Instincto Magazine, décembre 1989, n° 24 ; Editorial par G.-C. Burger
Une année encore qui finit de s'écouler, lourde celle-là en événements de toute espèce. L'année, certes, où l'on a le plus parle d'instinctothérapie, dans les médias comme dans le public. L'année du scandale, on peut le dire. Jamais autant de journalistes ne s'étaient unis pour tirer à boulets rouges sur la secte des mangeurs de cru, les affublant de tous les maux de la création, et ça continue encore à petit feu... Le dernier numéro de la revue Actuel vient d'y ajouter sa touche : pour conclure un reportage destiné a dénoncer la farandole de charlatans réunis a Marjolaine, ce journal, qui se veut objectif, consacre une bonne demi-page a Montramé, petit manoir qui, parait-il, « compte deux cadavres dans le placard, des fidèles de Burger morts, certes, de mort naturelle, c'est la moindre des choses, mais sans certificat de décès ».
Comme le disait Voltaire: « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ». Avec une différence, cependant. De son temps, une rumeur se répandait par le bouche à oreilles et s'oubliait a peu près aussi vite qu'elle mettait de temps pour se généraliser. Aujourd'hui, elle se répand d'antenne à téléviseur, ou de journaliste a grand public en un tour de rotative, ce qui change complètement le problème. Les médias s'étant faits les champions du téléphone arabe et les brocanteurs du scandale, marchandise la plus rentable, le moindre faux bruit qu'on lance contre vous se répercute, s'amplifie, déferle à la vitesse grand V sans que vous ayez le temps de réagir et restera définitivement implanté dans les esprits. Chaque canard reprenant le cancan du précédent, avec l'obligation d'y rajouter son grain de sel ou d'hellébore pour justifier le réchauffage, c'est finalement un véritable mythe qui s'installe. Mais un mythe contre lequel on ne peut rien. Car le public, qui ne sait pas que les journalistes copient les uns sur les autres comme les cancres a l'école, croit pouvoir s'assurer de la vérité de ce qu'il lit, entend, ou voit en images, en faisant les recoupements entre autant de sources différentes. Délicieuse illusion qui vient à point satisfaire les appétits que chaque citoyen éprouve pour le mal à dire d'un autre citoyen...
Bref, c'est bien connu et largement vérifié par l'expérience, notre société se nourrit de fantasmes et de ragots, et ce sont forcément les choses neuves et marginales qui en font les frais.
Face à des balivernes comme celles qui circulent autour de nous, deux questions méritent toutefois un instant d'attention : d'où sont parties les rumeurs qui ont amorcé la pompe ? (la pompe funèbre, en l'occurrence...) Et deuxièmement : le public est-il vraiment dupe ?
Si l'on s'amuse à suivre à rebours l'histoire des soi-disant morts de Montramé, que trouve-t-on : un grand "placard", en effet, paru dans le Monde et signé Anne Chemin, qui parlait de personnes décédées par manque de soins, en insinuant, sans l'affirmer, la responsabilité de l'instinctothdrapie. Habile stratégie qui permettait au journal de vendre sa marchandise sans risque, vu qu'un sous-entendu ne constitue, à priori, pas une diffamation. Preuve en fut la désinvolture avec laquelle la rédaction du quotidien refusa de donner la moindre suite au droit de réponse que nous avions introduit, pourtant par la voie légale (y compris 3000 F de frais d'huissier !). A vrai dire, une rectification n'aurait pas apporté grand chose, car en un temps record, c'est toute une cascade de journaux qui avaient sauté sur l'occasion : gourou, secte et compagnie, le pain béni pour un public toujours avide de conforter ses propres fantasmes et de se débarrasser des questions gênantes, comme en pose malheureusement notre expérience.
Comment expliquer autrement la hâte avec laquelle furent écrits tous ces articles, sans aucune vérification quant a la véracité des faits, à part un ou deux journalistes consciencieux dont les rectifications restèrent noyées dans la masse. Et aujourd'hui encore, on vous remet ça comme s'il s'agissait de choses établies. Avec de nouvelles insinuations qui prendront corps avec le temps pour constituer de nouvelles certitudes.
II est pourtant clair que le zèle de la Justice n'aurait pas laissé pour compte des morts dont je serais responsable, ou qui n'auraient pas bénéficié des formalités réglementaires. II y a longtemps qu'elle les aurait sorti du "placard" pour y mettre le coupable en sûreté. Un homicide involontaire est tout de même plus grave qu'un « Ciel mon mardi » !
