Chroniques d'un voyage dans les pays d'Europe de l'Est
La Pologne

village de Torysky: Marie costumée en ukrainienne


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Carte montrant le trajet à travers la Pologne.

Carte Pologne



6 août, Pologne
Nous entrons en Pologne par le poste-frontière de Jelenia Gora. Les formalités sont sévères et l'on doit faire le décompte précis de nos devises étrangères. Nous faisons un décompte fictif inférieur à la réalité pour éviter toute tentative de vol. On nous oblige à changer, un certain montant à un tarif inférieur au tarif officiel de 25 zlotys pour chaque dollar et pour chaque journée de séjour en Pologne. Le marché noir offre 100 zlotys par dollar. Avec les coupons d'échange, nous obtenons 40 zlotys pour chaque dollar. Nous doutons de pouvoir dépenser tout cet argent. Dès notre départ du poste de douane, des auto-stoppeurs se joignent à nous. L'entrée du pays est similaire à notre entrée en Russie. C'est la région des Sudites. A Sobotka, nous recherchons la fameuse montagne sainte des Slaves qui nous paraît infranchissable. Elle se dresse là, devant nous, mais il nous est impossible de l'escalader et aucune indication ne nous guide, vers le sommet et les trésors que renferme l'église. Ce sera la première de nos expériences malheureuses avec les lieux touristiques polonais qui ne sont pas signalés ou qui sont difficiles d'accès et impossibles à atteindre si vous n'êtes pas accompagné d'un guide.

7 août, Katowice, Woclaw, Oswiecim.
En route pour Oswiecim, à l'entrée de Katowice, nous sommes arrêtés par la police. On fait un examen scrupuleux de nos papiers. On nous soupçonne de vouloir vendre l'auto en Pologne. Je suis un peu contrarié et, par dérision, je demande au policier s'il veut acheter mon camping-car. En passant la frontière, tous nos papiers ont été vérifiés et jugés en règle de sorte que nous sommes surpris de cette insistance à contre-vérifier tous nos papiers le long des routes locales; on a l'impression désagréable d'être revenu en Russie où le soupçon est une religion d'état. Bien que très novice avec la langue allemande, j'ai pu tenir cette malheureuse conversation en Allemand. Ce sera la langue de communication dans ce pays qui a pourtant subi l'oppression des nazis venus de ce pays voisin.

Nous atteignons Oswiecim ou de son nom mieux connu de Auschwitz. Le camp de concentration où sont morts plus de deux millions de Juifs et d'Occidentaux semble intact, et l'on peut visiter avec horreur, les chambres à gaz, les baraques et les clôtures toujours surmontées de barbelés et protégés de leurs sinistres miradors.

OswiecimOswiecim

9 août, Zapokane
Zapokane

Nous filons rapidement en direction des Tatras, ces majestueuses montagnes qui s'étendent le long de la frontière avec la Tchocoslovaquie. Nous nous arrêtons pour la nuit à Zakopane, célèbre station de montagne. Nous y découvrons son architecture montagnarde faite de rondins de bois qui n'est pas sans rappeler l'architecture équivalente que nous retrouvons dans les régions forestières du Canada. Ici cependant, les éléments sculpturaux prédominent, ce qui ajoute une touche très artistique à l'architecture locale. Nous retrouvons avec joie, ces fameuses boîtes en bois sculpté dont nous avons un exemplaire à la maison. Après une conversation animée avec une dame qui prétend que je gare mon véhicule sur un terrain qui lui appartient, j'obtiens finalement la permission d'y passer la nuit.

En contemplation devant mon camping-car, des touristes tchèques n'arrivent pas à comprendre la valeur économique d'un tel véhicule parmi les produits issus du système soviétique. On me croit riche ce qui m'indispose de sorte que si on me demande le prix du véhicule, je dois mentir pour m'ajuster aux valeurs économiques locales et éviter ainsi une conversation qui prendrait l'allure d'une comparaison fallacieuse entre nos systèmes politico-économiques, ce que j'évite pour ne pas susciter des jalousies illusoires.

