Instincto Magazine, mai 1999, n° 85 ; Chronique par G.-C. Burger

Maladies cardiovasculaires, diabète, cancer : Soupçons sur les sucres !

Après le pain et le lait, maintenant les sucres au banc des accusés... Décidément, il ne faut pas exagérer, mettre ainsi en cause les uns après les autres les aliments les plus conventionnels !
Surtout que sucres au pluriel signifie glucides en général, et non seulement sucre blanc. Ce sont donc tous les féculents, les farineux, les céréales, le pain, les pâtes, les pommes de terre, et non seulement le sucre raffiné ou les confiseries, qui devraient être soupçonnés ?
Ou encore les fruits sucrés eux-mêmes, les bananes, les kakis, les raisins et tout ce que la nature a su inventer pour nous rendre alléchants les hydrates de carbone nécessaires à notre survie ?
Autre connexion surprenante : que les maladies cardio-vasculaires et le cancer soient mis en rapport avec la consommation de glucides. On comprend la chose pour le diabète, mais comment serait-il possible que les sucres, considérés par la diététique comme la base la plus sûre de notre alimentation, rivalisent soudain avec les graisses, mises à l'index depuis longtemps dans la genèse des deux plus grandes maladies de civilisation ?

Il a fallu mobiliser 40 000 hommes et 88 000 femmes, inflrmières et médecins, pour arriver à cette hypothèse révolutionnaire que nous livre la très sérieuse revue SCIENCES ET AVENIR de ce dernier mois de février. Jusqu'ici, les nutritionnistes officiels, aux États Unis par exemple, recommandaient une sorte de pyramide : une base de glucides, pain, céréales, riz, pâtes, à consommer à volonté plusieurs fois dans la journée, un premier étage de légumes, à raison de 3 à 5 portions par jour, un deuxième étage avec les fruits, au rythme de 2 à 4 fois par jour, un quatrième étage réunissant lait, laitages, oeufs, avec 2 à 3 portions par jour, et au grenier les graisses, huiles et sucreries à consommer avec parcimonie. Et voilà qu'il faudrait tout à coup reléguer le rez-de-chaussée au grenier, enfermer la base de la pyramide dans son sommet ?

La diététique sens dessus dessous : ce sont les mathématiciens qui ont réussi ce tour de force. Car les statistiques sont formelles. Un grand nombre d'études indépendantes, dites «épidémiologiques» arrivent à des conclusions similaires. On ne peut plus tout mettre sur le compte des graisses, comme on s'était habitué à le faire, il faut reconsidérer la partie la plus fondamentale de l'alimentation traditionnelle en tant que cause possible de nos maladies de civilisation les plus graves.

Ces inquiétudes nous viennent tout droit de l'université de Harvard, l'une des plus réputées du monde. Elles ne sont donc pas gratuites comme tant d'autres conseils diététiques - elles risquent même de coûterr très cher aux grands cartels de l'alimentation si elles se répandent dans le public... Pour qu'une revue sérieuse comme Sciences et Avenir accepte de publier un article bousculant à ce point les idées reçues et les intérêts financiers, il faut qu'il soit bien étayé.

Nous autres instinctos pouvons nous amuser de voir à quel point le gigantesque échafaudage de connaissances mis en place par la médecine et les sciences de la nutrition est fragile. Une nouvelle découverte, et tout est à recommencer. Ce que l'on a cru vrai pendant une génération s'inverse pour la suivante, avec pour conséquence que la première a été induite en erreur et que les deux le paient dans leur chair : les règles diététiques que l'on s'est efforcé d'appliquer, au prix d'une lutte quotidienne contre gourmandise et problèmes de budget, pour élever ses enfants et leur garantir la santé, s'avèrent soudain la cause des pires maladies et des pires dangers pour leur avenir...

