VERSET 1
Le Seigneur Bienheureux dit :
J'ai donné cette science impérissable,
la science du yoga, à Vivasvan, le deva du soleil, et Vivasvan l'enseigne
à Manu, le père de l'humanité. Et Manu l'enseigna
à Iksvaku.
VERSET 2
Savoir Suprême, transmis de maître
à disciple, voilà comment les saints rois l'ont reçu
et réalisé. Mais au fil du temps, ô vainqueur
des ennemis, la succession disciplique s'est rompue, et cette science,
en son état de pureté, semble maintenant perdue.
VERSETS 3-5
Si Je t'enseigne aujourd'hui cette science
très ancienne, l'art de communier avec l'Absolu, c'est parce que
tu est Mon ami et Mon dévot, et qu'ainsi tu peux en percer le mystère
sublime.
Arjuna dit :
Vivasvan, le deva du soleil, parut bien
avant Toi ; comment comprendre qu'à l'origine, Tu aies pu lui donner
cette science ?
Le Seigneur bienheureux dit :
Bien que nous ayons tous deux traversés
d'innombrables existences, ô Arjuna, vainqueur des ennemis, Je Me
souviens de toutes, quand toi, tu les a oubliées.
VERSET 6
Je demeure non né, et Mon corps,
spirituel et absolu, ne se détériore jamais ; Je suis le
Seigneur de tous les êtres. Et pourtant, en Ma Forme originelle,
Je descends dans cet Univers à intervalles réguliers.
VERSET 7
Chaque fois qu'en quelqu'endroit de l'Univers,
la spiritualité voit un déclin, et que s'élève
l'irréligion, ô descendant de Bharata, Je descends en Personne.
VERSET 8
J'apparais d'âge en âge afin
de délivrer Mes dévots, d'anéantir les mécréants,
de rétablir les principes de la spiritualité.
VERSET 9
Celui, ô Arjuna, qui connaît
l'absolu de Mon avènement et de Mes Actes n'aura plus à renaître
dans l'Univers matériel ; quittant son corps, il entre dans Mon
Royaume éternel.
VERSET 10
Libre de toute attache, affranchis de la
peur et de la colère, complètement absorbé en Moi
et en Moi cherchant refuge, nombreux ceux qui devinrent purifiés
en apprenant à Me connaître, et tous développèrent
ainsi un pur amour pour Moi.
VERSET 11
Tous suivent Ma voie, d'une façon
ou d'une autre, ô fils de Prtha, et selon qu'ils s'abandonnent à
Moi, en proportion Je les récompense.
VERSET 12
L'homme aspire, en ce monde, aux fruits
de ses actes, et c'est pourquoi il rend un culte aux devas. Certes,
l'homme, ici-bas, recueille rapidement le fruit de son labeur.
VERSET 13
J'ai créé les quatre divisions
de la société en fonction des trois gunas et des devoirs
qu'ils imposent à l'homme. Mais sache que si Je les ai crées,
elles ne Me contiennent pas, car Je suis immuable.
VERSET 14
L'action ne M'affecte pas et Je n'aspire
nullement à ses fruits. Celui qui Me connaît comme tel ne
s'empêtre pas, lui non plus, dans les rets du karma.
VERSET 15
Dans la force de ce savoir ont agi toutes
les grandes âmes des temps passés, et ainsi ont-elles atteint
la libération. Marche donc sur les traces des anciens, et
remplis ton devoir dans cette conscience divine.
VERSETS 16-17
Même l'homme d'intelligence devient
perplexe quand il s'agit de déterminer ce que sont l'action et l'inaction.
A présent, Je vais t'enseigner l'action, et cette connaissance te
délivrera de tout péché. La nature de l'action
est fort complexe, difficile à comprendre; il faut donc bien distinguer
l'action légitime, l'action condamnable et l'inaction.
VERSET 18
Celui qui voit l'inaction dans l'action
et l'action dans l'inaction, celui-là se distingue par son intelligence,
et bien qu'engagé dans toutes sortes d'actes, il se situe à
un niveau purement spirituel.
VERSETS 19-24
Celui qui, dans l'action, s'est affranchi
de tout désir de jouissance matérielle, peut être considéré
comme solidement établi dans le savoir. De lui, les sages
affirment que le feu de la connaissance parfaite a réduit en cendres
les conséquences de ses actes. Totalement détaché
du fruit de ses actions, toujours satisfait et autonome, il n'agit pas
matériellement, bien que continuellement actif. L'homme ainsi
éclairé maîtrise parfaitement son mental et son intelligence
; il renonce à tout sentiment de possession et n'agit que pour subvenir
à ses stricts besoins vitaux. Ainsi, le péché ni les
conséquences du péché ne l'atteignent. Celui
qui, affranchi de la dualité et de l'envie, voit d'un même
oeil l'échec et la réussite, satisfait de ce qui lui vient
naturellement, celui-là, bien qu'il agisse ne s'enlise jamais,
Les actions de celui qui, ferme dans le savoir absolu, ne subit pas l'influence
des trois gunas, sont purement spirituelles, accomplies pour la seule satisfaction
de Yajna [Krsna]. L'homme qu'absorbe pleinement la conscience de
Krsna est assuré d'atteindre le Royaume éternel, car ses
actes sont tous purement spirituels : et par l'oblation et par l'offrande,
ils participent de l'absolu.
