Le ramadan


«
O les croyants! On vous a prescrit as-Siyâm comme on l'a prescrit à ceux d'avant vous, ainsi atteindrez-vous la piété, »   
(s.Al-Baqara, v.183)

«Dr. Lang ! Félicitations ! » m’appela un étudiant corpuleux du Moyen-Orient, alors que je me tenais à côté des boîtes aux lettres de la Section de Mathématiques examinant le courrier du jour. « A toi aussi ! », il reçut ma réponse tout en hâtant le pas vers sa classe. 

« Et pourquoi ces félicitations ? » me demanda un collègue, levant les yeux de son courrier. « Cet étudiant est musulman, lui expliquai-je, il me félicite du début de ramadan, le mois de notre jeûne. » - « Il te félicite pour avoir à souffrir pendant tout un mois ! » Et, riant, il ajouta : « Je comprends qu’il saurait te féliciter à la fin du mois, non à son début ! » - « Nous avons des vues différentes, lui dis-je, nous trouvons dans le jeûne de ramadan une occasion en or d’auto-développement spirituel ! » - « Je crois que c’est un acte expiatoire », dis un autre professeur qui suivait notre conversation. « Non, ce n’est pas vrai ! Nous croyons que Dieu est Clément et Miséricordieux, et que l’on reçoit Sa clémence pendant le mois du jeûne. Mais ce mois est encore plus grand, vu son utilité spirituelle : c'est une occasion de reconsidérer et de réorienter notre vie, une chance d’être plus proche de Dieu. 

Les musulmans attendent le ramadan avec grande impatience et optimisme. » - « Peut-être, dit-il, mais je sais, pour sûr, que je ne peux pas survivre après un mois entier de jeûne ! »

A chacun des jours du mois arabe lunaire de ramadan, les musulmans s’abstiennent du boire, du manger et de la cohabitation entre époux, de l’aube jusqu’au coucher du soleil. Ils doivent également maîtriser leur mauvaise humeur et éviter les paroles mordantes. 

Fin claire d’un bon jeûne : exercer le croyant sur la maîtise de soi et le préparer à relever les défis de la vie. Les non musulmans se trompent le plus souvent lorsqu’ils supposent que le jeûne est une mortification – affaiblissement du corps pour délivrance de l’âme – comme c’est le cas dans les traditions de quelque autres religions.

En fait, les musulmans peuvent se pourvoir de tous leurs besoins, depuis le coucher du soleil jusqu’à l’aube ; ou encore s’abstenir du jeûne en cas de maladie ou de voyage. Le jeûne a beau entraîner quelques enuuis, il n’a aucunement comme but l’affaiblissement du corps. 

La plupart des non musulmans trouvent que le jeûne pendant le mois de ramadan est la plus dure des obligations de l’islam. Lorsque je la décris à mes amis non musulmans, la réaction est le plus souvent du genre : « Comment arrivez-vous à le faire vous-mêmes? » ou bien « Je ne peux jamais faire ça! ». Il faut reconnaître que des sentiments pareils me parcouraient avant de confesser l'islam. Et lorsque je réfléchissais à ma conversion, j'avais plein de doutes sur ma capacité d'accomplir cette obligation de façon intégrale, ou correcte. Néanmoins, mon premier ramadan, qui vint pendant l'été, ne fut pas aussi pénible que prévu. Après un jour ou deux, mon corps s'était adapté au changement de routine à boire et à manger et je me sentai soulagé en appliquant les prescriptions du jeûne comme indiquait la Tradition du Prophète. Au bout du mois, je fus animé d'une nouvelle confiance en soi. Je me découvrai en possession d'un pouvoir d'endurance au-delà de mes attentes, et trouvai qu'avec un peu de patience, de détermination et d'assistance divine, l'oeuvre qui semblait extrêmement ardue pouvait être très facilement achevée. Evidemment, l'Islam encourage ce comportement positif, lequel figure parmi les idées maîtresses dans le Coran. Les obligations sont conçues – paraît-il – pour consolider une telle foi. Et c'est peut-être ici une des raisons de fond qui expliquent pourquoi l'islam est peu favorable à l'exercice exagéré des oeuvres de cultes : peu d'entre nous seulement sauraient le supporter. Les obligations de l'islam ont beau faire jaillir les capacités du Croyant, elles ne sont pas tellement pénibles que l'on y échoue. Nous avons ce hadith du Prophète où il déclare : « L'(oeuvre de) religion que Dieu aime le plus est celle à laquelle son auteur s'applique assidûment »

Toute obligation parmi les cinq de l'islam accentue la cohésion de la société. Excepté le cas du hajj, en aucun temps de l'année, les sentiments de fraternité ne se révèlent aussi forts et clairs comme ils le sont en ramadan. Au cours de ce mois, les mosquées du monde musulman entier regorgent de croyants la nuit durant, les oeuvres de charité et les donations se multiplient dramatiquement au sein de la société, on déploie des efforts particuliers pour témoigner de l'affection aux amis et aux proches. Les musulmans le considèrent comme un don éminent, le fait de se rassembler à table pour le iftâr (rupture de jeûne dès le coucher du soleil). Il est rare qu'une famille musulmane prenne seule son iftâr au mois de ramadan : elle invite les amis et voisins – même non musulmans – pour la joindre au repas. A l'occident, les sentiments sociaux entre musulmans s'intensifient beaucoup durant ce mois, eu égard au mode de vie fort différent de ceux-ci au sein d'une majorité non musulmane. 

