Extrait de Instincto Magazine n° 37-38, janvier-février 1991, Chronique par G.-C. Burger
C'est une rencontre fort intéressante que je viens de faire avec Jean-Yves Collet, réalisateur du film "Le Peuple Singe". Un homme épris de nature, d'une très grande honnêteté intellectuelle, conquis au premier coup par notre démarche de retour aux lois naturelles, instincto et méta. Grand amateur de durians, il intriguait les indigènes, lors de ses voyages, par un appétit peu commun pour ce fruit chez les gens de race blanche. Ancien vétérinaire, Jean-Yves Collet a aussi derrière lui toute une formation scientifique. L'un des travaux qu'il a menés à terme nous touche de près, car il remet en cause toute la notion de pathologie telle qu'elle est admise par la médecine dite officielle. Il s'agit d'une recherche sur un micro-organisme unicellulaire trouvé dans les crottes de gorilles, le Troglodytella gorillae. Une première publication scientifique datant de 1929, faisait état de la présence de ce parasite et du rôle qu'il jouait dans les diarrhées, parfois mortelles, observées chez les singes en captivité. C'était donc un organisme pathogène, thèse confirmée par la découverte de cellules épithéliales (provenant de la muqueuse) dans la lumière intestinale, et restée admise officiellemnt pendant un demi siècle.
De plus, ce parasite était identifié même dans les crottes de gorilles sauvages; ce qui prouvait, en passant, que la nature était "mauvaise", siège d'un éternel combat entre forces antagonistes cherchant à se détruire les unes les autres, jusqu'à l'intérieur des organismes. Seulement voilà : Jean-Yves Collet, en examinant les choses de plus près - même de terriblement près puisqu'il fit une grande partie de ses observations sur le microscope électronique à balayage, dont était doté le centre de recherches tropicales de Booué au Gabon - constata deux faits capitaux qui démentent complètement la thèse classique et s'intégrent parfaitement à la nôtre : les gorilles sauvages, bien qu'ils aient des Troglodytella dans leur intestin, n'ont jamais de diarrhées. Leurs crottes, parfaitement régulières, ont au contraire une agréable odeur de fleurs ou d'herbes sèches. Et, deuxièmement, le microorganisme incriminé joue un rôle non négligeable dans l'assimilation de la cellulose, d'où la possibilité pour ces gorilles de digérer des herbes ou des écorces aussi dures que du carton, donc une capacité de survie augmentée dans des biotopes qui ne sont pas toujours les meilleurs.
Ceci démontre que les diarrhées observées en captivité ont été attribuées indûment à ces parasites. Des nutritionnistes avisés, confrontés aux matières anormales qui sortaient du tube digestif de ces malheureux animaux, auraient dû s'interroger sur la qualité des matières qui s'y introduisaient à l'autre bout : c'est à dire sur la qualité de leur alimentation. Mais non : la diarrhée est un "symptôme", elle doit s'expliquer par la présence d'un "agent pathogène". On sait bien que l'alimentation joue "un rôle tout à fait secondaire". C'est la logique médicale la plus élémentaire. Des parasites sans effet nuisible, se nourrissant simplement aux dépens de leur hôte, sont dits "saprophytes" (sans rapport avec l'homonyme "ça profite"). La médecine en reconnaît de nombreux, tels toute une série de bactéries dans la flore intestinale. Mais le Troglodytella fait mieux que cela : il coopère aux fonctions vitales de son propriétaire, en abritant de nombreuses bactéries celluloleptiques et en participant même par ses propres enzymes à cette digestion bénéfique des fibres végétales. Jean-Yves Collet a en effet démontré que ce microorganisme est capable de digérer la cellulose après avoir été débarrassé des bactéries qui l'habitent ordinairement. C'est en fait une étonnante symbiose à trois étages entre animal pluricellulaire, protozoaire de relative grande taille et bactéries beaucoup plus petites, à laquelle nous assistons là.
