UN
PROPHETE A FOND DE CALE
On sourit toutes
les fois qu'on mentionne l'extraordinaire histoire de la Bible, qui nous parle
du prophète Jonas. On s'exclame: "Jonas et sa baleine", et l'on passe sur
le récit en l'égratignant d'un pli narquois des lèvres; on passe rapidement
pour glisser plus loin ...
Et pourtant cette histoire, croyez-moi, est bien autre chose qu'une fabuleuse
aventure qui nous vient de l'antiquité. Elle mérite une autre attention qu'un
trait d'esprit humoristique. Par elle, comme par toutes les pages de notre
Bible, Dieu veut nous parler.
Lisez plutôt comment s'amorce cette épopée qui mène notre héros de son obscure
bourgade de Gath-Epher en Israël au port de Joppé, sur les eaux calmes puis
tumultueuses de la Méditerranée jusqu'à Ninive, la ville aux cent tours et
aux innombrables créneaux, en passant bien sûr par l'épisode du grand poisson.
"La parole de l'Eternel fut adressée à Jonas, fils d'Amitthaï, en ces mots:
Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle, car sa méchanceté
est montée jusqu'à moi. Et Jonas se leva pour s'enfuir à Tarsis, loin de la
face de l'Eternel. Il descendit à Japho, et il trouva un navire qui allait
à Tarsis; il paya le prix du transport, et s'embarqua pour aller avec les
passagers à Tarsis, loin de la face de l'Eternel. Mais l'Eternel fit souffler
sur la mer un vent impétueux et il s'éleva sur la mer une grande tempête.
Le navire menaçait de faire naufrage. Les mariniers eurent peur, ils implorèrent
chacun leur dieu et ils jetèrent dans la mer les objets qui étaient sur le
navire, afin de le rendre plus léger. Jonas descendit au fond du navire, se
coucha et s'endormit profondément. Le pilote s'approcha de lui, et lui dit:
Pourquoi dors-tu? Lève-toi, invoque ton Dieu! peut-être voudra-t-il penser
à nous et nous ne périrons pas"
Jonas 1:1-6
Jonas ne fut pas toujours le prophète de malheur ou le prophète à fond de
cale que nous connaissons. Il avait un jour reçu de Dieu l'agréable mission
d'annoncer à Jéroboam, son roi, la prospérité d'Israël pendant son règne.
Aujourd'hui une autre mission, périlleuse et lointaine cette fois, lui est
confiée: Dieu l'envoie à Ninive, capitale du vaste empire d 'Assyrie.
Mais pourquoi une telle mission? C'était d'abord pour montrer que l'Eternel
n'est pas seulement le Dieu des Juifs, comme se l'imaginaient plusieurs des
Israélites, ses concitoyens, dans leur vain orgueil, mais le Dieu et le Roi
de toutes les nations.
C'était encore et surtout pour rappeler qu'Il est un Souverain Juge, à qui
rien n'échappe, qui tôt ou tard condamne le mal: "Jonas, lève-toi, va à Ninive
et crie contre la ville, car l'iniquité de ses habitants est montée jusqu'à
moi".
Mais, que fais -tu, Jonas? Pourquoi à la hâte prépares-tu ton bagage et furtivement
descends-tu vers Joppé, le port de mer? Joppé est à l'opposé de Ninive! Hé!
Jonas, pourquoi fuis-tu? Pour quel motif cette rébellion, cette désertion?
Est-ce la peur? Crains -tu la colère ou la moquerie des gens de Ninive?
C'est improbable, la suite du récit nous montre en Jonas un homme peu facile
à intimider. Non! Mais il y a chez lui plus d'orgueil que de peur. Jonas brûle
d'un patriotisme égoïste et jaloux, il s 'imagine que les Juifs seuls ont
droit à la sollicitude de son Seigneur. Alors aujourd'hui il s'irrite!
