par Christian Burger, extrait de Instincto Magazine, N° 76, janvier-mars 1997
«Clac ! Clac !» Ces deux coups secs retentissent rappelant en plus dur les trois coups d'une scène de théâtre, et toute l'assemblée se lève prestement et respectueusement devant la Cour qui fait gravement son entrée. Nous sommes le mardi 17 décembre 1996, au Palais de Justice de Paris. Guy-Claude se prépare à vivre son deuxième jugement, en appel, pour «l'affaire instincto» .
Depuis 13h30, nous attendons silencieusement dans cette petite pièce surchauffée où il est interdit d'ouvrir la fenêtre, de boire ou de grignoter, même en l'absence des robes noires et des cols d'hermine. Sont présents avec nous: Maître Voyer qui nous défend depuis notre arrivée à Montramé en 1983, Maître Pétillot, bras droit de Maître Vergès, Hubert Chopin (...), venus aimablement apporter leur soutien moral, moi-même, Christian Burger, et bien sûr le principal intéressé, Guy-Claude Burger.
Sur le bureau de la Cour, se trouvent les huit dossiers à traiter ce jour-là. L'un d'entre eux détone particulièrement de par sa taille, c'est le nôtre. Vu sa grosseur, il sera traité en dernier «pour ne pas ennuyer les autres personnes de l'assistance ». Monsieur le Conseiller du Président de la Cour mène rondement les débats, incitant telles parties à cohabiter plutôt qu'à régler leurs différends de voisinage à coup de fusil de chasse, ou tente de faire un peu de lumière dans une sombre affaire de vol en grande surface ou de fausse dénonciation par des vigiles trop zélés... Le ton est presque bon-enfant, hormis lorsque le téléphone portable d'un inculpé se met à sonner au beau milieu des débats, obligeant l'intéressé à sortir vivement de la salle; à son retour, le Président du Tribunal de lancer, avec toute la superbe caractérisant sa fonction, qu'il ne faudrait pas confondre Palais de Justice et central téléphonique ! Le procureur de la République ne semble pas trop agressif et le Président écoute silencieusement les questions et les réponses, parfois dignes d'un scénario des Inconnus.
Seize heures finissent de sonner au clocher de l'église voisine et la Cour réinvestit les lieux après une brève interruption de séance procurant quelque repos et permettant de réviser rapidement le dossier suivant. Il est bien étrange de voir qu'en France, la partie supposée neutre se réunit et prépare les affaires suivantes avec l'Accusation...! Dans d'autres pays, le Président se retire avec les autres juges, pendant que le Procureur reste avec la défense; il y a plus de risques d'étincelles, (bien que ces gens-là sachent fort bien se contrôler), mais, au moins, l'impartialité a plus de chances de prévaloir !
Ce début d'audience amène un premier changement: c'est soudainement Monsieur le Président de la Cour qui dirige les débats et son Conseiller ne dira plus un mot de l'après-midi. L'esprit bon-enfant du début de séance a disparu, et le ton a aussi changé. Il s'agit de retracer le parcours juridique de l'instincto, et d'énoncer les pièces majeures du dossier. La colère que l'on ressent de la part des représentants de la Cour, -absente du côté du Procureur qui reste imperturbable et silencieux-, provient-elle précisément de l'absence de pièce disponibles dans ce dossier imposant qu'il a pourtant bien fallu parcourir avant la séance ? Il n'est certainement pas très confortable de devoir se baser sur du néant pour juger quelqu'un...!
Nous commençons par revivre l'arrivée de Guy-Claude en France en 1982, les cours à la faculté de médecine de Bobigny, la création de Montramé, la demande d'agrément pour douze lits faite auprès de la DDASS à l'époque où le Docteur Fradin était à Montramé, les publications et livres traitant d'anopsologie, d'instinctothérapie, d'instinctonutrition et de la relation faite avec d'éventuelles améliorations ou guérisons de maladies; les bénévoles travaillant à Montramé, la beauté des lieux, les rapports tendus avec les responsables de l'hôpital voisin... une définition sommaire de l'instincto, être à l'écoute du goût et de l'odorat, le jugement du tribunal de Melun en début de l'année dernière ayant débouché sur un double appel, celui du parquet et le nôtre.