Aussi, Ramadan représente-il une apogée spirituelle pour les musulmans qui le qualifient souvent de : « Mois du Coran », « Mois de paix et de miséricorde » C'est le mois où démarra la révélation du Coran au Prophète Mouhammad (pbAsl):

«
 le mois de Ramadân au cours duquel le Coran a été descendu comme guide pour les gens, et preuves claires de la bonne direction et du discernement. Donc, quiconque d'entre vous est présent en ce mois, qu'il jeûne! Et quiconque est malade ou en voyage, alors qu'il jeûne un nombre égal d'autres jours. - Allah veut pour vous la facilité, Il ne veut pas la difficulté pour vous, afin que vous en complétiez le nombre et que vous proclamiez la grandeur d'Allah pour vous avoir guidés, et afin que vous soyez reconnaissants! » (s.Al-Baqara, v.185) 

Le Coran... Ce livre à travers lequel Dieu prodiga – et prodigue toujours – tranquillité, quiétude et sécurité à tant de musulmans.

Les musulmans croient qu'ils reçoivent la miséricorde et le pardon de Dieu à grande échelle pendant ce mois de ramadan. L'expérience du jeûne, tout comme nombre de leurs oeuvres cultuelles facultatives, les rapproche de Dieu. Au milieu des cinq piliers de l'islam, le jeûne de ramadan serait l'expression personnelle la plus importante de soumission à Dieu : on peut voir un musulman s'acquitter des quatre autres piliers, mais observe-t-il son jeûne ou non? Et comment? C'est Dieu Seul qui le sait. Le Prophète éclaira l'idée parfaitement lorsqu'il rapporte ces paroles de Dieu : « Toute oeuvre accomplie par le fils d'Adam est sienne, sauf le jeûne : il M'appartient, et c'est Moi qui le rétribue! »

En ramadan, un ami musulman me dit : « Si les différends inter-musulmans ne sont pas réglés au cours de ce mois, il n'y aura jamais d'espoir à les voir réglés! »

A l'un des mois de ramadan, je fus épuisé par les problèmes du travail, et commençai à prendre en pitié de jeûner en une période aussi dure de ma vie.

Et à l'un de ces jours pénibles, alors que je vint de prendre mon iftâr, des infos occupaient l'écran de télé, décrivant la famine en Abyssinie et en Somalie. Je me souviens toujours du visage d'un père Somalien mourrant de faim, lorsqu'il regardait, désarmé, son fils nu au ventre sévèrement gonflé battre la terre de son pied, en pleine souffrance. Le père qui a déjà perdu le reste des membres de sa famille, s'assis par terre à côté de son fils, guettant - avec patience et compassion – le coup de grâce par la mort du petit. Tout cela alors que je m'assayais sur mon fauteuil, regarder et prendre un très bon mets.

L'enfant qui ne s'était pas encore résigné à la mort, hurla avec violence et défi, défiant – paraît-il – l'explicite injustice et l'horrible insouciance des gens comme moi ; ceux qui désirent de ne pas se tracasser, mais seulement de se distraire, en regardant la télé.

Ca fit des mois que j'étais informé de ce drame en Somalie et en Abyssinie, cependant, je ne remuai pas le petit doigt, voire ne me permettai de s'en emmêler. Dans le hadith du Prophète Mouhammad, « Quiconque d'entre vous voit une turpitude, qu'il la change par sa main (son autorité). S'il s'en trouve incapable, alors par sa langue. Et s'il s'en trouve incapable, alors par (désapprobation de) son coeur, ce qui est le moindre (témoignage) de la foi. » Ma conscience brûlait, en regardant l'écran de télévision le mets devant moi. Je jeûnai le long du mois près, mais jamais réfléchis à une telle grande souffrance que l'on endurait sous mes yeux. Il semblait que Dieu ait choisit ce moment ; pour me mettre à ma juste place, me montrer tout ce dont je dispose, et me faire réaliser à quel point je n'étais pas reconnaissant. 

Fin de ramadan, les musulmans célèbrent les trois jours du Eid (la fête). C'est un congé euphorique et joyeux ; une célébration rassemblant les familles et présentant les cadeaux. Il équivaut aux célébrations de Noël à l'occident. C'est de même le moment où les musulmans témoignent d'une gratitude spéciale envers Dieu, tant l'expérience du jeûne leur avait rappelé Ses innombrables dons pour eux. 


Extrait de "Même Les Anges Demandent" du Dr. Jeffrey Lang.



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