Non seulement Dieu s'inquiète de ces païens, mais c'est lui, Jonas, qu'Il
appelle pour cette mission, lui qu'Il choisit pour exercer son ministère chez
ces gens! Quoi, c'est à Ninive que Dieu l'envoie, dans cette ville idolâtre
qui rêve de l'abaissement et de la ruine de sa chère patrie d 'Israël Il faut
que lui, il aille là-bas et qu'il devienne peut-être l'instrument de la conversion
et du salut de cette cité ennemie! C'est trop fort! Plutôt s'exiler, plutôt
mourir!
Etrange aveuglement! Et pourtant voilà ce que deviennent souvent les meilleurs
hommes, livrés à eux-mêmes!
Amis, n'y a-t-il pas souvent du Jonas dans notre coeur à tous? Dites, quand
le devoir est facile et la tâche agréable, nous obéissons volontiers, mais,
quand le devoir se fait difficile, quand il blesse les sympathies, heurte
nos préjugés, nos passions, nous regimbons, nous cherchons et trouvons des
prétextes, nous créons nous-mêmes des obstacles et nous nous mettons, comme
Jonas, dans l'impossibilité d'obéir.
Le danger d'un tel aveuglement, c'est de parvenir à se faire une bonne conscience.
Regardons Jonas. A l'annonce de sa mission, il descend vers ce port de Joppé
car il veut fuir, fuir à Tarsis, l'antique Tartese, au-delà du détroit de
Gibraltar, une colonie commerciale phénicienne. Le voyez-vous se diriger vers
le quai d'embarquement? En ce temps-là et dans ce port, "les navires au long
cours étaient rares. Mais voici justement un navire, même un navire en partance.
Jonas s'approche, s'enquiert, le navire appareille et appareille justement
pour Tarsis. N'y a -t-il pas, dans l'ensemble de ces circonstances favorables,
de quoi confirmer Jonas dans sa résolution de fuir? Au fond a -t-il bien compris
l'ordre de son Maître? Dieu n'a-t-il pas changé, ou son Seigneur ne vient-il
pas de se raviser? En tout cas, ce navire, ce navire justement pour Tarsis,
n'est-il pas providentiel? Ce ne peut être une coïncidence: il veut fuir,
aller à Tarsis et voici au moment opportun le navire qui convient. Providentiel,
sans aucun doute!
Amis, c'est étonnant comme parfois le chemin qui nous éloigne de la volonté
de Dieu, notre chemin de fuite, peut devenir facile, étrangement facile. Facile
oui, mais pas forcément le chemin de Dieu pour nous. Ah! ne plaidons jamais
la facilité, l'arrangement étonnant de nos circonstances pour justifier nos
refus, nos fuites devant la volonté de Dieu. Des circonstances faciles, des
arrangements qui paraissent providentiels, voilà ce que souvent nous invoquons,
et le pire le voici, nous parvenons parfois à trouver une tranquillité trompeuse.
Au fond de son navire, Jonas. paisiblement, s'est endormi ... Mais on ne se
moque pas de Dieu. Oui, Jonas s'embarque, providentiellement, semble-t-il.
La mer est calme, le vent favorable: "Tout va bien, pense notre prophète,
la crise est passée, passée, mais j'ai eu grand'peur". Et, bercé par le roulis
du navire, Jonas dort, oui Jonas dort...
Mais quoi, voici qu'un coup au côté le réveille. Que se passe-t-il? Un marin
est près de lui: "Que fais-tu, dormeur? Lève-toi, invoque ton Dieu. Peut-être
pensera-t-il à nous et alors nous ne périrons pas".
C'est qu'un orage a soudain éclaté, tout le navire est en tumulte, le bâtiment
risque de sombrer dans les flots et, sur le vaisseau, chacun s'affaire. Que
fait Jonas? De tous ceux qui luttent sur le navire, il devrait être le mieux
éveillé. Or, non seulement il dort, mais il dort profondément. Le craquement
des cordages, le déferlement des vagues, le hurlement des vents, les cris
des matelots, rien ne le réveille.