Nous entendons ensuite un grand nombre de citations extraites des articles écrits par Guy-Claude ou par ses collaborateurs (incluant ceux de médecins agréés comme le Professeur Seignalet ou le Professeur Moeller), se référant à l'amélioration de certaines maladies par le simple fait du changement d'alimentation, sans oublier la fameuse étude statistique réalisée (...) dans notre cellule de recherche (...) pour évaluer l'impact de l'instincto sur le SIDA. Tous ces extraits sont évidemment utilisés pour prouver que l'instincto équivaut à une pratique médicale. Suit une liste de réponses faites par les différents responsables de Montramé, dont Nicole Burger, lors des différents interrogatoires effectués au fil des ans, et d'appréciations fort mitigées de certains responsables médicaux de la région, le tout assaisonné par les dires peu flatteurs de personnes éminentes, tel le Professeur Rosenbaum, clamant haut et fort, sans même s'être donné la peine d'essayer de savoir ce qu'était réellement l'instincto, que cette pratique était «charlatanesque»... En fin de liste, le Président rappelle brièvement la liste impressionnante de lettres de soutien à Guy-Claude et de témoignages de médecins et de patients présents dans le dossier, mais pas une seule bribe n'en sera lue ni même résumée.
Et, finalement, le débat commence. Guy-Claude est déjà resté plus d'une heure debout, sans aucun droit à la parole, entendant remodeler sa vie et celle de l'instincto avec de nombreux ajouts de sauce médicale, sur fond de charlatanisme. Le vif du sujet s'exprime par un jet de projectiles oraux de la part du président de la Cour, par une succession interminable de questions ambiguës et sournoises, par une attitude ouvertement sarcastique... Difficile de rester calme dans un tel déploiement de mauvaise foi, mais Guy-Claude répondra avec la plus grande maîtrise de soi, expliquant encore et encore le fondement de son expérience, de ses recherches, de sa vie...
Comme le laissa à juste titre remarquer Maître Pétillot, bras droit particulièrement efficace de Maître Vergès -s'adressant toujours à la Cour-: «tous les moyens, y compris les questions de la Cour, ont été employés pour le [Guy-Claude]faire craquer. Avec votre alimentation, vous soignez des gens, vous êtes donc un guérisseur et on n'en veut pas en France. Mais vous ne parviendrez pas à le déstabiliser! Non pas parce qu'il est trop intelligent, mais parce qu'il ne le fait pas !
Tout le dossier repose encore et toujours sur un vide énorme; plus de neuf ans de recherches, d'interrogatoires et d'enquêtes tous azimuts, et rien qui puisse donner lieu à une condamnation. Alors toute l'argumentation de l'accusation - en l'occurrence toujours le Présideent de la Cour...- se base sur les textes écrits par Guy-Claude et sur les témoignages d'autres médecins ayant remarqué les bienfaits de l'instincto sur eux-mêmes ou sur des patients lors d'expérimentations cliniques; tout ce matériel est utilisé comme une preuve pour prétendre avec insistance que l'instinctothérapie constitue un acte médical. Le fait de prétendre qu'une alimentation naturelle agit de manière générale sur la santé revient à établir un diagnostic généralisé... Il n'est pas concevable que le corps sache établir son propre diagnostic grâce à son nez et à sa perception gustative, quelqu'un -en l'occurrence Guy-Claude- doit forcément dire à chacun ce qu'il doit manger, prescrire tel aliment, interdire tel autre, donner des recommandations, en d'autres termes, participer au traitement médical.
Dans cette logique quelque peu illogique, la confiance apportée à l'époque à un médecin -un certain Dr Fradin-, préconisant un passage à l'instinctonutrition par étapes successives et divers contrôles des émonctoires, devient une preuve de l'intention de pratiquer la médecine de manière illicite, et d'avoir à payer pour les éventuelles erreurs de tels. Le Président: «Vous avez fait confiance à ce médecin.» GCB - Mais... n'était-ce pas justement mon devoir de faire confiance à un médecin ? Le Président: - Oui, mais il avait adopté vos idées. GCB - Au contraire: le jeûne et les prescriptions sont contraires aux principes de l'instinctothérapie...
Le fond du problème est là, bien justement exprimé par le Président du Tribunal : «L'instincto dérange », et tout un chacun cherche une voie «autorisée» pour nous le faire comprendre ! A une question de Guy-Claude ayant fait état de ses découvertes et demandant ce qu'il aurait dû en faire, s'il eût mieux valu rester dans son coin et les garder pour lui et laisser le Monde Scientifique et la Recherche passer un temps précieux à découvrir ce que, lui, avait déjà remarqué - n'oublions pas que pendant ce temps c'est la vie des gens qui s'en va au fil des nombreuses maladies pour lesquelles la médecine n'a souvent pas encore découvert de remède , il lui fut rétorqué: «on ne vous demandait rien ! Bel exemple d'objectivité qui, s'il avait perduré au fil des siècles nous aurait permis de vivre sur une Terre plate évoluant autour du soleil, au centre de l'univers; on ne saurait pas qu'il existe des bactéries parce que l'on ne demandait rien non plus à Pasteur qui n'avait pas le Diplôme de l'Ordre des Médecins ! Triste ambiguïté de la Science entre intérêt fondamental et intérêts individuels.