La complexité de la nature devrait nous inciter à une certaine humilité dans notre manière d'interpréter les phénomènes naturels. Les intentions "malfaisantes" que la médecine prête à des entités dont elle ne comprend pas la signification, ne correspondent pas forcément à la réalité. Nous l'avons déjà constaté pour des bactéries jouissant d'une réputation pathogène pourtant bien établie comme le staphylocoque doré ou pour divers virus jusqu'à celui du sida. Une fois l'alimentation corrigée, ces microorganismes semblent participer à des mécanismes utiles, comme la détoxination sanguine ou cellulaire. La chose pourrait paraître plus étonnante encore lorsqu'il s'agit de "parasites" de plus grande taille. Le Troglodytella est environ 10 000 fois plus lourd qu'une bactérie. L'organisme d'un mammifère aurait-il pu s'adapter à utiliser et à multiplier un tel visiteur pour en tirer profit ?
Les mystères de la vie sont plus impénétrables que ne le voudrait notre science analytique.
Il nous faut d'abord aller voir si d'autres parasites microscopiques, comme par exemple le Candida Albicans, ne sont pas également des éléments utiles. La médecine n'a apparemment pas d'autre théorie à nous proposer que celle de l'agent pathogène, ni d'autre traitement que des sirops à base de fongicides. Or, ces champignons microscopiques s'installent très régulièrement dans le tube digestif du bébé dès les premiere jours après la naissance ; voilà qui plaiderait plutôt en faveur d'une programmation, donc d'une symbiose. Tout comme le fait que les candidoses disparaissent au bout d'un certain temps avec la pratique de l'alimentation naturelle. Plus difficile encore est le raisonnement lorsqu'il s'agit de parasites macroscopiques comme l'oxyure, l'ascaris ou le ténia. Là, nous avons à faire à des rivaux plus inquiétants et, de nous sentir assiégés à l'échelle qui est la nôtre, nous renvoie aussitôt à l'image de la guerre entre espèces. Le ténia veut nous tuer, nous devons tuer le ténia pour recouvrer notre intégrité. En fait, la médecine n'en sait rien. Les quelques malaises que l'on ressent sous l'influence de ces parasites pourraient fort bien appartenir à des processus plus généraux pour lesquels le corps les utilise. Les rares cas, cités par le dictionnaire médical comme des cas d'école, où une multiplication démesurée d'ascaris a conduit un patient sur la table d'opération, ne permettent pas, même s'ils frappent les esprits sensibles, de conclure à la pathogénécité de ces némathodes. II peut s'agir d'un défaut de fonctionnement des mécanismes de régulation impliqués dans un processus de symbiose, et non d'une défaillance face à une agression. La question qui se pose est donc celleci : l'oeuf de ténia qui se développe le fait-il parce que les défenses de l'organisme sont insuffisantes ou, au contraire, parce que l'organisme a besoin de cet hôte insolite pour accomplir une tâche qui nous échappe ?
Toutes les hypothêses sont permises. Le développement de ténias s'observe non pas forcément chez les consommateurs de viande contaminée, mais plutôt chez les personnes ayant tendance à manger trop de viande ; on pourrait imaginer ceci : le ténia, pour être toléré à l'état de cysticerque par le boeuf (ou le cochon), doit etre constitué de protéines proches de celles de son hôte ; quand nous mangeons trop, ou trop régulièrement, du boeuf (ou du cochon), le passage de protéines provenant de ces animaux dans notre sang (sans doute sous forme de tronçons incomplètement digérés, c'est à dire de peptides) peut induireun état de paralysie immunitaire (tolérances), qui peut avoir de graves conséquences sur notre santé, par exemple le vieillissement précoce et les maladies auto-immunes; il est donc plausible que l'organisme laisse alors se développer un parasite dont les protéines, émises à partir de l'intestin, peuvent l'aider à réveiller son système immunitaire; ce sont en effet des protéines voisines de celles qui ont induit une tolérance qui pourront induire une sortie de tolérance, ouvrant la voie à l'élimination des proteines étrangères accumulées pendant la période de tolérance.
