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Apres avoir longtemps erré sur le rivage,
Où lon voit lamenter tant de chetifs de court,
Tu as attaint le bord, où tout le monde court,
Fuyant de pauvreté le penible servage.
-Nous autres ce pendant le long de ceste plage
En vain tendons les mains vers le Nautonnier sourd,
Qui nous chasse bien loing, car pour le faire court
Nous n'avons un quatrin pour payer le naulage.
Ainsi donc tu jouis du repos bienheureux,
Et comme font là bas ces doctes amoureux,
Bien avant dans un bois te perds avec ta dame :
Tu bois le long oubly de tes travaux passez,
Sans plus penser en ceulx que tu as delaissez,
Criant dessus le port, ou tirant à la rame.
Si tu ne sçais (*Morel) ce que je fais icy,
Je ne fais pas l'amour, ny autre tel ouvrage :
Je courtise mon maistre, & si fais d'avantage,
Ayant de sa maison le principal souci.
Mon Dieu (ce diras tu) quel miracle est-ce cy,
Que de veoir *Dubellay se mesler du mesnage,
Et composer des vers en un autre langage !
Les loups & les aigneaux s'accordent tout ainsi.
Voilà que c'est (*Morel) la doulce poësie
M'accompagne par tout, sans qu'autre fantaisie
En si plaisant labeur me puisse rendre oisif.
Mais tu me respondras : donne, si tu es sage,
De bonne heure congé au cheval qui est d'aage,
De peur qu'il ne s'empire, & devienne poussif.