Courrier du lecteur par J-J. S., extrait de Instincto-Magazine n° 25-26 janvier-février 1990
Instincto, ou tentant de l'être, depuis octobre 1984,
je serais contraint ou forcé plutôt omnicrudivore, mangeant ce dont j'ai envie. Le manque quasi total d'odorat fait, en fait, que je ne sélectionne pas mes aliments comme vous tous. Je mange au pif. Etant seul chez moi a pratiquer, cela ne facilite pas les problèmes de choix. J'achète les aliments qui me plaisent. En somme, je fais un peu mes menus.
Agé maintenant de 64 ans, j'ai été perturbé entre 30 et 40 ans par de nombreuses BRONCHlTES ASTHMATlFORMES. Puis entre 40 et 60, presque plus rien.
Depuis le cru, c'est-à-dire 5 ans, j'ai de nouveau fait 6 bronchites. 2 se sont arrêtées spontanément au bout de 15 jours à 3 semaines. Pour les 4 autres (dont 2 en 88 et 1 en juillet 1989), j'ai dû au bout de 3 à 4 semaines de patience ingurgiter des antibiotiques. Avec regrets mais j'ai du le faire. Et je recommencerai si cela s'avérait indispensable. Six bronchites, c'est beaucoup. Pendant la dernière, pas d'appétit, j'ai maigri de 5 kg.
Je me débats donc dans des difficultés. Suis-je le seul ? C'est peu probable. Voilà donc où je veux en venir:
1. Pour le plus grand bien de tous, il serait hautement souhaitable que les colonnes de notre revue soient ouvertes à ceux qui rencontrent des difficultés dans l'application de l'instincto. Difficultés ne veut pas dire échec, mais des étapes parfois douloureuses. L'expérience des uns servirait à tous.
2. Ainsi, si d'autres instinctos ont eu les même troubles que moi et s'en sont bien sortis, peuvent-ils m'écrire personnellement et me faire part de leur expérience et comment ils ont réussi a vaincre les obstacles: aliments de déblocage dans ce cas d'affection pulmonaire, par exemple.
3. S'approvisionner en aliments bio quand on est seul s'avère très difficile à mettre en oeuvre. La conservation des aliments à la bonne température, au bon degré d'humidité et pendant la durée optimale n'est pas forcément très facile d'application, surtout avec des aliments nouveaux. J'ai rencontré des difficultés, pourquoi pas d'autres.
Dans le dernier numéro d'Instincto-Magazine, il y avait une approche de ce problème. Mon point de vue est que les fournisseurs devraient imprimer une double page sous forme de tableaux, la mettre à jour deux fois par an en fonction de nouveaux aliments ou de mises au point rectificatives constatées. Et enfin l'envoyer de temps en temps avec les livraisons. Enfoncer le clou en somme.
J.-J. S.
Pratiquer l'instincto sans odorat est par définition une gageure. Les malaises qui apparaissent correspondent justement aux "crises d'élimination", parfois très violentes, que l'on constate avec le crudivorisme. La régulation spontanée qui se produit par l'instinct olfactif est essentielle (à cote des réactions du type dégoût) si l'on ne veut pas partir à la dérive dans toutes sortes de réactions exagérées. La meilleure solution pour les personnes souffrant d'un manque total d'odorat consiste a "goûter-cracher" un nombre suffisant d'aliments au début de chaque repas afin de choisir celui qui répond le mieux au besoin du corps. Cette précaution peut paraître mineure, en réalité, elle joue un rôle décisif, autant que, si vous êtes sur la route, le fait de corriger a chaque instant la position du volant de votre voiture: c'est la rectification permanente de la direction qui permet de rester sur la route, alors que si on laisse par exemple un bébé manoeuvrer le volant au hasard, on se retrouve vite dans le décor.
C'est exactement ce qui arrive avec une instincto mal pratiquée: les réactions qui, dans de bonnes conditions, restent bien contrôlées par le corps s'emballent, deviennent insupportables, douloureuses, voire dangereuses, et l'on se voit oblige de recourir à des médicaments pour s'en débarrasser. C'est d'ailleurs une sorte de cercle vicieux qui s'installe et qui a déjà valu à nombre d'à-peu-prèsistes de dérailler complètement. II suffit par exemple d'une faille dans l'approvisionnement pour que la régulation instinctive soit mise en défaut, au bout d'un certain temps des réactions s'installent, on se sent moins bien, on "accroche", on perd confiance dans la méthode, on la pratique de ce fait avec moins de rigueur, on se sent encore plus mal, on s'en va finalement trouver un médecin qui accuse automatiquement le cru (a juste titre, puisque c'est le cru qui a réveille les réactions), et qui, ne pouvant comprendre que c'est la mauvaise application de l'instinct qui est en cause, accuse l'instinctotherapie en bloc...
