L'auteur, atteint de sclérose en plaques est parti, seul sur un bateau, faire une croisière dans les caraïbes. Il lui arrive des tas de problèmes a cause de sa santé - maux de tête continuels, une jambee qui ne fonctionne plus, un oeil presque perdu...
Un jour il rencontre un couple de français en croisière dans la région. Il sympathise avec le couple et tombe amoureux de la femme. Quelques jours plus tard, ils doivent se rencontrer à nouveau, mais elle n'est pas là, seul son mari est au rendez-vous
.... En quelques phrases, je lui ai raconté mon avenir incertain et les certitudes de mon destin. Ma maladie et mon envie de les revoir. De « la » revoir bien sûr, mais je n'ai fait que le penser. Lui, ému, a laissé passer quelques secondes sans réagir. Je le regardais en pensant aux heures merveilleuses que j'avais vécues avec sa belle et soudain, il a démarré. Une recette miracle, une de celles qui guérissent aussi bien les coliques que les cancers, qui font la vaisselle et qui tondent les pelouses, tant qu'à faire.
Je l'ai écouté patiemment, l'écume échevelée d'un Petit Prince ensoleillé me tenait compagnie et j'avais tout mon temps. Il y avait de la gentillesse dans sa voix, beaucoup de gentillesse, et de la générosité aussi. Tellement que j'ai fini par avoir un peu honte de ne pas être plus attentif à ses propos. Quelques mots sont alors arrivés jusqu'à moi.
- Ce n'est pas compliqué, faut tout manger cru, comme les hommes d'avant le feu, comme un sauvage... L'image d'une poitrine, dorée par le soleil tropical, est venue me faire perdre la suite.
- Ah ! ça me rappelle quelque chose, j'ai vu un truc comme ça à la télé juste avant de partir; une bande d'écolos reniflait des fruits comme si tous les dieux de la terre s'y cachaient. J'ai trouvé cela un peu farfelu et j'ai changé de chaîne.
- Ne te fie pas aux apparences, elles peuvent être si trompeuses qu'on en oublie son objectivité. Tu sais, j'ai vu des drôles de trucs avec ce machin, des tas de guérisons étonnantes, des maladies irréductibles, de celles qui font capituler la médecine. Ces « malades », je te parle de ceux que je connaissais personnellement, n'avaient plus d'espoir. Et brusquement, parce qu'ils ont baissé leur garde et qu'ils ont su ouvrir leurs oreilles, ils se sont vus remonter la pente de la vie. Une nouvelle chance, ils ont tous réglé leurs problèmes.
- Plus de cuisine, plus de vaisselle, c'est tentant. - Je te passe le bouquin, si tu veux?
- Tu as essayé pour toi?
- Oui, pour une bricole, une allergie que je me suis traîné pendant des années et qui a complètement disparu en moins d'une semaine et...
- Une allergie, je veux bien, mais une sclérose en plaques? C'est autre chose quand même! Non?
- Bien sûr, mais laisse-moi terminer ma phrase. Les maladies dont j'allais te parler étaient du genre cancers, tumeurs, polyarthrite ankylosante et j'en passe. Lis le bouquin, cela n'engage à rien et... ses fesses blondes sur fond de sable corallien, presque blanc...
- Comment ça s'appelle?
- La Guerre du cru, c'est de l'instinctothérapie...
- De la quoi?
- L'ins-tinc-to-thé-ra-pie, ou plutôt l'alimentation instinctive. Tu comprendras en lisant, quelques phrases ne serviraient qu'à t'embrouiller. Et puis tu ne risques pas grand chose, beaucoup moins qu'avec des médicaments dont on ne connaît les effets que sur quelques années. Pas de rayons barbares, pas de molécules tueuses, pas d'anesthésie, rien que du bon, des choses qui t'éclatent quand tu les manges.
- Ouais! mais si ça marchait si bien, ça se saurait?
- Lis.
- Tu sais, je ne me fais pas beaucoup d'illusions. Au début de la maladie, j'avais essayé plusieurs trucs dans le même genre et j'en étais sorti bien échaudé.
Il n'a pas répondu, il avait l'air content de lui et souriait... bêtement. (.......) J'avais le bouquin sous le bras et je chantais.
J'ai balancé le bouquin dans un coin et j'ai tout de suite levé l'ancre, sans même savoir dans quelle direction aller. Il s'agissait pour moi de matérialiser la fin de mes platoniques amours lunaires par un changement d'espace.
J'avais le choix, j'ai choisi une île au hasard et j'ai laissé faire le vent. Qu'importait sa direction, puisque je n'avais pas de but. Qu'il s'énerve ou s'endorme ne comptait pas plus car j'étais entouré de mouillages abrités.
Je tournais en rond et, par petites touches successives, je feuilletais le livre. Au fil des jours, plus par ennui que par conviction, je me suis laissé prendre au jeu. L'histoire me plaisait. J'y trouvais quelques accents de vérité et je me suis laissé faire. Pas au point de jeter mes casseroles par-dessus bord, mais suffisamment pour vouloir creuser encore. Et j'ai creusé.
