Guide pour la méditation - Chapitre 5 (1ère partie)

Bhâvanâ



Ânâpânasati Bhâvanâ

LE DÉVELOPPEMENT DE L'ATTENTION SUR LA RESPIRATION




Chapitre 5 a - L'attention sur les cycles respiratoires


La méditation sur la respiration

Comme nous l'avons vu au chapitre 3, il y a 40 thèmes possibles pour la méditation. Pourtant, seulement trois d'entre eux bénéficient d'un apprentissage beaucoup plus répandu que les autres. Ces trois thèmes qui seront développés par la suite sont :

1. Ânâpânasatibhâvanâ : le développement de l'attention basée sur la respiration.

2. Kâyagatâsatibhâvanâ : le développement de l'attention basée sur le corps.

3. Brahmavihârabhâvanâ : le développement de l'attention basée sur les quatre nobles pensées.




LE DÉVELOPPEMENT DE L'ATTENTION SUR LA RESPIRATION

Un aspirant, ayant exprimé sa résolution, devra se prosterner trois fois devant son autel domestique (au cas où il en possède un dans sa maison ou dans le lieu où il réside)
*. A défaut, il peut simplement joindre les deux mains en signe d'hommage et les porter au niveau de son front. Il peut maintenant commencer la méditation sur le thème qu'il s'est choisi.

l'Ânâpânasatibhâvanâ : le développement de l'attention basé sur la respiration est la forme de méditation la plus pratiquée en Asie du sud-est, elle ne nécessite en effet aucun apport supplémentaire en symboliques, lectures, objets ou autres. Elle repose sur un élément que tout un chacun a en soi. De plus, elle peut être appliquée à la fois pour la recherche de la tranquillité (Samatha) et pour la recherche de la connaissance parfaite (Vipassanâ). En référence à ces possibilités, le visuddhimagga précise : "De tous les thèmes de méditation, l'attention basée sur la respiration est la première. Elle permet l'accès à la réalisation des hautes qualités prônées par le bouddhisme et elle permet une existence sereine dans la présente vie".

Le terme de Ânâpânasati peut être aussi traduit par Ânâpânasatibhâvanâ ou par Ânâpânasatikammatthâna, qui renvoient tous au même thème de méditation.




POUR LES DEBUTANTS

1. La position assise

L'aspirant doit s'asseoir sur le sol ou sur une chaise suivant ses préférences. Au cas où il s'assoit au sol, il est préférable qu'il y dispose un coussin ou un tapis pour une assise confortable. Un sol dur engendrera une fatigue rapide et distraira la pensée du thème de méditation. Sur une chaise, il devra se tenir bien droit et ne pas s'appuyer sur le dossier, sans quoi il sera tenter de somnoler.

L'assise sur le sol est préférable car cela permet d'équilibrer le corps dans sa totalité. Les fatigues et courbatures dues à la posture disparaîtront après quelques séances de pratique.

Assis au sol les hommes prennent la position des jambes croisées l'une sur l'autre, les femmes peuvent replier les jambes sur le côté (comme on le voit en Asie), si la position est trop difficile, elles peuvent croiser les jambes. A l'instar des représentations du bouddha, la jambe droite doit venir reposer sur la jambe gauche et la main droite par dessus la main gauche. Le dos doit être bien droit pour faciliter la respiration.

(D'autres postures sont possibles, là encore elles dépendent des préférences de chacun.)

Bien entendu, il convient dès lors d'observer la pensée, ses idées, ses émotions. Il faut éviter la distraction, l'occupation. Certains pratiquent la récitation mentale de syllabes, comme par exemple BUD en inspirant et DHO en expirant. Si l'on préfère, on peut fixer son attention sur la respiration et ainsi ne plus réciter. Quelle que soit la solution, le but est d'éviter que la pensée ne s'évade et ne se dissipe.