L'Avocat Général, prenant finalement la parole à la suite des plaidoiries prononcées par chacun de nos deux avocats, fit remarquer, avec un humour quelque peu cynique, «que les temps avaient changé et que Burger ne risquait plus le bûcher...» Il résuma ensuite à nouveau le déroulement de l'instincto depuis son arrivée en France, laissant à chacun la liberté de manger ce que bon lui semble mais avec une condition implicite: «qu'il ne soit jamais dit que ce changement de nourriture lui permettrait d'améliorer - voire de guérir...cela deviendrait charlatanesque - son état de santé...!». De citer ensuite le cas d'un malade très grave, renvoyé à l'hôpital dix minutes après son arrivée au Château parce que le médecin appelé d'urgence l'avait prescrit, et c'est une bonne raison pour punir l'inventeur d'une alimentation si dangereuse ! Les recherches réalisées à Montramé par son laboratoire (URCA) pour étudier la relation entre instincto et maladie se présentant sous la forme d'un travail médical, et voilà la preuve d'une indication de traitement ! Et si des personnes cherchent à Montramé l'espoir d'une amélioration de leur pathologie, il est alors évident que Montramé se livre à des actes thérapeutiques, -réservés par l'article 372 du code pénal exclusivement aux médecins dûment diplômés. Une théorie débouchant sur un résultat implique forcément une intention et un acte, répréhensible dans le cas de Guy-Claude Burger qui n'est pas médecin. Or, la peine prononcée par le Tribunal de Melun d'interdiction pendant trois ans de «pratique» et de parole n'étant plus fondée, l'inculpé n'opérant plus sur le sol français, Guy-Claude Burger habitant et «prodiguant» désormais à l'étranger, il est devenu plus judicieux d'utiliser l'article voisin N°376 demandant une amende de 50 000 francs et 3 mois d'emprisonnement avec sursis.
Il est évidemment frustrant d'interdire à une personne de s'exprimer, et d'apprendre que les gouvernements voisins ne sont pas aussi intransigeants... alors, au moins, que tout cet effort rapporte quelques deniers à la Nation !
Après ce réquisitoire étrangement flou du procureur, Guy-Claude, en qualité d'inculpé, a le privilège du dernier mot. Il clôt alors la séance par ces paroles qui sèment un long silence d'honnête réflexion au sein des juges et de la salle tout entière:
Il est plus de 19h00 lorsque 1'audience se termine. Les avocats sont furieux de la mauvaise foi évidente affichée par la Cour, et songent déjà à se pourvoir en cassation en cas de jugement défavorable. Si le Tribunal devait suivre la demande de l'Avocat Général et prononcer une condamnation le 21 janvier 1997, il serait alors fortement risqué pour quiconque de conseiller à ses voisins d'arrêter de fumer pour tousser moins, ou de faire du sport pour perdre quelques kilos ou pour éliminer ses toxines. N'allez surtout pas non plus affirmer, comme on l'entend pourtant partout, que les pommes sont bonnes pour faire baisser le taux de cholestérol, ni que le saumon cru est profitable pour la diminution des maladies cardio-vasculaires; vous risqueriez de passer par la paille humide des cachots...!
L'instincto se voit donc accusée de propos qu'elle ne tient à aucun moment puisque aucun aliment spécifique ne sert à réduire une pathologie particulière. Il s'agit simplement de remettre le terrain dans un état plus favorable, en mangeant différemment, et le corps se charge du reste... Si vous découvrez soudain un nouveau moyen pour entretenir votre moteur correctement, seuls les garagistes pourront se plaindre de ne plus avoir à le décrasser...! Mais le but de votre véhicule est-il d'avancer librement, ou de se faire réparer à tout bout de champ ? Voici la question toute simple posée par l'instincto. C'est aussi ce qui en fait une question de droit fondamentale, car, derrière cette interrogation évidente, ne se trouve pas un seul homme agissant en «gourou du cru», mais la multitude que nous constituons, nous, qui, de près ou de loin, nous sentons inévitablement concernés par ce problème fondamental...