Production : C.L.M. - S.N.E.G. - F.L.F. -
Distribution : Gaumont.
Scénario et dialogues : Sacha Guitry.
Réalisation : Sacha Guitry.
Directeur de la production : Gilbert Bokanovski.
Chef opérateur : Philippe Agostini (Technicolor)
Décors : René Renoux.
Son : Joseph de Bretagne. -
Montage : Paulette Robert. - Musiques : Jean Françaix.
Interprètes (par ordre alphabétique) :
Françoise Arnoul, Jeanne Boitel, Gilbert Bokanovski, Julien Carette, Danielle Darrieux, Louis de Funès, Jean Debucourt,
Jean-Jacques Delbo, Sophie Desmarets, Jacques Dumesnil, Sacha Guitry, Odette Joyeux, Robert Lamoureux, Pierre Larquey, Roland Lesaffre, Jean Marais, Lana Marconi, Michèle Morgan, Simone Paris, Giselle Pascal, Gérard Philipe, Marguerite Pierry, Renée St-Cyr, Jean Tissier, Utrillo, Jacques Varennes.
Durée: 183 mn. Sortie : 10 février 1956 aux cinémas Gaumont- Palace, Berlitz et Paris - Paris.
L' histoire :
Un autre fresque historique, après Versailles, voilà Paris. Une "déclaration d'amour lucide". Un superbe défilé de grands et petits moments de l'histoire de la Capitale, qui réveille des émotions profondes. Entouré d'une distribution prestigieuse, Sacha Guitry réussit à éblouir, émouvoir, rire et faire vibrer...
Critiques anciennes et récentes :
Il (Sacha Guitry, ndr) est incapable d'analyser, d'expliquer de faire la synthèse et de démontrer
quoi que ce soit. Il n'a aucune des qualités qui font un critique.
Mais un critique serait "impensable" qui posséderait les qualités de Sacha Guitry : verve,
invention, culte des anciens, imagination et facilité. Il y a donc incompatibilité entre le père
de Mon père avait raison et les critiques : le rendez-vous est
impossible autant que celui chanté hier du soleil avec la lune. Chacun boude dans son coin noir,
aux antipodes.
Tout cela pour en venir à Si Paris nous était conté, un des cinq meilleurs films de Sacha
Guitry, celui sur lequel me semble-t-il, mes sympathiques confrères se sont montrés vraiment
injustes.
La mort de Voltaire, et celles de Louis XI, Henri III, IV et la suite, les évasions de Latude,
qui, en France, hormis les quatre ou cinq cinéastes dont, comme moi, vous connaissez les noms,
les aurait pu écrire, mettre en scène et en diriger le jeu comme Sacha Guitry ou aussi bien ? Où,
je vous le demande, avez-vous vu Michèle Morgan, Robert Lamoureux, Denis d'Inès, Gisèle Pascal et
d'autres, jouer mieux ou même aussi bien qu'ici ?
Dans Si Versailles et dans Napoléon
, on dénombrait les bonnes scènes. Ici on compte les mauvaises et sur les doigts d'une
main. Et quelle dureté, quelle méchanceté, quelle férocité dans les derniers sublimes râles, quel
tragique dans ces demiers sursauts !...
François Truffaut, Cahiers du Cinéma, 1956.
Pour lui (Sacha Guitry, ndr), Si Paris nous était conté n'a rien à voir avec les deux
films précédents. Ce n'est ni une fresque ni un pamphlet. On voit peu le Paris réel car la majeure
partie des scènes a été tournée en studio. Ce n'est d'ailleurs pas la ville, son architecture et
ses monuments qui l'intéressent. C'est l'esprit de Paris. Il raconte son récit devant des jeunes
gens, et il avance avec une fausse désinvolture. Ici, les rois comptent moins que les poètes, les
troubadours, les artistes et les fous ingénieux. Bruant, Voltaire, Béranger, Flaubert, Verlaine,
Paulus, Montesquieu, François Villon, Utrillo et Paul Fort méritent autant le détour que
Beaumarchais, Latude et autres empêcheurs de penser en rond. Film sur la liberté d'expression,
Si Paris nous était conté n'évoque aucune époque particulière. Louis XI y consulte,
inquiet, le premier livre imprimé. Une centenaire évoque l'esprit de La Belle Epoque. La Bastille
est un décor de farces, mais aussi d'attrapes. Les vrais rois sont tués à la place de leur sosie
et les crinolines gênent pour se serrer en dansant la valse. Clairement, Guitry interroge des
fragments de ses travaux passés autour d'une idée simple mais si forte... L'idée d'un lieu clos
(Paris) où l'on tient à son bonheur quelles que soient les invasions (modes, conquérants,
fanatiques). Qui dit esprit, dit variations infinies, allant de la séduction charmante à la
cruauté implacable sans négliger la rosserie grinçante. C'est moins méchant que
La Poison, moins amer que La Vie d'un
honnête homme, tout en étant moins enthouslaste que Si
Versailles et moins analytique que Napoléon.
Il n'est pas faux d'y voir le reflet inversé de Remontons les
Champs-Elysées. Ce ne sont plus des marionnettes ou des pantins victimes de leurs destins
et cherchant des réconciliations nationales et politiques. Si Paris nous était conté est
un testament d'homme de lettres qui préfère une maison construite comme une phrase de Voltaire
que d'attendre un sauveur éternel.
Quand il tourne ce film, Guitry très malade, commence un traitement à la morphine. Il est possible
que la drogue ait endormi toutes les colères et les rancoeurs qui scintillaient encore dans
Napoléon et les oeuvres antécédentes. Il fait le choix de se promener dans son film, de le
concevoir selon cette errance. La distance est peu hautaine. La froideur ne se pare ni de haine,
ni de mépris. C'est un rêve imprimé sur le celluloïd, contrôlé juste assez pour que le discours
profond ne s'évapore pas. Il achève l'hommage à la ville qui lui a tout donné, par Paul Fort
disant : "Si tous les gars du monde voulaient se donner la main...", et Utrillo, aussi
malade que le Renoir de Ceux de chez nous en train de peindre,
Place du Tertre. Un vague espoir revient dans des images documentaires...
Noël Simsolo. Cahiers du cinéma, 1988.