Mais ne nous réjouissons pas trop vite : chaque découverte qui s'avise de surgir dans l'arène de la science médicale est aussitôt récupérée et réinterprétée dans les schémas de raisonnement dominants, de manière, à garantir l'occultation des vrais problèmes que pose l'alimentation traditionnelle. Les glucides s'avèrent mathématiquement en rapport avec certaines pathologies ? Au lieu de s'inquiéter quant à la nature de ces glucides, quant au fait qu'ils sont nouveaux dans l'histoire de l'alimentation humaine, que le sucre raffiné a remplacé le miel, que les céréales et les pommes de terre ont envahi nos tables au détriment des fruits et des légumes, que les aliments glucidiques n'ont pas forcément la même valeur après cuisson qu'à l'état naturel, on en reste aux raisonnements simplistes de la diététique: lorsque vous absorbez un repas sucré, votre pancréas sécrète de l'insuline destinée à faire passer les sucres du sang dans vos cellules; un excès de glucides dans l'alimentation entraîne un excès d'insuline dans le sang; et c'est soudain cette hormone naturelle qu'on accuse d'être à l'origine des pathologies en question. Ainsi, point n'est besoin de remettre en cause les principes de base de l'art culinaire.
Néanmoins, un autre phénomène, que nous avons décrit depuis longtemps, est enfin sorti de l'ombre : la «résistance» à l'insuline. Ceux qui ont suivi mes séminalres Instincto II s'amuseront à la lecture de cet article. Le phénomène est, paraît-il, très répandu dans les pays développés et en augmentation dans les pays en voie de développement. Nos scientifiques n'en donnent pas d'explication. ils se contentent de le décrire : le pancréas sécrète des quantités d'insuline de plus en plus grandes; les cellules restent de plus en plus sourdes aux sollicitations de cette hormone; le maintien d'un taux normal de glycémie nécessite alors des taux d'insuline anormalement élevés; comme on voit apparaître dans ces cas diverses pathologies, on attribue ces dernières aux effets nocifs de l'insuline. Il faut donc réduire les rations d'aliments riches en glucides et, pour couvrir les besoins en calories. augmenter les rations de graisses, dont on connait pourtant les effets délétères. En d'autres termes, le malheureux consommateur, qui a stupidement besoin de manger pour vivre, tombe de Charybde en Scylla.

J'ai tout de même un malin plaisir à voir les chercheurs s'emmêler les pinceaux d'une manière aussi spectaculaire. Comment se fait-il qu'aucun ne pense à l'hypothèse pourtant évidente de l'inadaptation génétique aux aliments non originels ? Il suffit de postuler qu'il y a dans les aliments traditionnels des molécules auxquelles notre métabolisme n'est pas adapté génétiquement pour prévoir ce qui peut se passer : les molécules que les enzymes disponibles ne peuvent pas dégrader ont tendance à s'accumuler dans l'organisme. Un glucide détérioré par les réactions chimiques culinaires, par exemple une molécule de glucose qui aurait perdu un atome d'oxygène, peut fort bien être absorbée par une cellule, puis stationner dans le plasma cellulaire si la cellule ne dispose pas de l'enzyme nécessaire pour la transformer ou pour s'en débarrasser.
Cette idée, bien que négligée par les chercheurs contemporains, est confirmée par le cas du 2-désoxyglucose, comme (note AP «connu ?») pour s'accummuler dans les cellules cérébrales.

Que se passe-t-il alors en présence d'une forte consommation d'aliments sucrés dénaturés par la cuisson ? Le nombre des molécules dénaturées qui restent prises au piège dans les cellules augmente avec le temps, la cellule, de plus en plus saturée de sucres inutilisables, refuse l'ordre que lui donne l'insuline et ne laisse pas entrer de nouveaux sucres : ainsi se fait jour une apparente résistance à l'insuline, forcément plus fréquente dans les pays à forte consommation de mets riches en glucides, et croissante dans les pays qui adoptent progressivement les habitudes alimentaires occidentales.