Quelques jours plus tard, je suis retourné à Pampatar et j'ai acheté des légumes, des fruits, de la viande et des oeufs. Il y en avait partout dans le bateau. La Puce (la chatte qui l'accompagne), intéressée par les effluves que dégageait mon gargantuesque marché, jouait du nez. Je l'attendais sur la viande mais c'est sur la papaye qu'elle s'est tout d'abord jetée, puis sur le melon d'eau et pour finir sur l'avocat. Étonnant quand même!
Je voulais faire les choses comme il faut, en suivant bêtement le mode d'emploi du bouquin. Tant et si bien que je me suis retrouvé devant une table de carré comme jamais je n'en avais vu. Le vif orange de la papaye coupée en deux semblait sourire aux dorures de l'ananas. Quelques pommes cannelles bleutées berçaient les verts onctueux d'un énorme corossol et le jaune un peu cuivré de quelques mains de « bananesnains » s'adossait aux flancs d'une pièce de boeuf carrément suggestive dont les rouges sombres, émouvants et musclés, chantaient les lointaines plaines sauvages d'Amérique du Sud de leur vivant.
Sublime? Certes, mais je devais oublier cette beauté. Pas toucher, fermer les yeux et renifler. Renifler chacun d'eux jusqu'à penser très fort: « C'est ce truc-là qui me fait rêver, ce truc-là qui me fait saliver comme en amour et qui appelle la communion de toutes ses forces. » Sentir jusqu'à ce que l'odeur réveille en moi quelque fabuleux souvenir d'enfance, quelque odeur lumineuse dans laquelle je n'aspirerai plus qu'à me perdre.
J'avais toujours les yeux fermés et mon nez frémissait en survolant la table du banquet quand soudain, un coup de roulis intempestif m'a plongé le nez dans un truc gluant. J'ai dû faire un gros effort pour ne pas ouvrir les yeux, mais j'étais bien concentré et j'y suis arrivé. Je me suis seulement essuyé le nez d'un revers de main et j'ai continué la cérémonie.
Cela n'a pas été très compliqué. Une odeur se démarquait effrontément et laissait les autres dans l'ombre la plus sombre qui soit. Pas de discussion possible, un bouquet somptueusement chaleureux, envoûtant, me titillait les narines. J'ai ouvert les yeux devant le morceau de boeuf cru. Époustouflé de le trouver là, j'ai de nouveau reniflé. Il était bien la source de ces relents célestes et je me suis plié à l'évidence. La Puce, repue, s'était déjà écroulée dans un coin d'ombre et moi, sans mollir, j'ai engouffré les deux kiIos de boeuf.
Le boucher était ravi de me revoir si vite. De retour à bord, j'ai découpé des lanières et je les ai mises à sécher dans le filet qui relie l'avant des deux coques. J'allais bientôt entamer le voyage du retour et telle la fourmi de base, je faisais des provisions. Mais la cigale de la fable réclamait tant et si bien son dû qu'une lanière sur deux atterrissait dans mon ventre.
A l'heure du goûter, la Puce est revenue sur le pont et s'est tout de suite dirigée vers la viande qui séchait. J'y suis allé aussi et n'en déplaise à la fourmi, quand le soleil a touché l'horizon, nous avions tout englouti.
Le deuxième jour s'est contenté de reproduire le premier. A la tombée de la troisième nuit, alors que je roulais mon petit pétard du soir, j'ai réalisé que je n'avais pas eu mal au crâne de toute la journée. J'en avais même oublié mes cachets. Cela faisait déjà tant d'années que je vivais sous antalgiques... Et là, d'une pichenette, pffuitt, à la porte.
J'étais choqué, oui, je dis bien choqué. Le mot peut paraître curieux, mais j'avais bétonné mon avenir dans les certitudes de la médecine et le rayon de soleil qui venait de m'atteindre me bouleversait bien plus que je n'aurais pu l'imaginer. Une improbable fissure venait d'ouvrir une petite brèche donnant directement sur l'avenir, et je la percevais comme une énorme faiblesse de ma carapace. Une faiblesse car j'avais décidé, une bonne fois pour toutes, de vivre ma maladie comme un axiome, pas comme un Yo-Yo. Mon mental ne l'aurait pas supporté. Je m'étais structuré pour de sombres certitudes. J'avais banni les peut-être de l'espoir et pour être bien sûr de ne pas m'y brûler les ailes, j'en avais effacé le concept de ma pensée.
Mais, sans eux, un plongeon dans le monde normal m'effrayait, me paniquait. J'ai forcé un peu la dose de mon pétard et je me suis laissé faire, je ne voulais plus y penser.
Au matin du cinquième jour, un monde nouveau s'offrait à mon ceil blessé. Je n'arrivais pas à le croire, et toutes les trois minutes, je fermais l'autre pour vérifier. Mais je ne me trompais pas, ma vue avait retrouvé ses ailes. Dans la journée, je ne me rendais pas compte de l'évolution de mon état, mais chaque matin, je me réveillais avec un plus qui s'ajoutait à ceux de la veille.
