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*Gordes, j'ay en horreur un vieillard vicieux,
Qui l'aveugle appetit de la jeunesse imite,
Et ja froid par les ans de soymesme s'incite
A vivre delicat en repoz ocieux.
Mais je ne crains rien tant qu'un jeune ambicieux,
Qui pour se faire grand contrefait de l'hermite,
Et voilant sa traïson d'un masque d'hypocrite,
Couve soubs beau semblant un coeur malicieux.
Il n'est rien (ce dit-on en proverbe vulgaire)
Si sale qu'un vieux bouq, ne si prompt à mal faire
Comme est un jeune loup : & pour le dire mieux,
Quand bien au naturel de tous deux je regarde,
Comme un fangeux pourceau l'un desplaist à mes
yeux,
Comme d'un fin renard de l'autre je me garde.
Tu dis que *Dubellay tient reputation,
Et que de ses amis il ne tient plus de compte :
Si ne suis-je Seigneur, Prince, Marquis, ou Conte,
Et n'ay changé d'estat ny de condition.
Jusqu'icy je ne sçay que c'est d'ambition,
Et pour ne me voir grand ne rougis point de honte,
Aussi ma qualité ne baisse ny ne monte,
Car je ne suis subject qu'à ma complexion.
Je ne sçay comme il fault entretenir son maistre,
Comme il fault courtiser, & moins quel il fault estre
Pour vivre entre les grands, comme on vid aujourdhuy.
J'honnore tout le monde, & ne fasche personne,
Qui me donne un salut, quatre je luy en donne,
Qui ne fait cas de moy je ne fais cas de luy.