En position assise, certains préfèrent fermer les yeux pour éviter d'être distrait par l'environnement, d'autres préfèrent laisser les paupières légèrement ouvertes pour éviter de s'endormir. Dans ce dernier cas, il est d'usage de pointer son regard sur le bout de son nez, afin d'éviter d'embrasser du regard l'environnement d'objets, de formes et de couleurs. Ils restent alors dans cette position, jusqu'à qu'ils ne voient plus rien ou jusqu'à ce que les paupières retombent naturellement.




LES DIFFERENTES ETAPES DE LA RESPIRATION


1 - Suivre les successions "inspiration/expiration" (Anubandhanâ)

En tout premier lieu, il convient de respirer aussi profondément que possible, une fois, deux fois et trois fois. Ensuite, retour à une respiration naturelle et relaxée. Il ne faut jamais forcer les amplitudes à être longues ou courtes, car cela provoque du stress et des dérangements dans le corps (mal de tête par exemple). Il faut simplement toujours noter si l'amplitude est longue ou si l'amplitude est courte (ces deux niveaux s'établissant et se succédant naturellement en fonction de l'activité pulmonaire). Ces données sont justement les éléments importants à noter. Ensuite, il convient de noter quand on entre dans une phase d'inspiration, qu'on entre dans une phase d'inspiration. Et quand on entre dans une phase d'expiration, qu'on entre dans une phase d'expiration.

Pour ceux qui préfèrent être guidés davantage, ils peuvent réciter mentalement la syllabe BUD en inspirant et la syllabe DHO en expirant. Et ce faisant, ils suivent le parcours du souffle suivant les trois points : le bout du nez, la poitrine et le ventre.

A l'inspiration, la pointe du nez est le point de départ du cycle respiratoire, la poitrine en est le milieu et le ventre en est le point final. Tandis qu'on expire, le ventre devient le point de départ, la poitrine en est le milieu et la pointe du nez en est la fin. C'est un cycle alternatif. L'aspirant ne doit déterminer que deux points d'attention, la pointe du nez et le ventre. Mais, il doit suivre la respiration, tout au long des trois points. Durant cette phase, il doit être attentif à la respiration uniquement, à l'exclusion de tout autre sujet.

Il convient de tout faire pour ne pas laisser la pensée s'attarder sur ce qui n'est pas son objet de méditation, à savoir la respiration.

Si un aspirant parvient à ce résultat, il a réussi la première étape de la méditation.


2 - Etablir le point de contact (Phussanâ)

L'étape suivante, consiste à réduire les trois points de la respiration à un seul point, puis abandonner le restant. L'aspirant doit déterminer le point de contact, c'est-à-dire le point où le souffle entre en contact avec le corps. Avec cette méthode, l'aspirant économise ses efforts et son énergie puisqu'il n'y a plus à suivre les respirations en dedans et en dehors. Ce point de contact doit être trouvé en fonction de ce qui apparaît comme le plus évident, le plus confortable et le plus immédiat. Et cela peut être le bout du nez, la poitrine ou le ventre. Cependant, le point qui correspond le mieux à la pratique est l'extrémité du nez, qui est aussi le plus évident pour beaucoup.

Dans cette seconde étape, la respiration apparaîtra comme plus légère, plus fine que durant la première étape. La respiration peut devenir si légère qu'on a l'impression qu'il n'y a plus de souffle du tout. C'est le signe que la pensée a été mise au repos avec succès. Le sujet s'installe dans une sorte de sécurité solide. Plus longtemps cette position pourra être entretenue, plus longtemps la pensée sera forte.


3 - Le décompte des cycles respiratoires (Gananâ)

Au cas où l'aspirant éprouverait des difficultés à se concentrer et voudrait essayer une autre méthode, la méthode du décompte des cycles respiratoires lui offre une alternative qui peut produire de meilleurs résultats.