Nous retrouvons là ce qui s'est produit à l'origine d'une certaine "dissidence" il y a quelques années. Pensant faciliter l'extension de l'instinctotherapie à un public plus large, un médecin s'était mis a recommander l'utilisation de la viande du commerce, prétendant pour des raisons théoriques (erronées ! ) que cela ne pouvait avoir beaucoup d'influence. Ou encore lorsqu'un certain J-J. Besuchet s'était mis à vendre à tout le groupe suisse des petits raisins séchés à trop haute température. Il y en a encore eu bien d'autres. Au bout de peu de temps, ce fut chaque fois le déraillement complet: l'instinctothérapie restait théoriquement la méthode idéale, mais elle était déclarée inapplicable, seuls des conseils médicaux (payants !) pouvant pallier les défaillances de l'instinct.
Au départ de ces dérapages, on trouve toujours une minimisation de l'importance d'une application correcte des règles de l'instinct.
Cela se comprend aisément par la difficulté que représente le changement d'attitude profonde nécessaire pour renoncer a l'intervention du mental et retrouver la confiance dans le corps. Nous avons tous subi des dizaines d'années d'apprentissage du non fonctionnement de l'instinct, puisqu'il ne fonctionne pas dans les conditions culinaires. Une fois qu'on ne peut plus faire confiance à l'instinct, il ne reste que le mental pour se sécuriser, et cela, nous l'avons aussi exercé pendant des années. II est bien normal qu'une force inconsciente énorme cherche à nous ramener constamment à cette position qui, par surcroît, est cautionnée par toute la société qui nous entoure.
II est regrettable que notre lecteur, au moment où il voyait ses bronchites s'installer, n'ait pas pris contact avec Montramé (tout en se plaçant sous contrôle médical) afin de déterminer quels facteurs étaient a l'origine du dérapage et de les corriger. La reprise correcte de l'instinctothérapie se montre généralement, dans les cas de ce genre, plus efficace et plus rapide que les antibiotiques.
Encore quelques remarques sur le texte de notre correspondant: les bronchites qui avaient disparu pendant 20 ans sont réapparues avec le changement d'alimentation. Ceci peut s'interpréter comme une sortie de tolérance entraînant une élimination par une voie déjà ouverte auparavant, ce qui est une règle très générale.
Certaines bronchites se sont stabilisées spontanément: l'organisme est donc capable de contrôler ce genre de réaction. Si l'on peut alors définir les facteurs à cause desquels il n'en est pas capable dans d'autres cas, on est en droit de considérer ces réactions comme organisées et donc utiles, au même titre que d'autres processus vitaux. Cette conception nous libère alors de la notion de maladie, que l'on sent encore très présente dans la façon de penser de notre lecteur.
Aucune étape sur la voie de l'instincto ne doit être douloureuse:
L'expérience montre en effet que la douleur (même morale) est toujours le résultat d'une erreur. II faut alors ne pas se décourager et rechercher l'erreur.
L'utilisation de substances étrangères à l'organisme comme les antibiotiques peut être utile pour interrompre une réaction mal contrôlée, en cas d'urgence ou d'incapacité de remonter à la cause, mais il ne faut pas s'étonner que l'organisme recommence la réaction sous la même forme ou sous une forme voisine dès qu'il en retrouvera la possibilité. Ceci explique les bronchites à répétition, qui apparaissent en fin de compte plutôt comme une preuve de vitalité.
II est erroné de croire qu'un aliment qui a eu un effet bénéfique dans un cas particulier sera recommandable dans un autre cas de même type. Les besoins du corps et l'ensemble des processus qui se cachent derrière des mêmes symptômes sont d'une complexité telle que les généralisations sont toujours perdantes. On ne peut pas prévoir quel aliment apportera les éléments souhaitables, ni a quel moment ces éléments seront appropriés. La connaissance des propriétés d'un aliment pousse de ce fait toujours a négliger d'interroger l'instinct avec des aliments dont on pense qu'ils sont moins souhaitables, et ce sont souvent, surtout dans les cas difficiles, les aliments auxquels on pense le moins qui sont les plus indiqués. Toutes les "dissidences" sont précisément tombé es dans ce travers. Mettre en contact les personnes qui ont des difficultés n'est pas forcement favorable, car le découragement peut se révéler contagieux, surtout dans un domaine si difficile que la discipline alimentaire. Mais les colonnes de notre journal sont ouvertes à tous ceux qui le désirent et qui sont prêts a oeuvrer de manière constructive (même s'ils sont critiques !).
II est vrai qu'un répertoire des aliments et de leurs caractéristiques de conservation manque encore à notre panoplie. L'instinctotherapie ne résout pas les problèmes de surmenage, du moins pas quand on dépasse les 24 heures de travail par jour......