalyânam majhekalyanam "Ô bikkhus, enseignez le dhamma qui est splendide du début, au milieu et jusqu'à la fin *. Faites connaître la vie équilibrée dans ses composantes et dans ses implications, la conduisant dans la pureté et dans la plénitude."
pariyosânakalyânam sattham sabyanjanam kevalaparipunnam
parisuddham bramacariyam pakâsetha
Conduire une vie équilibrée ou une vie noble c'est donc :
- comprendre, développer et mettre en oeuvre les concepts de la pensée bouddhique, inscrire sa conduite dans une certaine discipline de vie (Sîla),
- renforcer son organe mental et développer autant que possible ses potentialités (Samâdhi),
- développer une vue juste sur le monde et les choses grâce à la connaissance des phénomènes (Paññâ).
PEUT-ON SEULEMENT ATTEINDRE CE BUT ? Le meilleur moyen de convaincre de l'efficacité de la méthode bouddhique c'est de la mettre soi-même en application.Il n'y a pas de prosélytisme offensif dans le bouddhisme, l'adhésion spontanée et motivée est préférable à la conquête par le discours.
Cette conception est illustrée par l'histoire du vénérable Assaji qui sans un mot parvint à impressionner le mendiant Upatissa par la seule observation de sa conduite.
LES TROIS ÉTAPES DE LA PRATIQUE Dans le bouddhisme, l'apprentissage de la maîtrise mentale est divisée en trois étapes :
1 - la connaissance et la compréhension des concepts ~ Sîlasikkhâ ~Le terme sikkha signifie littéralement "étude", mais il implique une pratique, un entraînement du corps, des idées et de la pensée. Ces trois niveaux correspondent aux trois étapes de la pratique.2 - la concentration ~ Cittasikkhâ ~
3 - la sagesse ~ Paññâsikkhâ ~
Cette pratique est étayée par l'observation des huit attitudes décrites dans l'octuple noble sentier.L'octuple noble sentier est divisé en trois étapes de la pratique comme suit :
1 - l'étape de la sagesse ~ Adhi-paññâsikkhâ ~
2 - l'étape de la connaissance des concepts ~ Adhi-sîlasikkhâ ~
- vue juste
- et aspirations justes
3 - l'étape de la sagesse ~ Adhi-cittasikkhâ ~
- parole juste
- action juste
- conduite juste
- effort juste
- attention juste
- méditation juste
LES TROIS NIVEAUX DE POLLUTION MENTALE
Sous l'effet des contraintes sociales ou autres, sous l'action de l'ego qui cherche à réaliser ses objectifs, la pensée est perpétuellement soumise à toute sorte de pollutions dont les effets négatifs s'accroissent et qui empoisonnent la vie.Ces trois formes de pollution mentale sont les suivantes :
1 - La forme grossière ~ Vîtikkama ~
- mauvais mensonges, futilités, médisances, défaut de prévenance, hypocrisie, cynisme, bavardages médiocres ou sans utilité
2 - La forme douce ~ Pariyatthâna ~
- distraction par l'attachement au plaisir des sens, animosité, paresse et torpeur, superficialité et incohérence, doute et hésitation excessifs.
3 - La forme évoluée ~ Anusaya ~
- ~ Raganusaya ~ : l'aspiration, l'inclinaison à la facilité, à l'envie, au désir, à la satisfaction immédiate.
- ~ Patighanusaya ~ : l'aspiration à l'opposition, à l'obstruction, au conflit.
- ~ Avijjanusaya ~ : l'aspiration à l'ignorance, au caractère illusoire et superficiel des choses, à l'absence de perspectives.
Ayant décrit ces trois formes de pollutions, le bouddhisme préconise trois sortes de remèdes.
LES EFFETS DES POLLUTIONS MENTALES Ces attitudes conduisent inévitablement à des conséquences néfastes et sont évidemment incompatibles avec le développement mental.Les conséquences qui être observées sont les suivantes :
1 - La forme grossière ~ Vîtikkama ~ (mauvais mensonges, futilités, médisances, défaut de prévenance, hypocrisie, cynisme, bavardages médiocres ou sans utilité ...).
La société occidentale actuelle est un exemple vivant du résultat de ces attitudes. Chacun peut constater dans ses rapports sociaux (que ce soit au travail, dans la vie quotidienne, ou en famille) l'apparition d'une agressivité latente, d'un mauvais esprit dans la société et d'un type de discours où la satisfaction des intérêt strictement personnels prime sur tout le reste. En outre, on voit bien que la réalisation de ces petits objectifs égoïstes, n'apporte qu'une satisfaction éphémère, temporaire, fragile qui en définitive se traduit par de frustrations et des déceptions nouvelles.Ce type de "culture" tel qu'on le voit aujourd'hui étant de surcroît largement amplifié par les phénomènes de consommation de masse et leurs relais, c'est à dire les médias, qui accentuent ces tendances et en accentue le caractère prédominant.
2 - La forme douce ~ Pariyatthâna ~ (distraction par l'attachement au plaisir des sens, animosité, paresse et torpeur, superficialité et incohérence, doute et hésitation excessifs.)
Ce type d'attitude est aussi une conséquence de la forme précédente, on peut la définir comme une perte de sens globale et par conséquent, comme une incapacité à restituer correctement les choses par soi même, par le discours ou par les actes.Cette dimension a évidemment un caractère plus grave, car la prise de conscience de la dérive est plus difficile à accomplir. Elle est aussi en oeuvre dans des formes plus pathologiques : stress, découragement, dépression ...
3 -La forme évoluée ~ Anusaya ~ (Raganusaya : aspiration à la facilité et à la satisfaction immédiate des désirs, Patighanusaya : aspiration à l'opposition systématique, Avijjanusaya : aspiration à l'ignorance et au caractère illusoire et superficiel des choses).
Ces tendances sont intimement liées au sujet et au vivant, notamment dans l'affirmation de soi, mais elles ne peuvent constituer une fin, un but ultime pour le sujet. Elles doivent être non pas supprimées ou éradiquées mais subtilement détournées, combinées et réorientées.
TROIS NIVEAUX DE PRATIQUE POUR ENDIGUER LES TROIS FORMES DE POLLUTION MENTALE Cette pratique doit permettre de dépasser ces pollutions. Le premier niveau de cette démarche est la connaissance de ces pollutions et de leur formation dans la dynamique et dans la logique de la pensée.On retrouve les trois niveaux de la pratique (décrits ci-avant) en vis-à-vis des trois niveaux des pollutions mentales.
- la compréhension des concepts (Sîla) doit permettre de dépasser la forme grossière de pollution.
- la méditation (Samâdhi) doit permettre de surmonter la forme douce.
- la sagesse (Paññâ) doit permettre de transcender la forme évoluée.
* = Selon le texte Visuddhimagga, le début signifie les concepts (Sîla), le milieu signifie la méditation (Samâdhi) et la fin signifie la sagesse (Paññâ). Retour au texte
Retour au menu principal avec applet |
Retour au menu principal sans applet |
Aller à la page suivante
Retour au sommaire du guide sur la méditation