10 août, Nowe Sacks
Nous quittons la merveilleuse région de Zakopane en direction de Cracovie en passant par Nowi Sacz où nous nous arrêtons pour la nuit.

11 août, Krakow
Nous reprenons la route au petit matin pour nous arrêter à Wieliczka juste avant Cracovie pour la visite des fameuses mines de sel datant du 17e siècle. À l'intérieur, on peut y voir des charpentes complexes en bois arrondis qui soutiennent les parois. Nous descendons très bas par des escaliers périlleux, à travers un enchevêtrement de structures en rondins de bois. On visite des installations souterraines, dont des musées, une église, des habitations, tout cela intégré à la mine de sel, formant ainsi une véritable ville souterraine où les travailleurs pouvaient demeurer et travailler pendant des mois, sans remonter à la surface.

Krakow

Visite de Cracovie, l'ancienne capitale royale de la Pologne: la vieille ville, le Square du Marché, l'église St-Adalbert, l'église des franciscains réformés, le musée Czartoryski. La ville est dominée par le château Wawel et la cathédrale où se trouvent les tombes des rois polonais. Nous passons de longues heures sur la grande place centrale de la ville, bordée de magnifiques bâtiments. Les habitants de Cracovie sont nombreux à parader et à se détendre parmi les pigeons.

12 août, Lodz
Nous quittons Cracovie en direction de Warszawa. En route, nous visitons la maison natale de Chopin aux environs de Lodz.

13 août, Varsovie
VarsovieVarsovieMarie à Varsovie

Départ rapide de Varsovie après la visite de la vieille ville et de l'intéressant musée de la ville. Nous y apprenons que la ville nouvelle n'a que 20 ans. Elle est née d'un immense champ de ruines, cadeau des bombardements, pour aboutir à ce qu'elle est aujourd'hui, une ville sans saveur et d'un faux modernisme. Pourtant, la vieille ville est intéressante à plusieurs points de vue, agrémentée par les contours de la rivière Vestale.

14 août, Grunewald, Olsztyn
En route pour Grunewald, nous ne retrouvons aucune indication pour nous situer l'emplacement du monument de la bataille de Grunewald, là où les Chevaliers Teutoniques ont été défaits par les Polonais en 1410. Nous repartirons sans l'avoir vu. À Olsztyn, nous faisons des démarches longues, harassantes et révoltantes dans le but de faire réparer un pneu. Nous aboutirons dans l'arrière-cour d'un bidonville miteux où un "artisan en caoutchouc" tentera d'accomplir le travail. Le service est d'une pauvreté navrante. Si j'avais un conseil à donner à tout voyageur, ce serait d'apporter avec soi, tous les services de dépannage routier, si cela est possible.

Nous arrivons finalement dans la région connue des lacs de Mazurie, parmi les canaux et rivières, les lacs Sniardwy et Mamry parmi la centaine de lacs de cette magnifique région. Nous traversons les villes de Bizicko et de Milolajki.

15 août, Gyzycko, Gerslo
Nous quittons Gyzycko au matin. La nuit a été longue. Nous sommes stationnés derrière un cimetière où semblent reposer d'illustres communistes. Durant toute la nuit, un convoi d'engins de guerre aura défilé sur la route tout près. Le bruit des blindés, sur la chaussée de pierre, est infernal, il nous tient éveillés et sur le qui-vive. Nous avons droit à quelques intervalles de repos par-ci par-là, puis c'est le défilé de blindés qui recommence de plus belle. La psychose de la guerre nous a rejoints. Au matin, le défilé recommence comme si toute l'armée de Pologne s'était donné le mot. Cette fois, ce sont des soldats en armes. Tout cet équipement, ces chairs humaines semblent se diriger bêtement vers un hypothétique terrain d'entraînement pour se préparer à une guerre d'invasion ou à la sauvegarde d'un système politique qui génère tant d'absurdité bureaucratique.