Elle est appelée Gananâ, c'est à dire "compter". L'attention doit être portée seulement sur le bout du nez et sur les inspirations et les expirations. Il y a deux méthodes de comptage :

A. le comptage lent.

B. le comptage rapide.



A. Le comptage lent

Première étape :

Ayant accompli les préliminaires décrits ci-dessus, l'aspirant doit compter mentalement comme suit :

  1. En inspirant, il compte 1, en expirant, il compte 1,
  2. En inspirant, il compte 2, en expirant, il compte 2,
  3. En inspirant, il compte 3, en expirant, il compte 3,
  4. En inspirant, il compte 4, en expirant, il compte 4,
  5. En inspirant, il compte 5, en expirant, il compte 5.
Puis, il renverse le système comme suit :
  1. En inspirant, il compte 5, en expirant, il compte 5,
  2. En inspirant, il compte 4, en expirant, il compte 4,
  3. En inspirant, il compte 3, en expirant, il compte 3,
  4. En inspirant, il compte 2, en expirant, il compte 2,
  5. En inspirant, il compte 1, en expirant, il compte 1.

Deuxième étape :

Recommencer la première série de un à cinq cycles, puis en sens inverse. Recommencer avec six cycles, puis en sens inverse.


Troisième étape :

Recommencer avec sept cycles, puis en sens inverse.


Quatrième étape :

Recommencer avec huit cycles, puis en sens inverse.


Cinquième étape :

Recommencer avec neuf cycles, puis en sens inverse.


Sixième étape :

Recommencer avec dix cycles, puis en sens inverse.

Ayant achevé cette série en six étapes de cinq à dix cycles, dans un sens puis en sens inverse, l'aspirant recommence l'ensemble des six étapes et ainsi de suite. Il recommence jusqu'à ce qu'il soit sûr de le faire sans se tromper.




B. Le comptage rapide

Ayant parachevé son apprentissage du comptage lent, l'aspirant peut se consacrer au comptage rapide qui permet de renforcer ses capacités de concentration. A ce niveau, il doit fixer son attention uniquement sur le point de contact et ne plus suivre le souffle en inspiration et en expiration. Le décompte se fait comme suit :

Première étape :
En inspirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5
En expirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5
Deuxième étape :
En inspirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6
En expirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6
Troisième étape :
En inspirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
En expirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Quatrième étape :
En inspirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
En expirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Cinquième étape :
En inspirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
En expirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Sixième étape :
En inspirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
En expirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10


On peut également décompter de la manière suivante :

  1. En inspirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5,
  2. En expirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6,
  3. En inspirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7,
  4. En expirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8,
  5. En inspirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,
  6. En expirant, il compte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Ayant terminé ces six étapes, il recommence. Cet exercice doit être répété jusqu'à ce qu'on le fasse sans être distrait ou déconcentré. La pensée entrera alors dans une phase de repos et l'attention sera fixée sur le point de concentration (ici, la pointe du nez par exemple, ou tout autre point de contact avec le souffle).

Un aspirant qui parvient à réaliser cet exercice est considéré comme ayant réussi cette étape.

Dans le processus de comptage ascendant et descendant, le nombre de cycles ne doit pas être inférieur à cinq, ni supérieur à dix. En dessous de cinq, la séquence n'a pas assez de consistance et les successions sont trop rapprochées, au-dessus de dix, les successions sont trop nombreuses et l'effort de mémoire nécessaire contrarie l'effort de concentration.







* = En Asie et en particulier en Asie du sud-est, les bouddhistes disposent d'un lieu dans leur maison où ils placent une ou plusieurs statue du bouddha. Cet ensemble peut être complété par des statues de déités tutélaires ou domestiques dont l'adoration converge avec celle d'une pratique bouddhique le plus souvent rigoureuse. Ces ensembles deviennent généralement avec le temps relativement importants et forment de véritables "montagnes" d'objets cultuels souvent de qualité et disposées avec goût. Retour au texte



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