Quoiqu'il en soit, avant de s'inquiéter de la présence d'un parasite et d'absorber des toxiques pour s 'en débarrasser, il faut envisager l'hypothèse d'un processus utile qu'il serait regrettable d'interrompre. Aucune statistique médicale ne nous permet de savoir si les patients traités contre le ténia ont fait plus ou moins de cancers ou de maladies auto-immunes que ceux qui ont attendu la mort naturelle de leur protégé... Mais il faut encore se demander autre chose, et ce sera là notre deuxième voie de réflexion : pourquoi notre médecine est-elle si prompte à coller sur le premier animacule venu l'étiquette de pathogène ? C'est en fait toute l'optique pasteurienne qui est remise en cause par une constatation comme celle de Jean-Yves Collet. Un micro-organisme que l'on croyait pathogène depuis cinquante ans et contre lequel on était prêt à traiter les malheureux gorilles, leur était en fait utile. Chaque fois que l'on a considéré un microbe comme pathogène au cours de l'histoire de la médecine, on a pu commettre la même erreur. Ce qui frappe, c'est l'absence de toute thèse antagoniste. II y a bien sûr les travaux de Béchamp, mais le gros du public pas plus que la médecine ellemême, ne leur ont prêté attention. Peutêtre parce que, dans le référentiel culinaire, les bactéries réhabilitées étaient trop souvent liées à des troubles graves. II suffit de voir comment de petites dérogations aux règles de l'instincto suffisent à emballer des processus qui restent sinon parfaitement contrôlés.
II y a eu récemment, pour citer les deux cas les plus superbes, un petit bébé de Munich (dont les parents prétendent par ailleurs avoir enseigné l'instincto) qui a développé une orchite, inflammation et infection très dangereuse, simplement parce qu'il recevait du jus de noix de coco sucré au miel dans son biberon ; le trouble disparut en effet dès que cessa cette pratique. Un autre cas d'emballement, lié celuilà au jus d'orange, est celui d'un garçon d'une dizaine d'années qui développa un abcès au cerveau, avec toutes les conséquences qu'on imagine; là aussi, le phénomène a été directement lié au facteur alimentaire. Il est bien clair que toute l'angoisse liée par des siècles d'expériences à des maladies qui nous font encore peur aujourd'hui, la peste, la typhoïde, la syphylis et tant d'autres, nous gêne lorsqu'il s'agit de raisonner objectivement. II en serait tout autrement si ces maladies s'étaient manifestées à l'époque sous des formes bien contrôlées, comme lorsque nous observons les troubles liés aux différents agents pathogènes dans le cadre d'une alimentation naturelle. Mais cette peur n'explique pas tout. Vu le nombre de chercheurs qui se sont penchés sur le problème, on peut s'étonner que la thèse de l'agent pathogène ait à ce point prévalu. Le postulat du processus utile et de la symbiose microbienne aurait pu se développer parallèlement à la thèse pasteurienne et amener à rechercher les causes du mal ailleurs que dans la méchanceté présumée d'animacules microscopiques.
Pourquoi tant de résistances à mettre en cause le facteur culinaire ? Il est clair que le fait d'accuser la gastronomie, fondatrice de notre culture, n'est satisfaisant ni pour l'esprit ni pour le tube digestif. Mais c'est à mon sens encore tout autre chose qui pousse les psychismes à adhérer sans condition au modèle pasteurien. II faut remarquer que celui-ci s'est développé au dixneuvième siècle, juste à l'époque où, par suite des changements intervenus dans les moeurs, l'oedipe était plus fortement refoulé que dans les siècles précédents. Les interdits sexuels implantés au dixhuitiËme siècle n'avaient fait qu'aggraver la névrose, et, avec elle, l'image du tiers destructeur. L'enfant, si l'on en croit Freud et ses disciples, voit dans son père celui qui détruit l'amour qu'il a éprouvé pour la mère. De même l'adulte, confronté à la maladie, cherche quelque part le responsable de sa souffrance, le tiers malfaisant qui tend à le détruire. Dans les cultures animistes c'est évidemment l'esprit maléfique qui occupe cette place : l'âme de l'ancêtre outragé ou de l'ennemi du clan, voire le diable ou le démon.