La Pologne qui aura subi la guerre de façon atroce en redemande encore, ou ce sont les maîtres de Moscou qui le leur impose et que le peuple n'a rien à redire sinon regarder défiler ses fils armés comme des polichinelles, et peut-être ont-ils peur de réagir? Cette démonstration ne peut que me faire penser à mon propre séjour dans l'armée et l'absurdité de l'entraînement que j'y ai reçu, dans un pays où l'armée n'est pas omniprésente, où la vue d'un soldat ou d'un tank est un événement rarissime.

Ici, la moindre garnison, toute enceinte ou barricade, tout campement militaire est gardé par des soldats en arme. Dans la rue, en ville, sur la grande place de Crakovie, nous l'avons vu, des soldats déambulaient, mitraillettes à l'épaule.

Aujourd'hui sur les routes polonaises, c'est le test ultime; j'utiliserai tous mes jurons favoris contre ces intrépides de la route qui conduisent à gauche, à droite, les yeux fermés ou enivrés par l'alcool.

Gerslo

À Gerslo, nous visitons le quartier général d'Hitler. C'est un immense champ de ruines. On y voit d'imposantes structures qui abritaient la bêtise et la folie; elles sont maintenant renversées, broyées, déchiquetées par le temps et les hommes. Au cinéma, on nous présente un court métrage sur la tentative d'assassinat d'Hitler. C'est un film saisissant qui a été tourné par les allemands. Les Polonais profitent de la présence des touristes à cet endroit pour propager une propagande hostile à l'endroit d'Hensinger, l'auteur de l'attentat qui est maintenant un haut gradé en Allemagne de l'Ouest.

16 août, Malbork
MalborkMalbork

Direction de Malbork. Nous coucherons à l'entrée d'une forêt solitaire et calme. Seule une route y pénètre que l'on voit à perte de vue. Il semble que nous dormirons enfin dans la paix et loin de la soldatesque. En effet, j'aurai eu une nuit de sommeil excellente. Au petit matin, c'est pourtant le remue-ménage, des intrus s'agglutinent autour de notre camping-car. C'est un va-et-vient de militaires, et nous apercevons une sentinelle armée à l'entrée de la petite route, nous constatons avec effroi que nous sommes à l'entrée même d'un camp militaire. Comme si nous avions des affections particulières pour l'armée!

En fin de journée, nous serons à Gdansk. L'arrivée dans cette ville du bord de la Baltique est une véritable révélation. C'est à notre avis, la plus belle ville de Pologne. Nous étions jusqu'ici déçus de ce que nous avions vu. La place de l'hôtel de ville se prolonge par une longue avenue d'une grande beauté. La ville de Gdansk, dont l'ancien nom allemand était, Dantzig, chef-lieu de la Prusse occidentale fait maintenant partie de la Pologne. C'est un port important sur la Mer Baltique et elle possède d'importants chantiers maritimes. Dans le port, nous pouvons voir le Batory, bateau de croisière polonais que nous voyons périodiquement à Montréal.

Nous faisons un détour vers Sopot. Ce village de villégiature est déjà bien ancré dans notre mémoire, par son festival de la chanson où plusieurs artistes québécois ont été invités. Nous sommes déçus au premier contact. Nous roulons en direction de Krynica Morska pour passer la nuit. Nous faisons monter 3 jeunes routiers sans le sou et, à l'aspect bohème, ils disent ne pas être communistes mais catholiques comme si cela devait nous intéresser. L'un d'eux dit s'appeler Jean Richard, un nom singulier pour un polonais. Il a une tête à la Belmondo, et son nom est déjà connu par la presse locale comme future vedette de la peinture.

