Chroniques d'un voyage sur les traces de Marco Polo (suite)
L'Iran et le Pakistan

ruines de Persépolis, porche de Xerxes Ruines de Persépolis. La Porte des Propylées de Xerxès 1er avec ses animaux-gardiens, des taureaux ailés qui laisent passer les hauts digniaires, les nobles perses et mèdes après avoir gravi le large escalier permettant de monter sur la terrasse.


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Carte montrant la traversée des pays de l'Asie Centrale, de la Turquie à l'Inde en passant par l'Iran, le Pakistan et l'Afghanistan).

sur les traces de Marco Polo en Asie




Ruines de Persépolis visitées en 1964
ruines de Persépolis, ApadanaIran

ruines de Persépolisruines de Persépolis

19 janvier, entrée au Pakistan
Iran

Après le passage des contrôles de police, nous sommes en pleine aventure, lancés sur la piste. A un passage à niveau, nous lisons l'inscription suivante: "This gate is usually closed for 10 minutes, if you have some complain, please, sign the complain book", mais le livre de plaintes est introuvable. Les postes de contrôle se succèdent et nous ne savons plus à quel pays ils appartiennent; si c'est la police, la douane, le service de santé, rien ne l'indique. Les pistes se divisent dans ce no man's land qui sépare les deux frontières et nous devons tourner en rond pour trouver le poste frontière. En cours de route, nous apercevons un vieux soldat édenté qui surveille une clôture, il s'approche de nous et il nous demande: Whisky, haschich, check in, avec un sourire interrogateur. Nous croyons que c'est le contrôle douanier officiel. Sur ses épaulettes, le mot "EXCISE" est inscrit. Plus tard, nous comprendrons qu'il voulait qu'on lui donne l'un de ces articles un échange de l'ouverture de la barrière qui nous donne accès au Pakistan. Cet intermède ressemble à un épisode d'un opéra-comique. Depuis le passage de la frontière de l'Iran, j'ai des "flashs", des images qui pourraient figurer dans un film comico-tragique. Il y a du Kafka, de l'absurde dans tout cette situation. La route est longue, solitaire jusqu'au poste frontalier officiel. Là, il nous faut attendre 3 heures, l'arrivée des officiers douaniers, pendant lesquelles nous faisons une partie de carte sous le soleil avec les habitants et les fonctionnaires. Notre entrée au Pakistan est des plus insolite, digne d'un épisode du "salaire de la peur". Nous passons finalement la douane et les sevices de police; là, nous rencontrons un groupe de jeunes voyageurs en route vers les soi-disant paradis artificiel de Katmandu.

Puis c'est la course folle à la recherche d'essence, le breuvage essentiel et qui meuble nos esprits depuis le début de ce périple infernal. Les réservoirs sont à sec, la militia ne veut pas nous aider, les fonctionnaires du service des routes prétend qu'il y a disette, finalement nous aboutissons au poste de télécommunications où nous devrons passer la soirée en tête- à-tête avec une poignée d'ingénieurs pédés, à l'esprit étroit, puritains; nous devons faire des efforts d'humilité incroyables pour ne pas envenimer la conversation, accepter de faire des bassesses intellectuelles dans l'espoir d'obtenir l'essence tant convoitée pour nous rendre jusqu'à Quetta. Finalement, à 10 heures, on nous confirme que nous aurons droit à 3 gallons d'essence, à un prix majoré, essence prise sur les réserves du poste et financée par le gouvernement. Cela nous fait une belle jambe. Ils nous aurons fait patienter tout ce temps, pour le plaisir de faire la conversation avec de rares étrangers, sans doute.

20 janvier, le Pakistan, Quetta.
Nous quittons les lieux sans regret, avec devant nous, 150 kilomètres d'une longue et harassante route. L'essence tire à sa fin et avant Dalbandin, je réussis, à force d'une patiente persuasion et beaucoup de diplomatie, à obtenir 2 gallons d'essence d'un camionneur qui passait par là. J'ai laissé derrière moi, sans le savoir, un Peter embourbé dans les sables de la route. Il arrive finalement, fâché contre moi. Depuis 7 jours que nous roulons sur ces routes maussades, la température commence à monter. Avant Dalbandin, nous retrouvons enfin l'asphalte, quoique dans un état pitoyable, nous bénissons l'absence de poussière. A Dalbandin, contre tout espoir, nous trouvons de l'essence, ce merveilleux liquide plus précieux que l'eau. C'est l'euphorie, il semble que le soleil est entré dans nos coeurs. Toutes nos arrière-pensées s'évadent. Nous faisons route sur Quetta. Les dunes de sables recouvrent partiellement la route. Nous devons nous arrêter pour la nuit à Nushki. Parqués sur les terrains du poste d'essence, les curieux entourent nos véhicules. Ils sont sympathiques et accueillants. Plus tard, nous coucherons sur le terrain d'un guest house.

21 janvier, Quetta
Nous quittons au matin pour Quetta, où nous découvrons une ville pleine d'animation. Avec l'aide de "vendredi", un guide bénévole, nous échangeons de l'argent et faisons réparer nos pneus. Tout ici est très cher. Au taux officiel, un pneu vaut $45.00, une batterie $50.00. Nous prenons le déjeuner dans un restaurant et parcourons le marché, qui abonde de fruits et légumes. Le soir, après une courte parade dans les rues remplies de mendiants qui semblent là, beaucoup plus par plaisir que par nécessité. C'est la foire aux mendiants et nous avons l'idée de nous faire inviter pour le dîner. L'occasion ne tarde pas à se présenter. Un pakistanais nous aborde et il nous propose de nous faire goûter à la cuisine locale, ils nous invite d'abord pour le thé, où nous engouffrons gâteau sur gâteau. Nous irons plus tard terminer la soirée chez ces nouveaux amis, où nous jourons une agréable partie de cartes. Le lendemain, nous sommes invités pour le repas. De retour au camp, les barrières étaient fermées, il nous faudra escalader le mur d'enceinte.

22 janvier, Quetta
Nous nous levons tard faisons le ménage des véhicules, puis nous visitons le consulat afghan pour faire reviser nos visas. Le consul ne parle qu'allemand, mais nous aurons aucune peine à nous entretenir avec lui. A 16 heures, nous sommes au rendez-vous chez nos nouveaux amis qui nous attendent devant une table à carte; il nous faudra attendre jusqu'à 20 heures pour un magnifique mais "piquant" repas pakistanais, à base de riz. Le tout devra se terminer par une autre partie de cartes, longue et ardue.

23 janvier, départ de Quetta

Ce matin, nous acceptons l'invitation de notre hôte du bureau touristique à aller prendre le thé chez lui. Nous prendrons plaisir à regarder sa magnifique collection de souvenirs et d'antiquités. Nous passerons l'avant-midi en sa charmante compagnie. Il voudrait faire venir son fils au Canada. Je lui promets de m'occuper des formalités, et de lui envoyer les prospectus des écoles commerciales du pays. Il est un peu désenchanté du pays qu'il a aidé à créer puisque jeune, il a fait partie de la ligue musulmane. Il a du fuir Bombay puisque son nom figurait sur les listes noires des autoritiés locales. A Quetta, il est un peu comme un étranger; sa langue est différente de celle de ses concitoyens et ses parents sont restés en Inde.
Nous quittons Quetta et passons les postes frontières pakistanais non sans avoir subi une autre crevaison, ma dixième, depuis le début du voyage.



Marco Polo ou le voyage imaginaire (Voyages et photos de l'auteur, 1964 et 1967) © 2001 Jean-Pierre Lapointe

Suite du voyage en Afghanistan


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