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*Panjas veuls tu sçavoir quels sont mes passetemps
?
Je songe au lendemain, j'ay soing de la despence
Qui se fait chacun jour, & si fault que je pense
A rendre sans argent cent crediteurs contents.
Je vays, je viens, je cours, je ne perd point le temps,
Je courtise un banquier, je prens argent d'avance,
Quand j'ay depesché l'un, un autre recommence,
Et ne fais pas le quart de ce que je pretends.
Qui me presente un compte, une lettre, un memoire,
Qui me dit que demain est jour de consistoire,
Qui me rompt le cerveau de cent propos divers :
Qui se plainct, qui se deult, qui murmure, qui crie,
Aveques tout cela, dy (*Panjas) je te prie,
Ne t'esbahis-tu point comment je fais des vers ?
Cependant que *Magny suit son grand *Avanson,
*Panjas son Cardinal, & moy le mien encore,
Et que l'espoir flateur, qui noz beaux ans devore,
Appaste noz desirs d'un friand hamesson,
Tu courtises les Roys, & d'un plus heureux son
Chantant l'heur de *Henry, qui son siecle decore,
Tu t'honores toymesme, & celuy qui honore
L'honneur que tu luy fais par ta docte chanson.
Las & nous ce pendant nous consumons nostre aage
Sur le bord incogneu d'un estrange rivage,
Où le malheur nous fait ces tristes vers chanter,
Comme on voit quelquefois, quand la mort les appelle,
Arrengez flanc à flanc parmy l'herbe nouvelle,
Bien loing sur un estang trois cygnes lamenter.