17 août, Gdansk et Katy
Amis à Gdansk

À Westerplatte, lieu du début de la seconde guerre mondiale, nous rencontrons un jeune irakien, marié à une Polonaise. Nous rencontrons sa jeune épouse toute pimpante, attifée de vêtements flamboyants, des chaussures à semelles soulevées, l'air de paraître occidentale. Nous passerons la journée avec eux, dans leur petit appartement, à boire du vin, en compagnie de sa belle famille et d'un libanais, lui aussi, marié à une Polonaise. Le soir, nous devions aller au cinéma mais, par chance, les salles étaient remplies et nous abandonnerons ce projet à notre sourde satisfaction car nous aurions dû subir le supplice du visionnement d'un stupide film américain. La basse culture américaine se vend bien dans ces pays comme le "shewing gum" d'ailleurs. C'est un peu ainsi que les États-Unis gagneront la guerre froide, par les déchets de leur culture.

Ce soir, nous campons librement sur la bande de terre qui plonge dans la mer baltique et qui se prolonge jusqu'à Kaliningrad.

GdanskGdansk


18 août Gdansk et Sopot
GdanskGdansk

Nous explorons plus à fond Sopot, très bien cachée derrière l'autoroute, comme un secret bien gardé, il n'y a aucune indication routière pour nous y mener de sorte que nous en découvrons le centre par hasard. Nous nous promenons sur la jetée principale, littéralement noire de monde. On a l'impression d'être à une foire comme à L'Expo 67; mais il ne se passe rien en fait. Tout ce monde est là, parce qu'il y a du monde, sans plus, ou qu'il est hors de prix de se déplacer autrement qu'à pied. Et il y a de plus en plus de monde qui déambule, sans faire autre chose que déambuler. Nous quittons en direction de la cote.

SopotSopot

À Leba, nous recherchons vainement, pendant des heures, les fameuses dunes mouvantes, la ville engloutie ainsi que les rampes de lancement V-1 qui datent de la dernière guerre. Aucune indication ne nous révèle leur présence. cela nous exaspère et nous quittons brusquement les lieux, avec l'intention d'écourter notre voyage et de rentrer en pays plus civilisé. Il est certain que depuis notre entrée dans les pays socialistes, jamais, sauf pour une exception à Woclaw, nous n'avons pu obtenir des renseignements, des dépliants, des indications routières susceptibles de nous guider dans la visite des sites intéressants. Les agences du pays sont intéressées à nos devises mais semblent incapables de nous intéresser aux sites touristiques.

19 août, Szczecinek, Klodzko, Dusznikzdrov.
KlodzkoDusznikzdrov

Cette nuit, nous sommes réveillés par des hommes ivres qui bousculent notre camping-car. Nous sommes stationnés à l'entrée d'une forêt, isolée des habitations et nous avons un peu peur. Généralement, nous ne sommes jamais embêtés par la population locale et les sites sont libres d'accès puisqu'ils ne sont pas propriété privée comme c'est le cas en Occident. Nous conversons avec le clochard qui nous quitte finalement. Au matin, nous sommes réveillés par les canonnades des "forces armées" polonaises. Comme durant tout notre séjour en Pologne, nous sommes accompagnés par la pluie ou des manoeuvres militaires.

Dure journée, nous couvrons plus de 400 kilomètres en direction de la frontière tchèque. Nous traversons les villes en hâte, Poznam, Woclaw. Hier, j'étais déprimé et je m'étais promis de quitter le pays le plus tôt possible. Nous l'aurons traversé du nord au sud en une seule journée. À la tombée du jour, alors que nous recherchons un endroit pour garer et passer la nuit, nous sommes stoppés par un paysan dont le tracteur a été renversé par un chauffard. Accompagnés du paysan, nous partons en chasse du camionneur que nous rattraperons 5 à 10 kilomètres plus loin. Il y aura des discussions enflammées, des engueulades, puis je remènerai le paysan et le chauffard confus, sur les lieux du crime. Nous les quitterons en les laissant argumenter entre eux.

20 août, Zabkowice et repassage de la frontière pour une traversée en transit de la
Tchécoslovaquie.




Marco Polo ou le voyage imaginaire (Voyages et photos de l'auteur, 1968) ©2001 Jean-Pierre Lapointe
Musique serbe empruntée aux archites du Web.

Suite du voyage à Prague durant l'invasion par les troupes du Comecon


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