Dans leur frayeur, les mariniers invoquent leurs divinités. Et lui, l'Israélite,
mieux, le prophète, le voilà qui dort au fond du navire. Ne dirait-on pas
qu'il cherche inconsciemment à se fuir lui -même, comme il a tenté d'échapper
à Dieu? Quoi, il faut que ce soit un étranger, un païen, qui le rappelle au
devoir: "Lève-toi, dormeur, crie à ton Dieu, oui, crie à ton Dieu!". Et voilà
soudain Jonas ramené malgré lui devant Dieu, devant SON DIEU QU'IL A VOULU
FUIR ...
Ah! peut-être, sommes-nous aussi assez fous pour croire que nous parviendrons
à fuir loin de la face de Dieu, à échapper à cette obligation de Le servir,
d'aimer les âmes, de les avertir pour les amener à la repentance et de là
au salut? Car trop souvent, hélas! appesantis par les soucis, les fatigues,
les agitations de la vie, nous ressemblons au prophète endormi; dans l'indifférence,
nous laissons le monde glisser vers son naufrage, alors que, seuls dans ce
monde ,nous savons ce qui peut redresser la situation.
Peut-être, comme Jonas, avons-nous des moyens: il a pu se payer un voyage
en pays lointain. Mais, est -ce que cela nous libérera? Pourrons -nous jamais
échapper au Dieu Tout-Puissant? Ferions-nous mieux que Jonas? Nous sourions,
quand nous évoquons comment, enfants, nous cherchions parfois, le soir, sur
le chemin, à fuir notre ombre dans une course ridicule. Quelqu'un voudrait-il
fuir son devoir, tourner le dos à Dieu? Ami, au terme de ta vie, laisse-moi
te dire que tu retrouveras Dieu.
L'illusion de tous les Jonas, de tous ces fuyards de la présence et du service
de Dieu, est qu'ils croient mettre entre leur âme et Dieu un long chemin,
tout un abîme, et éperdus ils s'enfuient, mais toujours leur chemin tournera,
et tournera en rond et nécessairement un jour, tôt ou tard, ils se retrouveront
devant Celui qu'ils ont voulu fuir par tous leurs chemins. Un jour, comme
Jonas, ils se retrouveront face à face avec Dieu.
Mais, si nous pouvions échapper à ce Dieu, ce serait notre perte! Répétons
au contraire comme le psalmiste: "Où irai -je loin de ton Esprit et où fuirai
-je loin de ta face?" (Psaume 139/7-12). Non, jamais nous ne pourrons fuir
sa sollicitude, son amour qui ne veut pas nous lâcher. Qu'aujourd'hui une
voix plus solennelle, en tout cas plus sainte que celle du pilote du navire
de Joppé, cherche à stopper notre fuite, à nous réveiller:
"Lève-toi, toi qui dors, et Christ t'éclairera"
Ephésiens 5:14
Ecoutons-la! Invoquons notre Dieu. Cherchons son secours et sa grâce pour
être sauvés. Ami, avec moi, courbe-toi maintenant pour prier.
Prière:
"0 notre Dieu! Trop souvent nous sommes, comme le prophète, rebelles, déserteurs
et désobéissants, endormis, repoussant les appels, fuyant ta présence. Mais
il nous est dur de regimber contre l'aiguillon, et la révolte porte ses fruits
amers. Tu le veux ainsi pour le salut de notre âme et c'est ce salut que nous
te demandons par -dessus toutes choses. Réveille -nous. Oui, attire -nous
à toi! Fais nous sentir toujours plus qu'il n'y a de bonheur et de paix que
dans l'obéissance.
Aide-nous à t'obéir, avec le zèle et la promptitude, le saint amour de tes
anges et, surtout, à l'exemple de ce Sauveur qui s'est rendu obéissant jusqu'à
la mort de la croix. Que nous sachions dire en tout temps comme Lui: Que ta
volonté soit faite et non la mienne. Car tout ce que tu veux est pour le bien
et le salut de tes enfants. Amen!"