Quant aux conséquences macroscopiques de cette situation : plus les cellules sont encombrées par des molécules parasites non métabolisables, plus les désordres fonctionnels sont nombreux, et plus il y a lieu de s'attendre à voir apparaître des manifestations pathologiques : adipocytes gonflés de déchets responsables de l'obésité, formation de plaques d'athérome dans les artères et accidents coronariens ou cérébraux, désorganisation des mécanismes de la multiplication cellulaire et voie ouverte au cancer...

J'ai pour ma part le sentiment que l'élévation du taux moyen d'insuline joue un rôle tout à fait secondaire dans la genèse de ces troubles: l'insuline est une hormone naturelle contre laquelle les cellules sont naturellement armées. Alors qu'on peut prévoir qu'une cellule soit profondément perturbée dans ses mécanismes vitaux lorsqu'elle est encombrée par un imbroglio de molécules non prévues dans ses mécanismes vitaux.

Malheureusement, les deux causes envisagées plus haut ne se distinguent pas lorsqu'on fait l'étude statistique de leurs incidences pathologiques en fonction de différents régimes. En effet: le taux moyen d'insuline dans le sang s élève anormalement lorsque les cellules sont encombrées par des glucides non métabolisables; et l'encombrement des cellules par des glucides non métabolisables s'agrave lorsque le taux d'insuline dans le sang est plus élevé que la normale. Les deux facteurs étant toujours concomitants, on pourra attribuer le trouble observé indifféremment à l'un ou à l'autre, au gré de la théorie explicative que l'on appliquera. Or, la médecine occulte systématiquement l'existence de molécules non métabolisables dans l'alimentation courante : elle ne peut donc s'en prendre qu'au taux excessif d'insuline, alors que celui-ci est en fait une conséquence de l'accumulation de molécules dénaturées dans les cellules.

Le taux d'insuline dépend aussi de la quantité d'aliments à haut index glycémique consommée quotidiennement (l'index glycémique se mesure par la quantité de glucose passant dans le sang en cours de digestion). Pour abaisser le taux d'insuline rendu responsable de tous les maux, les diététiciens recommanderont alors de dimminuer les rations d'aliments sucrés, dont ils chantaient pourtant précédemment - I'importance vitale. Ne pouvant comprendre l'origine de la résistance des cellules à l'insuline, vu qu'ils ne savent pas que celles-ci peuvent être encombrées de glucides non originels, il leur est impossible de donner les recommandations correctes qui consisteraient à éviter les aliments contenant des glucides dénaturés. La diététique s'achemine donc une nouvelle fois vers une impasse en poussant les consommateurs à se rabattre sur les graisses et les protéines, au lieu de leur conseiller simplement la consommation d'aliments glucidiques correspondant aux données génétiques de l'organisme.

Une comparaison permettra de saisir immédiatement le quiproquo. Imaginons qu'une ville soit approvisionnée par des porteurs qui distribuent à chaque habitant sa ration d'aliments quotidiens. Si, pour une raison quelconque, les aliments sont rendus immangeables, les habitants n'arriveront plus à en consommer une quantité normale. Ils laisseront traîner dans leur cuisine les surplus inutilisables. Aussi longtemps qu'il y aura assez de place disponible, ils pourront accepter les aliments remis par les porteurs. Mais lorsque l'encombrement dépassera une certaine limite, ils refuseront les aliments qu'on leur propose, et les porteurs se verront obligés de les presser à les accepter pour se débarrasser de leur fardeau. Ainsi apparaîtra dans la ville une résistance des habitants à accepter les colis quelle que soit la pression des porteurs (résistance à l'insuline) ainsi que des comportements anormaux lorsque les habitations seront trop encombrées (manifestations pathologiques dues à l'intoxication cellulaire), et finalement une impossibilité de s'alimenter normalement, donc un état général de famine (ainsi s'explique la fringale de sucres que l'on observe chez les diabétiques, alors que les sucres sont censés leur être nuisibles).

Que faudrait-il faire, dans notre ville métabolisme, pour ramener la paix et permettre aux habitants de se mouvoir normalement ? Ne donner aux porteurs que des aliments comestibles (des glucides originels), et aider les habitants à débarrasser leurs cuisines des colis encombrants (favoriser la détoxination). Voilà malheureusement des notions qui mettront sans doute plusieurs générations avant de passer dans l'enseignement médical...