VERSET 25
Comme nous l'avons indiqué plus haut,
l'homme agissant en accord avec les principes de la Conscience de Krsna
est le plus élevé, le plus parfait des yogis et des mystiques.
Mais les dévots de Krsna ne sont pas seuls à offrir des sacrifices
; il existe aussi des gens qui les destinent aux devas, ou bien au Brahman
impersonnel. Selon la nature de leurs bénéficiaires,
ces sacrifices se présentent sous différentes formes, mais
cette diversité est superficielle, puisque tout sacrifice va, finalement,
au Seigneur Suprême, Visnu, ou Yajna.
VERSET 26
Certains sacrifient l'audition et les autres
sens dans le feu du mental maitrisé, et d'autres offrent le son
et les autres objets des sens au feu du sacrifice.
VERSET 27
Ceux qui désirent atteindre la réalisation
spirituelle par la maîtrise des sens et du mental, offrent en sacrifice,
dans le feu du mental maîtrisé, les activités de tous
leurs sens et leur souffle vital.
VERSETS 28-29
D'autres, éclairés par le
sacrifice de leurs biens matériels et par de grandes austérités,
font des voeux stricts et adoptent le yoga en huit phases. D'autres
encore étudient les Vedas pour acquérir le savoir absolu.
Certains, également, recherchent l'exaltation dans la maîtrise
des fonctions respiratoires : ils s'exercent à fondre le souffle
expiré dans le souffle inspiré, puis l'inverse ; ils parviennent
ainsi à suspendre toute respiration et à connaître
l'extase. Certains encore, restreignant leur nourriture, sacrifient
en lui-même le souffle expiré.
VERSET 30
D'entre eux, tous ceux qui connaissent le
but du sacrifice sont libérés des chaînes du karma
; ayant goûté au nectar des fruits du sacrifice, ils atteignent
les sphères suprêmes de l'éternité.
VERSETS 31-32
O toi le meilleur des Kurus, sache que sans
accomplir de sacrifice, on ne peut vivre heureux dans cette vie, en ce
monde ; et que dire de la suivante ? Ces divers sacrifices sont autorisés
par les Vedas et conçus en fonction des diverses formes de l'action
; sachant cela, tu atteindras la libération.
VERSET 33
Supérieur au sacrifice des biens
matériels est le sacrifice de la connaissance, ô vainqueur
des ennemis, car en dernier lieu, ô fils de Prtha, le sacrifice de
l'action trouve sa fin dans le savoir absolu.
VERSET 34
Cherche à connaître la vérité
en approchant un maître spirituel ; enquiers-toi d'elle auprès
de lui avec soumission, et tout en le servant. L'âme réalisée
peut te révéler le savoir, car elle a vu la vérité.
VERSET 35
Et lorsqu'ainsi tu connaîtras la vérité,
ô fils de Pandu, tu comprendras que tous les êtres font partie
intégrante de Moi, qu'ils vivent en Moi, et M'appartiennent.
VERSETS 36-37
Quand bien même tu serais le plus
vil des pêcheurs, une fois embarqué sur le vaisseau du savoir
spirituel, tu franchiras l'océan de la souffrance. Semblable
au feu ardent qui convertit le bois en cendres, ô Arjuna, le brasier
du savoir réduit en cendres toutes les suites des actions matérielles.
VERSETS 38-39
Rien, en ce monde, d'aussi pur et sublime
que le savoir absolu. Fruit mûr de tous les yogas, celui qui
le possède trouve, au moment voulu, en lui-même la joie.
L'homme de foi baigné dans le savoir absolu, et maître de
ses sens, connaît bientôt la plus haute paix spirituelle.
VERSET 40
Mais les ignorants et les incroyants, qui
doutent des Ecrits sacrés, ne peuvent devenir conscients de Dieu.
Pour celui qui doute, il n'est de bonheur ni dans cette vie, en ce monde,
ni dans la suivante.
VERSETS 41-42
Celui dont le savoir spirituel a déraciné
les doutes, et qui, ayant renoncé aux fruits de ses actes, s'est
établi fermement dans la conscience de son moi réel, celui-là,
ô conquérant des richesses, demeure libre des chaînes
de l'action. Il te faut, armé du glaive du savoir, trancher
les doutes que l'ignorance a fait germer en ton coeur. Fort de l'arme
du yoga, ô descendant de Bharata, lève-toi et combats.