Et le septième jour, je marchais sans boiter. Je ne savais plus trop quoi penser. Un formidable espoir était en train de naître, et moi je freinais des deux pieds. J'avais peur de ne m'envoler vers ces fabuleux sommets que pour mieux replonger dans les bas-fonds de mon avenir étriqué. Cassé à jamais.
A ce moment, ma propre volonté de guérir était en bien piteux état. J'étais résigné et j'avais mobilisé toutes mes forces intérieures pour lutter contre cette chose qui se plaisait tant à singer une rémission. Au moment où tout cela s'était produit, j'avais récupéré de ma dernière crise et même les cigales de ma chère Provence étaient sorties de mon esprit. En d'autres termes, je n'étais pas non plus acculé, car dans ma tête, ce voyage pouvait encore, bon an mal an, continuer son chemin.
Je luttais donc pour ne pas m'emballer devant ces faits incontestables et j'y arrivais à peu près. Pourtant, il n'y avait pas que l'arrêt des symptômes qui me déstabilisait, dans ma tête aussi cela bougeait. J'avais l'impression que mon cerveau avait reçu une dose de potion magique. Une superpotion qui épousait spécifiquement le moindre de ses besoins. Une lumière nouvelle éclairait mes esprits. Je commençais à comprendre tous azimuts, à comprendre pourquoi ces amours impossibles, pourquoi ces femmes de chimères croisaient ma vie et semaient sur ma route cette longue suite de cadavres d'espoir, tous ces chagrins d'amour. J'avais besoin de rêves, bien sûr, mais j'avais surtout besoin de me construire des échecs afin de justifier mon spleen envahissant. A mes yeux, c'était plus honorable que de pleurer sur mon sort.
Au huitième jour de mon chemin de croix, j'ai donné un grand coup de balai dans la cuisine de l'Asclée. J'ai sorti tous ces accessoires maintenant inutiles sur le pont, et j'ai cherché un moyen pratique de m'en débarrasser. Or, non loin de moi, il y avait un bateau bohème qui se balançait mollement au bout de son ancre, un bateau fait de bric, de broc et de bouts de ficelle, une roulotte romanesque abritant une famille de romanichels aquatiques. C'est dire leur joie quand ils m'ont vu débarquer sur leur a yacht » avec le réchaud, les casseroles, les poêles à frire, la Cocotte-Minute et bien sûr, toutes les réserves « à cuire » de l'Asclée. Mon herbe à rêves aussi a suivi le mouvement. Excepté un minuscule réchaud de camping et un paquet de spaghettis pour survivre en cas de naufrage, je leur ai tout offert. Ils n'ont rien compris à mes explications mais ils étaient heureux et moi aussi.
Le départ se précisait, les préparatifs battaient leur plein et la viande séchait sur le filet, sans relâche. Je savais que sur la route du retour, il n'y aurait que très peu d'occasion de refaire des vivres et sous les tropiques, sans frigo... Alors je surveillais. D'abord la Puce, qui profitait de chaque occasion pour me chiper une lanière, et puis les grains: pleuvra, pleuvra pas? En quelques minutes d'inattention, le plus anodin des nuages pouvait se métamorphoser en grain et pleurer sur une longue journée de séchage.
La viande, toujours la viande. Heureusement que le bouquin m'avait mis en garde, «... Ies excès correspondent à un besoin, qu'il ne faut surtout pas réfréner... soixante-douze jaunes d'oeuf en un repas, chez un leucémique... » Et sans crise de foie, s'il vous plaît. En tout cas, pour la vaisselle c'était génial, il ne me restait plus que trois assiettes. Une pour la Puce, une pour moi et une de rechange.
Je trouvais bien ma démarche un peu prématurée, mais ce dépouillement me séduisait, trop d'inutile encombrait ma conscience. Au fil des semaines, mille gadgets allaient quitter le bateau, rejoindre la mer ou faire le bonheur d'une rencontre ou d'une poubelle. Un vent de tempête soufflait sur les squatters de mon cerveau. Un drap, une ligne de pêche, un couteau, de quoi écrire, et puis la vie.
Une vie, qui pour avoir tant joué les futurs encalminés, aujourd'hui se refusait à l'éveil. Je ne voulais toujours pas y croire. .......
Par la suite l'amélioration de sa santé se poursuit. ¨Pour être bien sûr que le hasard n'est pas pour quelque chose dans ces rémissions, il essaye de remanger cuit. Tous les symptômes reviennent. Il essaye plusieurs fois, chaque fois il retombe malade. Il fait ensuite un stage instincto et nous raconte egalement sa visite à Montramé, etc...
Autre livre du même auteur : "Le régime du plaisir", Editions "Vivez Soleil", 336 p., ISBN 2-88058-259-8, février 1998. Suite à son témoignage de guérison de la sclérose en plaques (voir ci-dessous), il a reçu de nombreuses demandes de renseignements à propos de la marche à suivre, concrètement, pour pratiquer l'alimentation naturelle. Ce livre répond a ces questions. De plus il reprend les raisonnements qui permettent de comprendre le pourquoi et le comment des bienfaits d'une alimentation naturelle.