A cela s'ajoute encore le fameux problème des fibres végétales. On constate que les personnes qui consomment plus d'aliments riches en fibres présentent moins de problèmes de santé. On sait par ailleurs que les fibres ralentissent la pénétration des sucres dans le sang. La diététique recommande alors une plus grande consommation d'aliments riches en fibres. par exemple pain complet, légumineuses, flocons d'avoine.

Là encore se glisse une confusion lourde de conséquences: les statistiques ne distinguent pas entre les différentes sources de fibres: elles mettent dans le même panier les céréales cuites et les fruits crus, par exemple. Or une bonne part des personnes qui consomment davantage de fibres consomment une plus grande quantité de fruits que la moyenne. Sachant que les fruits contiennent des sucres bien adaptés aux données génétiques du métabolisme humain, ces personnes jouissent d'une meilleure santé. On voit immédiatement le quiproquo s'installer : au lieu d'attribuer le mieux à la consommation de sucres naturels, on l'attribue à la consommation de fibres, et l'on recommande alors des préparations riches en fibres, comme les céréales et les légumineuses cuites, sans égard au fait qu'elles ne correspondent pas aux données génétiques de nos organismes. D'où une aggravation de toutes sortes de pathologies pour tous les consommateurs peu portés sur les fruits, sans que personne ne comprenne le pourquoi de la situation.

Aussi longtemps que les sciences de la nutrition ne distingueront pas les aliments originels, disponibles dans la nature depuis des millions d'années, des aliments non originels, étrangers à la plage alimentaire qui a présidé à l'élaboration de notre génétique, les recherches les plus sophistiquées conduiront à des mesures aberrantes. La découverte du rôle des graisses dans la genèse des maladies cardio-vasculaires a conduit à restreindre les rations de lipides et, aux dernières nouvelles, les statistiques démontrent qu'une très faible consommation de graisse multiplie le risque de cancer du sein par deux. La découverte de l'effet pathogène des glucides conduit à une consommation renforcée de lipides, donc à une relance des maladie cardio-vasculaires, ou à une consommation exagérée de protéines avec les conséquences gravissimes que l on sait sur le système immunitaire. Le jour où une nouvelle étude épidémiologique mettra en lumière les effets néfastes de l'excès de protéines, il faudra dire aux consommateurs de ne plus rien manger du tout.

Il ne peut en être autrement, car l organisme n'est pas adapté génétiquement à la plupart des aliments traditionnels. On trouvera donc toujours de nouvelles études épidémiologiques pour en démontrer les nuisances. Au bout du compte, les découvertes des nutritionnistes doivent forcément conduire à les exclure tous de l'alimentation quotidienne. A la longue ne resteront en principe que les aliments originels : la recherche scientifique ne peut que conduire à l'instincto...

C'est bien ce qui m'est arrivé personnellement: expériences, observations, raisonnements théoriques m'ont conduit très vite à l'hypothèse de l'inadaptation génétique aux aliments non originels. Il n'y a aucune raison pour que la recherche institutionnelle n'arrive pas aux mêmes conclusions. Un tel aboutissement paraissait encore très lointain, il y a quelques années. Mais les choses vont plus vite que nous n'aurions pu l'espérer.
Lisez simplement la conclusion de l'article publié dans Sciences et Avenir, signée par le Dr David Ludwig de l'École de médecine de l'Université de Harvard: «A I'époque, les adultes consommaient rarement, voire jamais de céréales et d'aliments riches en amidon, mais beaucoup de fruits et de légumes. C'est de cette alimentation-là dont il faudrait se rapprocher pour rester en bonne santé».

Voilà clairement définie l'alimentation paléolithique. Et si quelqu'un s'en est déjà rapproché, sans perdre des décennies à tergiverser dans ces terrains vagues de la recherche analytique. ce sont bien les instinctos...

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