Quelles étaient en fait les sources du Monde ? Il est toujours désagréable de rappeler de mauvais souvenirs, mais il faut tout de même dire ce qui est : c'est dans un article publié par un certain journal baptisé "L'éveil instinctif" qu'Anne Chemin avait trouve matière à endormir ses lecteurs, article inspiré d'un certain Docteur F. qui s'employait a vanter les vertus de l'hypotoxique, donc par nécessité à régler son compte a l'instinctothérapie d'origine. On y citait effectivement un décès par suite de paludisme, mais sans dire que la victime avait décidé de se soigner par le jeune à l'exclusion de tout médicament, et le cas d'une autre personne, également décédée à la suite d'un jeune, prescrit celui-là par ce même Docteur F. dans le but de lui débloquer les émonctoires, ainsi qu'en témoignent les fiches d'ordonnance figurant actuellement à mon dossier. Vu de l'extérieur, jeune et instinctothérapie se rangent dans le même panier, ce n'est pas la journaliste du Monde qui allait enquêter pour dénoncer l'amalgame ! Précisons que ces personnes ont pratiqué le jeune à domicile, donc loin de Montramé, et sont décédées après hospitalisation de sorte qu'elles été l'objet de certificats de décès parfaitement réglementaires.
On ne peut que s'étonner du paradoxe de la situation : la rumeur qui s'est constituée met a notre charge les résultats de méthodes contre lesquelles nous avions précisément pris position. J'ai personnellement toujours considéré le jeune imposé comme dangereux et recommandé l'écoute attentive de l'instinct. Le fond même de notre philosophie implique la méfiance face à l'interventionnisme, et en particulier face à l'interventionnisme gratuit des médecines dites naturelles. Mais les amalgames et les paradoxes ne gênent nullement la rumeur. L'aubaine était trop belle pour ceux que dérangeait une démarche d'apparence antimédicale et antigastronomique, il suffisait de rajouter quelques traits classiques de naturomanie comme la suppression de l'insuline ou la malnutrition prolongée pour corser le tableau, finalement c'est même la Justice qui se sentait obligée d'intervenir, par peur d'être accusée de laxisme...
Quelle leçon tirer de semblables événements ? Eviter que de faux bruits n'aillent amorcer de nouvelles rumeurs, ce qui signifie supprimer les calomniateurs, voilà qui parait difficile. Etre plus prompts à la réaction pour dénoncer les mensonges, ce n'est pas facile non plus, surtout si l'on tient compte des lenteurs et des frais inhérents aux procédures de droit de réponse ou de diffamation. Aller plus fort dans la mise en oeuvre de bruits positifs, voile qui pourrait être plus efficace, preuve en est l'émission de Dechavanne qui a dans une large mesure retourné la France en notre faveur - mais ce n'est pas tous les jours mardi. Peut-être également vacciner l'opinion, cheque fois que l'occasion s'en présente, en dénonçant les procédés que peuvent utiliser nos détracteurs - le risque est alors de nous présenter comme les victimes de groupes d'intérêts ou comme les martyrs d'une société rétrograde, ce qui a pour effet une relation de compassion et finalement un isolement social peu favorables à notre action.
Personne n'a jamais trouvé de remède miracle contre la rumeur. Rien n'est pire que la fermeture des esprits a des idées nouvelles. Comme le disait le général Patton, lorsqu'on fait quelque chose de nouveau, on s'expose aux critiques de trois classes d'individus : ceux qui font la même chose, ceux qui font le contraire, et ceux qui ne font rien du tout...
II reste a se demander dans quelle mesure le public est dupe des bruits qui peuvent circuler sur un individu. Tout dépend des circonstances. Si l'instinctothérapie était une affaire de charlatans, je ne donnerais pas cher de notre avenir. Le lecteur moyen avale ce qu'on lui sert comme du petit lait, pourvu que cela entre dans les schèmes qui sont les siens. Gourou, secte, escroquerie sont justement de ces boutons sur lesquels il suffit d'appuyer pour que tout le monde entonne la même chanson. Les réactions de masse qui se déclenchent ainsi sont celles qui ont engendré l'Inquisition et tous les massacres de l'Histoire. En d'autres termes, les partisans du cru seraient définitivement cuits.
Dans le cas présent, je ne vois qu'une porte de sortie, mais une toute grosse porte : la porte du tribunal qui, médias a l'appui, permettra de remettre les pendules à l'heure publiquement, même s'il faut encore patienter de nombreux tours de cadran... II y aura sans doute à lutter plus que jamais contre les fantasmes et les idées préconçues, mais nous disposerons au moins du droit à la parole. Alors que pour l'instant, on nous écrase sans nous donner le moyen de nous défendre. Le dossier, demandé depuis longtemps, n'a toujours pas été transmis, en d'autres termes, nous ignorons toujours ce qu'on nous reproche et je n'ai même pas été interrogé sur le fond. L'asphyxie lente continue.
Mais nous avons du souffle. Je ne sais quel journal s'étonnait récemment de la résistance du "gourou au poumon d'acier". Expression mal choisie car je respire par les voies les plus normales. Ce que nos détracteurs n'ont pas encore compris, c'est que l'instinctothérapie a l'ossature particulièrement solide : le bavardage ne suffit pas pour mettre au placard une évidence, fut-elle trop en avance sur son temps...
Croire au cru par Anne Chemin Extrait du journal "Le Monde" du mercredi 8 juin 1988, pages 23 & 24
Croire au cuit Réponse de Guy-Claude BURGER à l'article du journal "Le Monde" du 8 juin 1988