Depuis Pasteur l'agent pathogène a pris le relais : source d'angoisse irrationnelle, chargé d'omnipotence destructrice, cible des fantasmes de meurtre qu'incarnent les médicaments toxiques, le méchant microbe est le décalque immédiat de l'image du père qui provoque la souffrance amoureuse, contre lequel l'enfant reste impuissant, et qu'il poursuit alors de ses fantasmes de meurtre. Je ne sais ce qu'en penserait le grand Sigmund. II est vrai que cette explication ne figure dans aucun ouvrage psychanalytique de ma connaissance. Néanmoins, elle mérite un instant de réflexion. C'est en effet cette forme de distorsion présente dans les psychismes qui ouvre la voie au pouvoir médical. Elle fait naître une angoisse excessive face à des éléments naturels qu'il suffit de présenter comme malfaisants pour que seul cette fois le bon père, revêtu d'une blouse blanche symbolisant ses pouvoirs bénéfiques, soit en mesure de nous protéger. L'esprit critique qui devrait être celui de chaque malade est emporté par le courant de ses angoisses intérieures, il se sent faible et abandonné devant la toute puissance du mal, un mal insaisissable caché dans le microscopique, et il ne doit son salut qu'à la confiance et à la soumission qu'il témoigne à l'homme de l'art, omniscient et omnipotent. La recherche médicale glisse ellemême dans ce travers. Dès qu'on découvre une entité quelque peu mystérieuse, comme c'est le cas de ce qu'on ne peut apercevoir à l'oeil nu, on ressent comme un besoin d'en faire la cause du mal. En fait le schéma du tiers destructeur règne en maître sur la pensée médicale. Le patient est là face à son corps qu'il voudrait aimer et protéger, le microbe a l'intention de le détruire, le seul salut se trouve dans la destruction du microbe (ou de la cellule cancéreuse devenue méchante). Comme s'il était pris dans une douloureuse histoire d'amour, rempli de peur et de haine face à un rival dangereux, le chercheurn'est plus en mesure de prendre le recul nécessaire pour s'interroger sur l'ensemble des forces en présence. L'hypothèse d'un processus utile, dans lequel la fonction du microbe se dérèglerait par exemple sous l'effet du facteur alimentaire, ne lui vient même pas à l'esprit. Si vous évoquez cette possibilité, il vous envoie sur les roses comme on y envoie le médiateur qui dérange les adversaires en plein combat. C'est en fait l'oedipe refoulé qui a façonné notre medecine moderne. L'occultation des notions d'équilibre naturel ou d'harmonie vitale derrière le grand fantasme de l'agent pathogène, l'engouement planétaire pour la thèse pasteurienne, sont les conséquences directes de nos problèmes psychanalytiques. Les contradictions internes de la médecine, l'obsession du vaccinalisme, l'impasse des antibiotiques, l'échec de la recherche sur le cancer et les maladies auto-immunes, tout montre le nonsens des postulats en vigueur. Même l'engouement, à son tour irrationnel, pour les médecines naturelles, dont les procédés ressentis comme une ultime source de salut sur le fond de l'échec allopathique, ne sont pas soumis non plus à une critique objective.
Remarquons en passant que la place donnée à l'alimentation résulte du même processus : l'alimentation représente la mère, donc le pôle d'amour dans la constellation triangulaire de l'oedipe. Comment pourraitelle être la cause de nos souffrances ? La structuration psychique propre à l'oedipe refoulé nousÐinterdit de la mettre en cause. Nous le constatons tous les jours par les résistances que fait surgir dans les esprits l'hypothèse de l'inadaptation génétique à l'art culinaire. L'image de la molécule pathogène d'origine alimentaire est de ce fait beaucoup moins gratifiante que celle du microbe pathogène. II manque le moteur inconscient qui devrait pousser le chercheur à démasquer le coupable. Sauf peutêtre chez ceux qui auraient eu une mère particulièrement castratrice. Ces quelques réflexions semblent, à première vue, incapables d'apporter une solution : le complexe d'oedipe refoulé est la constante de toute culture, le dogme le plus fondamental de toute civilisation "digne de ce nom", que même Freud n'a jamais remis en cause. Aucun espoir, donc, de sortir de la situation dans laquelle nous enferment nos structures psychiques... Pas forcément : lorsqu'une constante prive un problème de solution, le mathématicien la fait varier jusqu'à ce que les choses s'arrangent. L'hypothèse de l'oedipe non refoulé mérite d'être examinée par les théoriciens de la morale et de la psychologie comme toute autre hypothèse. C'est ce que je tente de faire dans le cadre de la métapsychanalyse. Nous pouvons mesurer par l'exemple médical qui précède, la profondeur des transformations dont bénéficierait notre société, par le biais d'une telle remise en question. Là comme dans l'instinctothérapie, il s'agirait de remonter à la cause des causes et les noeuds les plus inextricables se dénoueraient comme par enchantement ...